Petit éloge du baiser
Alors que les positions sexuelles font l’objet de multiples commentaires, le baiser, lui, est peu analysé… et souvent négligé ! Dommage, car il est une vraie porte d’entrée à plus de sensualité. Bernadette Costa-Prades
- Il nous éveille à la sensualité
- Il est bien plus intime que l’acte sexuel
- Il permet de s’émouvoir ensemble
- « La salive fait circuler des informations sur l’autre »
C’était léger, aérien, comme une caresse. C’était doux et mystérieux. Ce premier baiser m’a probablement conditionnée à aimer l’amour », écrit la neurobiologiste Lucy Vincent dans son dernier ouvrage, L'Amour de A à XY (Odile Jacob, 2010).
Comme notre première nuit d’amour, il est rare que nous ayons oublié la première fois où nous avons « vraiment » embrassé. « Le baiser est la porte d’entrée dans la sexualité, son sésame, il installe les fondations de nos premiers émois sensuels et ne nous laissera jamais indifférent, que nous l’aimions ou pas », explique Ghislaine Paris, médecin et sexologue et auteure, avec notre collaboratrice Bernadette Costa-Prades, de Faire l’amour pour éviter la guerre dans le couple (Albin Michel, 2010). S’il s’inscrit durablement dans notre mémoire sensorielle, c’est parce qu’il vient nous rappeler des instants plus anciens encore, quand nous étions nourrisson et que notre éveil au monde passait en priorité par la bouche, notre première zone érogène.
Il nous éveille à la sensualité
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le baiser ! Grâce à Ghislaine Paris, médecin et sexologue, qui vous répondra en direct le mardi 7 décembre à partir de 14 heures. En savoir plus. « Ce souvenir colore toutes nos relations à venir et nous traverse dès que nous embrassons », assure Marie- Jean Sauret, psychanalyste et auteur de Comprendre pour aimer la psychanalyse (Milan, 2010). Bébé, nous avons en effet porté les objets à la bouche pour en comprendre les propriétés ; adulte, nous faisons de même avec le baiser. S’embrasser est la meilleure façon de faire connaissance, mais aussi de nous rassurer. D’où l’émotion vive que nous éprouvons la première fois. « Dans toutes les cultures, quand les personnes cherchent à communiquer de façon pacifiée, elles le font par l’absorption, que ce soit en fumant le calumet de la paix, en mangeant ou en buvant un verre : dès que l’on veut adoucir les liens, notre oralité est sollicitée, précise la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc, auteure de La sexualité des femmes n’est pas celle des magazines (Pocket, “Évolution”, 2009). Lors de la rencontre, nous vivons un moment d’insécurité, une peur de l’inconnu, le baiser est là, tel un réflexe enfantin, pour réduire cette crainte. »
Certains premiers baisers ne sont pourtant pas rassurants du tout ! Trop rapides, brutaux, intrusifs, ils ne nous donnent pas envie de poursuivre, car ils en disent long sur la façon d’envisager la pénétration, pensons-nous… Erreur, nuance le gynécologue et psychosomaticien Sylvain Mimoun : « Peut-être cette façon d’embrasser convenait-elle au précédent partenaire. Il faudrait toujours laisser une seconde chance, quitte à prendre la direction des opérations pour trouver le bon tempo. » Et ensuite ? Lorsque la relation s’est installée, quel rôle peut encore jouer le baiser dans notre vie amoureuse ? Il nous permet de nous rassurer, affirme Ghislaine Paris : « En nous conduisant vers les chemins archaïques et pulsionnels d’avant le langage, il nous installe dans un bien-être régressif qui favorise l’état de conscience modifié propice à l’abandon. » Il sollicite aussi de nombreux sens : goût, odorat, toucher – les lèvres et la bouche ont des récepteurs très sensibles – ; et réveille petit à petit tout notre corps. C’est de cette transformation physique que nous parlent les contes de fées : le baiser qui réveille la princesse de son long sommeil, celui qui change la grenouille en prince… Sans lui, l’acte sexuel peut d’ailleurs être vécu comme une agression : « Je ne pourrais pas faire l’amour avec un homme qui ne m’embrasserait pas, j’aurais l’impression d’être réduite à mon sexe », souligne Lucie, 32 ans. Gilles, 45 ans, divorcé, a une vie sexuelle bien remplie et n’envisage pas non plus de s’en passer : « Quand je rencontre une fille qui n’aime pas cela, je sais que nous n’allons pas être sur la même longueur d’onde. J’aime embrasser les femmes, leur bouche, leur peau. Sans cela, faire l’amour perd de sa saveur. »