Quinze ans après, le monstre est toujours là, bien présent dans les esprits. Et cette fois, c’est Jalabert qui est touché, coulé, suite à une analyse rétroactive d’échantillon d’urine du Tour 1998 effectuée en 2004, et dont le résultat a été rendu public dans le cadre d’une enquête menée par une commission sénatoriale sur l’efficacité de la lutte antidopage en France.
Un coup à tomber de l’armoire, comme dit Jalabert. Mais à l’époque, en 1998, il faisait partie de la sulfureuse équipe Once du non moins sulfureux Manolo Saiz qui avait quitté la course « en mettant un doigt au cul du Tour ! » L’EPO était partout et le dopage érigé en véritable culte. Personne n’était dupe de cette situation qui pousse Jaja, c’est assez pathétique, à se défendre comme un écolier naïf. Il n’empêche qu’il a su profiter habilement de sa réputation intacte durant tout ce temps pour réussir de florissantes affaires.
« Ai-je été trompé ? Je ne le crois pas. On était soigné, mais était-on dopé ? Je ne le crois pas.» Ses propos dans L’Equipe du 25 juin témoignent d’un profond malaise à accepter l’évidence alors que sévissait au sein de Once le controversé docteur Terrados. Alors, chargé à l’insu de son plein gré, comme Virenque ? Impensable. C’est faire insulte à l’intelligence de Jalabert qui doit assumer désormais une accusation qui porte ombrage à sa crédibilité et remet en question ces performances qui l’on rendu populaire dans tout l’Hexagone.
Une accusation tardive, certes, et sans conséquences sur ses résultats. Mais le mal est fait et le champion de Mazamet aura bien de la peine à se justifier aux yeux du grand public. Beaucoup lui ont témoigné une admiration sans borne tout au long de ses années de gloire alors qu’il a fait toute sa carrière à la « belle » époque de l’EPO qui a permis à tant d’honnêtes professionnels de se transformer en champions totalement surfaits. Les exemples sont nombreux et Jalabert lui-même a connu une évolution qui laisse sceptique.Pour l’avoir côtoyé entre 1989 et 2002, on l’a vu se transformer de sprinter, à ses débuts, à meilleur grimpeur du Tour après un titre mondial contre la montre. Une mutation rendue possible par l’utilisation de l’EPO, voire de l’hormone de croissance, ce qui n’est pas le cas avec les amphétamines ou d’autres produits interdits, la cortisone, par exemple. On a même laissé entendre que d’une saison à l’autre son fournisseur Carnac avait dû augmenter ses chaussures d’une ou deux pointures ! Tout n’était bien sûr qu’allégations, rumeurs infondées, pure spéculation, voire calomnie. Mais désormais le déshonneur est sur lui et le coup est rude pour un garçon qui se veut respectable, au point de renoncer à son rôle de consultant pour France Télévisions et pour la radio RTL, et après avoir précédemment démissionné de son poste de sélectionneur de l’équipe de France.
Comment Jalabert aurait-il pu échapper impunément aux actions engagées sur tous les fronts pour faire la lumière et faire jaillir la vérité sur cette période la plus pourrie et la plus honteuse du cyclisme et du Tour de France ? Pour nous, les révélations le concernant ne sont pas une surprise mais plutôt la confirmation de ce que l’on a toujours pensé de cet athlète attachant, certes, mais qui a surfé sur la vague du succès en se croyant intouchable comme la plupart de ses pairs et de ses prédécesseurs. Et qui a crié son innocence pendant plus d’une décennie, comme Armstrong et les autres, alors que tous ont été rattrapés par la patrouille et jetés au banc d’infâmie.
Laurent Jalabert était l’un des seuls coureurs de haut niveau de ces années EPO a être sortis indemnes de leur carrière sur le Tour. Comme Indurain et Rominger, bien inspirés, eux, de se retirer avant la mise au point du test de dépistage. Comme aussi les Chiappuci, Bugno, Jaskula, Cippolini, Olano et compagnie qui restent, pour l’heure, les rares à échapper encore au couperet. Jusqu’à quand ?
Bertrand Duboux