"Il faudrait les nommer toutes, à haute voix, par leur nom, face au fleuve, d'où elles sont sorties au XVIIe siècle, pour nous mettre au monde et tout le pays avec nous..." -Anne Hébert, Le Premier Jardin
Elles n'étaient que 36 en juin 1663 à quitter Paris pour la Nouvelle-France et tenter de venir fonder une famille et peupler l'Amérique du Nord à la demande de Jean Talon.
Elles seraient à peu près 800 entre 1663 et 1773 à tenter l'aventure. Dix ans plus tard, elles auraient fait tripler la population, alors colonie française d'exploitation du commerce des fourrures, qui deviendrait un jour, la nation Québécoise.
Ces jeunes femmes âgées de 12 à 30 ans, prêtes à se marier et à procréer, étaient appelées filles du roy parce que, les dépenses liées à leur transport et à leur établissement étaient prise en charge par le roi de France. Si elles n’éprouvaient généralement pas de difficulté à se trouver un mari, quelques-unes peinaient dans l’adaptation à la vie quotidienne en Nouvelle-France. Selon Marie de l’Incarnation, qui les reçevait dans son monastère converti en hôpital en en gîte, il s’agissait de citadines, peu ou pas préparées au travail de la terre. Et encore moins habituées aux hivers Québécois.
Orphelines, filles de condition modeste, généralement sans fortune, elles seraient plus de 80% d'origine urbaine ou semi-urbaine. Marguerite Bourgeoys serait celle qui coordonerait leurs arrivées. Le Roi de France agissait comme un tuteur (leur père) en payant les frais de leur voyage ainsi qu'une dot lors de leur mariage. Quelques fois cette dot était de 50 livres, quelques autres fois, elle n'était composée que d'articles ménagers et de draperie, finalement quelques autres fois aussi, elle n'était même pas versée puisque la jeune femme se trouvait rapidement mariée.
Bien qu'elles aient presque toute donné Paris comme lieu d'origine, il s'agissait bien souvent de leur lieu de départ et non de leur lieu de naissance et d'éducation (Même si dans les faits le lieu de départ était même Dieppe ou La Rochelle). L'Île de France, la Normandie, l'Aunis, le Poitou, la Champagne, la Picardie, l'Orléanais et la Beauce sont les régions ayant le plus contribué à envoyer des filles par delà l'océan. Seules l’Alsace, l'Auvergne, le Bourbonnais, le Dauphiné, la Provence, le Languedoc, le Roussillon, le Béarn, la Gascogne et le comté de Foix semblent ne pas y avoir participé.
Tout comme les hommes de l'époque, la plupart ne savaient ni lire, ni écrire. Parmi elles, moins d'une cinquantaine de femmes qu'on appelaient des demoiselles et qui étaient destinées aux officiers du régiment ou aux célibataires d’origine bourgeoise ou noble. Les femmes recherchées devaient être de constitution robuste afin de pouvoir être apte au travail et aider sur les terres. La maigreur étant signe de mauvaise santé.
Entre leur arrivée à Québec et leur mariage, les Filles du roi étaient placées sous la protection de religieuses, (Marie de l'Incarnation entre autre)de veuves ou de familles. Elles y étaient logées et nourries.
Dès 1668, des mesures sont prises pour réduire le risque de voir débarquer trop de citadines. C'est pourquoi Anne Gasnier, une femme de la ville de Québec, a été désignée pour se rendre en France afin de participer au choix des recrues qui présenteraient le meilleur potentiel d’adaptation au contexte et au climat particulier de la Nouvelle-France. Elle s’est adressée aux institutions de charité, là où étaient reçues et hébergées orphelines et filles pauvres.
Il était plutôt mal vu à l'époque pour des femme de se lancer dans de telles aventures.
De notre point de vue, il était indispensable qu'elles le fassent.
Ne serais-ce que pour donner forme à nos traces.
Les filles du roi arriveraient au Québec en septembre 1663 mais quitteraient la France en juin il y a 350 ans.