La suite de Portrait d'un fumeur de crack en jeune homme
90 jours, ce sont les fameux trois mois d'abstinence si importants pour ceux qui ont connu la dépendance. Avez-vous déjà tenté d'arrêter une « légère » addiction ? Je ne parle pas d'arrêter de fumer mais, par exemple, de stopper net le chocolat, internet (la blogosphère littéraire), les sucreries,... Pas facile pour moi de m'abstenir. Je ne peux donc qu'imaginer la souffrance, le manque, la réadaptation constante, la perte de repères, la nécessité de s'affronter, puis de se confronter aux autres...
Le premier ouvrage de Bill Clegg m'avait laissée sur le carreau. Le récit juste, vrai, crépusculaire, d'une dévastation. Dans cette suite, l'auteur raconte le chemin parcouru vers la sobriété. Les épreuves, les recommencements, les retours en arrière, la perte des êtres aimés, les nouvelles rencontres, l'extrême fragilité de l'existence. La sobriété ne tient qu'à un fil. L'auteur l'affirme. Quoi qu'il fasse, rester sobre sera sa priorité à vie. Avant qui que ce soit et avant toute chose.
L'honnêteté est encore le fil conducteur de ce récit bouleversant. S'absoudre dans l'écriture à travers la vérité. Sans elle, point de salut. Si ce second opus perd un peu en force, cela n'enlève rien à sa nécessité. Bill Clegg nous oblige à regarder la dépendance en face. À ne pas la nier pour mieux aider ceux qui en souffrent.
Jacqueline Chambon, 192 pages à la lucidité inspirante, traduit de l’anglais par Laure Manceau
Extraits
« Je n’ai aucune idée d’où je suis. Je ne reconnais aucun immeuble, aucun commerce. Il me semble avoir marché vers l’Est puis vers le Nord. Je ne vois aucun nom de rue. Suis-je quelque part ? je me demande. Est-ce que j’existe encore ? J’ai perdu tout sens de l’orientation et j’ai l’impression que la pluie va me désintégrer en un million de particules. Je ne me suis jamais senti aussi petit. Je me mets à appeler des gens - Dave, Jack, Kim, Jean, Asa - mais je tombe sur leur messagerie. Comme je n’ai rien à dire, je raccroche et compose le numéro suivant. J’imagine tout le monde à l’abri dans son bureau ou son appartement, entouré de collègues, d’animaux de compagnie, de téléphones qui sonnent et de café-filtre. »
« Quand je repense au lycée, à la fac, à l’édition, et même aux antres de la défonce - tous les mondes que j’ai fréquentés -, je me sentais exactement pareil : il y avait une série de règles, une sorte d’abécédaire, que tout le monde avait lu et compris, mais que moi je n’ai pas eu entre les mains. »