Une importante différence de composition chimique entre les basaltes du cratère Gusev sur Mars et ceux des météorites martiennes rendait perplexes les planétologues depuis quelques années. Un groupe de chercheurs de l’université d’Oxford a peut-être trouvé la clé de l’énigme. L’atmosphère de Mars aurait été riche en oxygène il y a environ 4 milliards d’années, bien avant celle de la Terre.
Ce sont les missions Viking sur Mars qui ont permis de déterminer l’origine de certainesmétéorites rares sur Terre, que l’on regroupe sous le nom de SNC (pour shergotite, nakhlite, chassignite). Les dénominations de ces trois familles de météorites dérivent des villes à proximité desquelles les premières représentantes ont été trouvées (par exemple Shergotty en Inde). Grâce aux atterrisseurs des missions Viking, on a en effet pu comparer la composition de l'atmosphère de Mars à celle des bulles de gaz contenues dans ces météorites. Les similitudes trouvée ont permis de les qualifier de martiennes.
Pendant longtemps, les SNC ont servi à contraindre les modèles internes de la Planète rouge, et donc son histoire géologique et atmosphérique. Ce sont des roches ignées relativement jeunes puisque l’on sait qu’elles se sont cristallisées il y a entre 180 millions d’années et 1,4 milliard d’années.
L'énigme des basaltes du cratère Gusev
Or, quand le rover Spirit est arrivé aux abords des roches basaltiques du cratère martien Gusev, les planétologues et les cosmochimistes ont commencé à se poser des questions sur la fiabilité de leurs modèles. Gusev est un cratère météoritique d'environ 166 km de diamètre dont l'âge est estimé à au moins 3,7 milliards d’années. Il a été baptisé en 1976 du nom d'un astronome russe, Matvei Gusev (1826-1866) qui travailla à l'observatoire de Poulkovo près de Saint-Pétersbourg. Gusev fut le premier à montrer la non-sphéricité de la Lune concluant qu'elle était allongée dans la direction de la Terre. Il est aussi considéré comme l'un des pionniers dans l'usage de la photographie en astronomie.
Les basaltes du cratère Gusev, mis au jour par l’impact de météorite, sont chimiquement assez différents de ceux des SNC. On n’en comprenait pas la raison, mais il semblait certain que l’on ne pouvait plus faire confiance aux données extraites des SNC comme indicateurs fiables pour connaître la composition et la structure interne de la Planète rouge.
Un coucher de Soleil sur Mars en 2005, vu par Spirit depuis le cratère Gusev. © Nasa
Dans un article publié dans Nature, des chercheurs de l’université d’Oxford réconcilient les données issues de l’inspection des roches de Gusev par Spirit, avec celles provenant des analyses de SNC sur Terre. Il faut pour cela supposer que le manteau supérieur de Mars, dont est issu le magma à l'origine des basaltes du cratère Gusev, était particulièrement riche en oxygène il y a environ quatre milliards d’années. Les SNC sont plus jeunes et elles proviennent de la cristallisation d’unmagma plus profond à l’intérieur de Mars, qui s’est énormément refroidi en quelques milliards d’années, contrairement à la Terre dont les réserves de chaleur sont plus importantes du fait de sa taille. Ce magma plus récent dont sont issues les SNC était aussi plus pauvre en oxygène.
Beaucoup d’oxygène sur Mars avant la Grande Oxydation sur Terre
Mais si l’on accepte cette hypothèse d'un manteau supérieur riche en oxygène, on aboutit à deux conclusions surprenantes. Cela implique tout d’abord que l’atmosphère de Mars était riche en oxygène voilà quatre milliards d’années. Sur Terre, il a fallu attendre la Grande Oxydation il y a presque 2,5 milliards d’années pour que l’atmosphère s’enrichisse en oxygène.
Cette première conclusion est déjà étonnante mais son corollaire ne l’est pas moins. Pour que le manteau supérieur de Mars soit riche en oxygène provenant de son atmosphère, il faut faire intervenir des processus de subduction ayant entraîné dans le manteau des roches de surfaces riches en oxygène. Cela signifie qu’il a dû exister une tectonique des plaques sur Mars à cette époque, alors que l’on a bien du mal à en trouver de vraies traces actuellement.
Comme l’explique Bernard Wood, l’un des auteurs de l’article, il est probable qu’il y a environ quatre milliards d’années, Mars était humide, chaude et déjà rouge du fait d’importantes quantités de rouille à sa surface. Mais qu’en était-il d’une possible vie à ce moment-là ? Espérons que des missions comme ExoMars nous en apprendront plus à ce sujet.