« La lettre de SAGAWA » de KARA Jûrô

Par Pierrec

Mon avis :  

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C’est après avoir reçu une lettre de celui qui fut surnommé « L’étudiant français » ou encore « Le cannibale japonais » que KARA Jûrô décida de publier son premier roman, lui qui était plus habitué à travailler dans le milieu du théâtre. Il décide de se rendre à Paris qu’il ne connaît absolument pas afin de rencontrer SAGAWA qui se trouve toujours en prison. Dès son arrivée, KARA Jûrô est confronté aux difficultés administratives qui l’empêchent de rencontrer le prisonnier et décide d’essayer de comprendre ce qui a pu pousser son compatriote à commettre un tel acte de barbarie. Il retrouve l’hôtel où il a séjourné et rencontré plusieurs fois la jeune Néerlandaise jusqu’à ce jour où il l’a assassinée à la carabine 22 long rifle avant de la dévorer. Il se rend également dans une librairie avoisinante afin d’y acheter le poème « Aben » de Jonasan que SAGAWA a demandé à la jeune Néerlandaise de lire à haute voix dans sa chambre. Enfin, il se procure un plan détaillé de Paris afin de visiter tous les endroits de la ville que SAGAWA a pu fouler. KARA se doit de démêler l’écheveau durant son séjour d’une semaine ; il veut comprendre comment cet homme a pu manger la chair de cette jeune femme alors que son goût âcre aurait dû l’empêcher de continuer à s’approprier ce corps mutilé.

Le roman est un assemblage de lettres et notes que KARA lui-même écrit et envoie à SAGAWA afin de le faire réagir et de l’obliger à se découvrir plus qu’il ne veut le faire. Pour SAGAWA, ce qu’il a fait est un acte d’amour extrême, tandis que pour KARA, il n’est que purement cérébral, et c’est ce qu’il veut lui faire avouer. SAGAWA est un être complexe et complexé, il ne mesure qu’un mètre cinquante-deux et ne pèse que trente-cinq kilos en 1981, ce qui le rend déjà marginal dans son pays, mais plus encore en Occident. S’approprier le corps d’un(e) Occidental(e) pourrait être une des raisons qui l’ont poussé à devenir cannibale.

Le cannibalisme est un sujet tabou et écrire un livre sur cette histoire macabre est un réel défi. Un double défi même, puisque SAGAWA Issei, dès son retour au Japon, ne fut pas considéré comme un monstre, mais plutôt comme une bête curieuse, un marginal, une curiosité. Il fut même engagé pour faire de la publicité pour des chaînes de restaurants de viande, humour macabre et de mauvais goût qui cependant passa comme une lettre à la poste auprès des Japonais. KARA Jûrô, quant à lui, voulut dans son livre démystifier le personnage en rabaissant sa personnalité et son intelligence. Il passa beaucoup de temps à traduire ce fameux poème « Aben », alors qu’il ne connaissait pas un mot d’allemand, pour faire comprendre à SAGAWA que sa façon de faire était non seulement lugubre, mais surtout idiote et irréfléchie. L’auteur a très vite compris d’après les lettres de SAGAWA, que l’homme était imbu de lui-même et que le reste du monde lui était totalement étranger.