Jusqu'au 7 juillet, les acteurs Français reprennent cette comédie en trois actes de Molière sous la direction de Jacques Vincey. Si, comme souvent, aucun ne démérite, la partition longuette ainsi qu'une mise en scène assez quelconque en font un spectacle certes pas désagréable mais finalement anecdotique.
S'inspirant de L'"Amphitruo" de Plaute, Poquelin touche au fantastique, donne chair aux dieux et exploite, jusqu'à plus soif , les opportunités dramaturgiques que lui apporte la "trouvaille" des doubles. Séduit par la belle Alcmène, Jupiter prend l'apparence de son époux Amphitryon afin de pénétrer sa couche, épaulé dans son entreprise par Mercure devenu Sosie, valet du futur cocu. Après une nuit intense aux côtés du dieu imposteur, la belle accueille son mari de retour du combat, convaincue d'avoir été à ses côtés jusqu'au lever du soleil. Amphitryon goûte assez peu la plaisanterie. S'ensuivent incompréhensions, scènes de ménage, face à face du maître et du domestique avec leurs jumeaux...
Trois actes qui pourraient n'en faire qu'un.
La situation posée, l'effet de surprise passé et deux brillantes scènes de comédie derrière nous, l'intrigue tourne vite en rond, se répète pour ne pas dire grand-chose. L'auteur fut maintes fois plus inspiré, faisant plus enlevé, plus concis, moins confus. On veut bien "aiguiser notre regard sur le réel", comme nous invite à le faire le programme, on peut toutefois sans difficulté aiguiser en un acte. Par ailleurs, les apparitions et disparitions de personnages soulevaient l'enthousiasme au XVIIème... C'est moins vrai aujourd'hui et cela ne compense plus les éventuelles faiblesses d'une pièce.
Jacques Vincey signe un travail honnête. Tout cela est gentiment, simplement mis en place, mais manque un peu de caractère. Scénographie astucieuse, neutre et minimaliste (immense façade blanche aux ouvertures modulables), costumes retro 50's ou contemporains. On peine à déceler une véritable proposition si ce n'est celle de tirer la comédie vers le drame, dans le rythme et l'interprétation. Une erreur à nos yeux. Bien sûr on rit aux mimiques et pitreries clownesques du brillant Christian Hecq qui compose un amusant Sosie (son monologue et ses tête à tête avec lui-même, en la personne du subtil Laurent Stocker s'avèrent réjouissants). Mais la gravité, la noirceur dont sont empreints Georgia Scalliet (Alcmène), Jérôme Pouly (Amphitryon), Coraly Zahonero (Cléanthis) ou Christian Gonon, tous impeccables, nous ont laissés dubitatifs. Car on sort trop nettement du registre de la comédie pourtant souhaité par l'ami Jean-Baptiste.
Pas coupdefoudrés, donc...
Photos : Cosimo Mirco Magliocca