Le co-fondateur d’un des labels électroniques les plus importants de la scène actuelle a toujours été l’un des artistes les plus insondables de cette même scène. Il a sorti de la house, du grime minimaliste, de la techno, de l’UK funky et même un album de… pop. On a toujours pu ressentir son potentiel exceptionnel même s’il ne l’a jamais vraiment révélé. Pourtant, sur son dernier EP, le producteur a peut-être bien mis en œuvre ce qu’on attendait toujours de lui.
Il est aujourd’hui difficile de parler de Night Slugs sans parler de Jam City et il est strictement impossible de parler de Ballads EP sans mentionner ce producteur. D’abord, l’artwork quasi-identique, modélisé en 3D, montrant des images esthétiquement parfaites, le marbre, l’ambiance futuriste/anti-humaine. La ressemblance ne s’arrête pas là – tout l’EP sonne comme le travail de Jam City, entre grime futuriste, UK Bass minimaliste, techno expérimentale et jingles de radio… Sauf que le tout est beaucoup plus boosté. Il s’agirait dans cette optique d’une interprétation jamcityesque d’un dancefloor, à la manière de son How We Relate To The Body. Ah, j’oubliais un détail : un dancefloor sous-marin. Oui, le teaser de l’EP montre la scène de l’artwork submergée et l’intro a été surnommée la chanson sous-marine – et elle sonne exactement comme son surnom laisse à penser.
Si Night Slugs ont toujours fait avancer la musique électronique plus loin que les autres et leurs sorties ont souvent été de nouvelles manières d’aborder le dancefloor (et par extension les bangers), L-Vis 1990 a avancé dans cette optique… mais à sa manière. Son album Neon Dreams représentait une interprétation pop de la piste de dance, avec énormément de guest vocalists, de house tropicale et funky et de lyrics niaises. Il y a aussi eu ses Clubs Constructions entièrement basés sur des expériences à utiliser en sets, de purs DJs tools. Il lui manquait un travail réellement centré sur la qualité en plus de l’expérimentation toujours présente et Ballads EP prouve qu’il a enfin trouvé son terrain et qu’une fois qu’il a les bons outils, il ne déçoit pas.
En 15 minutes, le producteur nous transporte dans une discothèque de l’Atlantide. Ballad 4D ouvre la danse avec une vague d’ambient pleines d’écho, des kick drums nombreux et autres snares qui rappellent l’esthétique du label, avant de se transformer en banger purement Night Slugs… c’est-à-dire minimaliste, sans beat, avec une basse menaçante et monstrueuse. Cette fois-ci, la basse rappelle une sirène de sous-marin ou un cachalot et le tout claque avec intensité sur un beat dénudé.
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Not Mad, le highlight principal, sorti sur l’excellente compilation du label Night Slugs All Stars Vol.2 plus tôt cette année, reprend le même concept, celui de réussir à nous faire danser avec le moins d’artifices possibles. On a alors droit à une ruée de claps qui ne s’arrêtent jamais comme squelette, avec beaucoup de synthés néon-esques, jingles à la Jam City, bruitages futuristes, industriels, dans une ambiance funky. Sur toute la chanson. En boucle. Sur le papier ça a l’air simple… En pratique encore plus. Et pourtant, le résultat est aussi inattendu qu’on pourrait attendre d’une sortie de Night Slugs : particulièrement addictif, unique, original et dansant. Le troisième et dernier track, Signal, joue lui aussi – comme c’était imprévisible ! – la carte du minimalisme avec splendeur. C’est une sorte de mélange entre le premier track et le travail de Jam City, ce pourquoi beaucoup d’auditeurs ont cru que c’était le travail de ce dernier dans les rips youtube. En fait, dans un sens, la majorité de l’EP ne sonne comme rien d’autre, armé de basse, de claps et de minimalisme pour remuer des dancefloors, mais sonne toujours comme l’unique et inimitable Jam City… et c’est bien le meilleur compliment qu’un producteur électronique actuel peut recevoir.
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Il n’y a rien d’étrange à cela, les deux travaillant sur le même label et dans la même optique, la même structure architecturale. Il n’y a rien d’étrange alors que cet EP soit aussi excellent vu qu’il joue dans la même catégorie que le producteur le plus innovant et intriguant de ces dernières années. Qui sait, peut-être que L-Vis 1990 fera lui aussi son Classical Curves un jour. En attendant, on veut bien plonger avec lui dans les abysses de l’UK Bass.