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où va la musique de film?

Publié le 24 avril 2008 par Ffievre
Je me demande où va la musique de film. Je parle de musique originale, bien entendu. Il y a pourtant de très bons films qui sortent au cinéma, mais la qualité en est souvent fort dégradée par une musique strictement vide. Aucune oeuvre cinématographique digne de ce nom ne peut supporter l'épreuve du temps avec une musique d'emballage ou complètement creuse. Sans forcément se référer tout de suite à Kubrick (qui n'a d'ailleurs fait que réutiliser des musiques déjà existantes), qui à mon avis est celui qui a le mieux compris le sens de la musique au cinéma, constatons une chose : aucune musique de film composée aujourd'hui n'a d'intérêt. Ne parlons pas du Seigneur des Anneaux, c'est une catastrophe, Harry Potter, c'est moisi, etc. Il faut alors remonter dans le temps. Moi, je n'ai pas peur d'aller loin. Je reviens à mon cher Prokofiev, qui a fait vivre les films d'Eisenstein, à Chostakovitch dans La Nouvelle Babylone, en France on a eu aussi Auric qui a signé quelques musiques pour Cocteau, etc. Ce qui m'a fait avoir ce soudain soubresaut nostalgique, c'est que, étant blasé depuis longtemps par les musiques originales, il a fallu que ce soit un vieux film des années 40 qui réveille mes oreilles : ce n'est pas moins que William Walton (1902-1983), célèbre compositeur britannique (qui d'habitude ne m'emballe pas outre mesure), qui a composé la musique du film Hamlet de Laurence Olivier. Peu connue au demeurant (sauf au Royaume-Uni - Walton a d'ailleurs signé la "trilogie shakespearienne" de L. Olivier : Henri V, Hamlet, Richard III), voilà une musique de film qui donne un sens complet à ce genre si dévoyé aujourd'hui. Bien avant John Williams ou John Barry. Moi qui n'ai jamais souffert Hamlet autrement que par une lecture en langue originale (avec notes et traduction à côté tout de même!), voilà que je me suis senti happé dans les tréfonds psychologiques des personnages, grâce à cet alliage mystérieux des images et d'une musique appropriée. Je tiens à préciser notamment le travail sur les cuivres, qui donne un souffle épique à la pièce, notamment au moment du duel entre Hamlet et Laërte et de leurs morts respectives, moment qui d'ordinaire est très laborieux au théâtre. Des émotions que je n'avais pas ressenties depuis longtemps devant un écran. Mais en fait, et pour être tout à fait sincère, n'y a-t-il pas aussi un certain charme dans ce tapis sonore un peu craquant, qui rend le moindre coup de timbales annonciateur de mort? Ce son, propre à cette époque révolue du cinéma classique, nous envoûte toujours aujourd'hui. Le son, cette force motrice au service d'une musique de qualité en complète harmonie avec le film, voilà la force pour qu'un film résiste au temps. Cessons de penser qu'il y a les compositeurs de musiques de films et les autres. On est compositeur ou on ne l'est pas. Point. Le jour où les cinéastes referont appel aux vrais compositeurs d'aujourd'hui, et pas à des pseudo-théoriciens du son au cinéma, leurs films seront peut-être un peu moins plats, et alors le cinéma redeviendra peut-être un art.

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