Pour la première fois, un terrier fossilisé a été passé aux rayons X et reconstitué en images 3D. La finesse et le détail des images sont étonnantes, et révèlent la cohabitation d’un amphibien et d’un reptile mammalien. Détails sur cette curieuse découverte.
Le développement récent de l'imagerie à rayons X à l'ESRF a permis d'analyser le contenu du terrier et de créer des images 3D sans endommager les fossiles à l'intérieur. © Vincent Fernandez, ESRF
Une extinction massive de la biodiversité a marqué la transition de l’ère géologique du Permien au Trias voilà 250 millions. Il s’agit d’ailleurs probablement de la plus grave des extinctions, car on estime que 95 % des espèces marines et 70 % des espèces terrestres ont alors disparu. À ce jour, les causes de cette catastrophe ne sont pas élucidées. Mais pour beaucoup, il est probable qu’elle soit liée à une succession d’événements d’origines astronomiques et géologiques, tels que des collisions entre la Terre et des météorites et d’intenses éruptionsvolcaniques.
Faune et flore ont mis du temps pour développer une nouvelle biodiversité. Les conditions climatiques étaient rudes et la nourriture manquait. Les paléontologues pensent que c’est précisément pour survivre à ces conditions que beaucoup d’animaux, les reptiles mammaliens par exemple, ont commencé à creuser des terriers. Au début de l’ère triasique, ce que l’on connaît aujourd’hui comme l’Afrique du Sud était à l’époque à la partie sud de la Pangée, nomméeGondwana. Le climat était extrêmement chaud et sec, et fluctuait avec des périodes d’intenses moussons. Dans ce contexte, les animaux ont développé une phase d’estivation, basée sur le même principe que l’hibernation mais en réponse aux mois chauds et rudes.
Cette image 3D révèle la présence dans un même nid d'un reptile mammalien à gauche et d'un amphibien primaire à droite. © Vincent Fernandez, ESRF
Dans le bassin du Karoo, en Afrique du Sud, nombre de terriers fossilisés ont été découverts, datant pour la majorité de 250 millions d’années. Il en existe une collection de moulages, stockée à l’Evolutionary Studies Institute de Johannesburg. Récemment, une sélection de moulages des terriers a été analysée par l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF, Grenoble). Cet institut est le seul au monde à pouvoir scanner aux rayons X le contenu d’un terrier de manière non intrusive et à fournir des images 3D stupéfiantes. Par cette méthode, les chercheurs ont découvert un site dans lequel nichait un amphibien Broomistega et un reptile mammalien Thrinaxodon.
Une cohabitation inhabituelle entre amphibien et reptile
Cette découverte, dont l’analyse est publiée dans la revue Plos One, est la première du genre. Elle constitue le premier cas de partage d’un terrier entre deux espèces non liées. Elle vient infirmer les suppositions des paléontologues sur le fait que ce comportement d’estivation pourrait bien être à l’origine de la survie des espèces. « C’était un moment passionnant, commente le chercheur Vincent Fernandez. Il s’agissait du premier terrier que nous analysions à l’ESRF. L'imagerie progressait très lentement, ligne par ligne, et nous avons d'abord identifié la tête du reptile mammalien. Puis, beaucoup plus tard, nous avons commencé à voir de petites dents et une seconde mâchoire nichées dans l'épaule du premier animal. C'était incroyable ! »
À notre époque, on peut rencontrer des partages de terriers, si les animaux arrivent à vivre en symbiose. Un petit animal ne s’invitera pas chez un hôte plus grand, en revanche, un plus gros animal sera accepté dans le terrier s’il peut fournir de l’aide, comme éloigner les prédateurs. Mais au début du Trias, de telles relations symbiotiques n’existaient sûrement pas. Alors comment ces deux animaux se sont-ils retrouvés ensemble ?
Les images 3D révèlent que l’amphibien avait quelques côtes cassées. Il n’aurait pas été attaqué par le reptile mammalien, puisque sa blessure est le signe d’un coup unique. Les chercheurs suggèrent dans Plos One que l’animal blessé a profité du nid du Thrinaxodon pour s’y reposer. Ses os montrent d’ailleurs des signes de convalescence. En outre, le reptile adoptait une position qui laissait à penser qu’il dormait paisiblement, il devait donc probablement être en estivation. L’étonnante conservation des os des deux corps indique qu’ils sont morts tous les deux enterrés vivants, sûrement des suites d’intempéries qui auraient sédimenté le terrier.