La vie de blogueur, crois-moi, ça a ses bons côtés. Exemple?
Imagine que tu reçois un message te proposant de rencontrer, en petit comité, un artiste que tu apprécies beaucoup et que, du simple fait de l'existence de ton blog, tu n'avais a priori aucune raison de cotoyer. Que, du coup, l'occasion se présente de pouvoir lui poser les quelques questions qui te trottent en tête au cours d'un entretien informel. Tu te fais une représentation mentale de la chose?
Bah voilà ce qui m'est justement arrivé il y a quelques jours lorsqu'on m'a contactée en m'indiquant que l'artiste en question était -M- aka Matthieu Chedid et qu'il souhaitait que la rencontre ait lieu avant d'attaquer sa série de dates au Zénith.
Le jour dit, à l'heure annoncée (même un peu en avance pour ne rien te cacher, tellement je flippais d'arriver à la bourre et de rater LE moment) je me trouve donc dans les locaux de C A Vous, l'émission de France 5 que Matthieu doit enregistrer le soir même.
L'entretien se déroulera dans la loge, nous sommes 5 : aZZed, Thomas Clément, Emilie (de chez Barclay) et -M- (et puis moi, donc).
Puisqu'il s'agit d'une discussion libre, ça part un peu dans tous les sens. Et c'est bien. Mais j'ai choisi de réorganiser un peu les choses pour tenter de gagner en lisibilité, donc ne m'en veux pas, je ne vais pas retranscrire fidèlement tout ce qui s'est dit, dans l'ordre exact dans lequel on en a parlé.
Bien entendu puisque -M- est un artiste "de scène", que chacun de ses concerts est un spectacle à part entière, on en parle. De ce que ça peut représenter pour lui, dans sa vie, ces moments très particuliers que sont les live.
C'est l'occasion pour lui de révéler que "c'est un truc au delà de la musique, un truc métaphysique, spirituel, un vrai dialogue lié à l'énergie, avec le public. Je me sens comme un récepteur capable de booster les autres, de donner quelque chose qui allège la vie de l'autre".
Pour tous ceux qui ont déjà fait l'expérience d'un concert de -M- je pense que c'est une évidence : il arrive à faire résonner en chacun les vibrations de sa musique et il est de ces artistes qui donnent des concerts dont on ressort comme régénéré (j'en parlais un peu par ici, d'ailleurs, dans un lointain billet intitulé "résonance" justement, tiens)
Et après toutes ces années de carrière, -M- a t'il toujours une petite appréhension avant d'entrer en scène, ressent-il toujours du trac en ce moment même, alors que les dates du Zénith de Paris sont imminentes ?
"Bizarrement, le plus stressant aujourd'hui, par rapport à mon métier, ce n'est pas ça, ces concerts qui sont des rencontres avec le public, c'est dans l'intimité plutôt que ça peut être compliqué" explique-t'il dans un sourire. "Je me sentirais beaucoup plus mal à l'aise si on me demandait de chanter quelque chose à table, lors d'un repas auquel je serais convié qu'avant de chanter devant un Zénith complet par exemple".
"Alors justement, cette relation avec ton public, elle est particulière parce que tu fais régulièrement tomber les barrières entre ceux qui viennent t'écouter et toi. On pense par exemple au fait que tu invites des spectateurs à tes côtés et que tu aies joué récemment dans le métro (station Jaurès, pour le lancement de l'album), ça te tient à coeur, ça?"
-M- explique qu'il aime effectivement cette idée de désacraliser l'artiste, de montrer que, s'il est l'auteur d'une création qu'il partage avec les autres, il n'est pas pour autant différent d'eux.
Et il en profite pour expliquer que c'est un peu de là aussi que vient son personnage de -M- justement : "-M- c'est un mec un peu bizarre avec une coiffure et un accoutrement pas communs mais qui au fond est comme tout le monde même s'il n'en n'a pas l'air, à première vue".
il précise aussi qu'il aime particulièrement l'idée d'inviter des enfants (en référence au concours lancé avant son premier concert parisien au Trianon où il avait invité les gagnants du concours "Mojo" à le rejoindre sur scène et où le public avait chaleureusement applaudi ces mini-mojo-men adorables qui avaient parfaitement joué le jeu de danser devant une salle comble)
A ce propos si tu te demandes comme moi si les gagnants portaient leurs propres équipements ou s'ils avaient été habillés et lookés exprès pour leur passage sur scène par l'équipe sache qu'ils sont montés sur scène tels qu'ils sont arrivés (bravo aux parents qui ont joué le jeu jusqu'au bout, en passant).
"J'aime le regard simple et sincère que les enfants portent sur la musique, leur jugement immédiat, leur réaction spontanée. Ils ne sont pas conditionnés : il n'y a rien de plus joyeux que de faire plaisir à des enfants".
Alors qu'on revient sur le concert du métro jaurès, il avoue que l'idée a surgi dans un avion au cours d'un vol qu'il partageait avec Jean-Christophe Spinozi (chef d'orchestre français). Ce dernier lui avait alors soumis son envie de tenter l'expérience et Matthieu lui a confié partager ce désir et voilà comment un soir de novembre 2012 le concert sauvage a eu lieu devant des passants médusés et ravis.
Concernant son travail, il est clair que -M- y intègre plusieurs disciplines artistiques à ce qu'il crée et que si la dominante est la musique bien entendu, il y a un gros travail sur l'image associée à chacun de ses projets : clips, pochettes, tenues de scènes, effets de mise en scène. Il admet d'ailleurs que pour lui image et musique sont indissociables : "Pour moi un album ce n'est pas tant un concept qu'un ensemble de percepts (il avoue emprunter le terme à Gilles Deleuze) : tout doit être en accord, image et musique, je recherche avant tout une cohérence, une émotion".
Et il confie que c'est un réél plaisir d'explorer ce versant là de son art.
"Pour les Zéniths qui arrivent j'ai travaillé avec James Thierrée (petit fils de Charlie Chaplin) qui a conçu toute la scénographie du spectacle" explique t'il. "Ca me plait cette idée du mélange des genres, de faire travailler sur un projet pour le Zénith un artiste qui a plutôt l'habitude de travailler pour des représentations qui se tiennent au théâtre de la ville..."
Côté musique aussi, on sent que -M- s'aventure de plus en plus loin avec plusieurs titres de cet album, dont bien sûr les trois bonus.
Il explique que les nouveaux essais qu'on peut trouver sur "îl" sont le fruit de sa collaboration avec Brad (Thomas Ackley) et Dorian (Fiszel) sur ce nouvel album. "Parce qu'ils ont un autre rapport aux outils d'aujourd'hui, ils sont une grande source d'inspiration". Il confie d'ailleurs avoir envie de se lancer dans un disque plus expérimental, en trio même si pour l'instant ça n'est encore qu'une ébauche de projet, qu'il n'en n'a parlé à personne et qu'il n'a aucune idée du format (EP ou LP) mais ça lui tient à coeur.
"Et tu n'as pas peur de dérouter un peu ton public en changeant un peu de direction?"
"Il y avait déjà des morceaux comme ça, un peu barrés, sur "Mister Mystère" donc je pense qu'ils sont un peu habitués et puis ce qui m'importe avant tout c'est la liberté, la possibilité d'aller m'aventurer sur des terrains que je n'ai pas encore explorés".
D'ailleurs il évolue actuellement en trio et il avoue que maintenant qu'il a pu expérimenter cette formation légère sur scène et qu'il peut la comparer aux configurations plus lourdes, il n'a pas vraiment de préférence "même si celle-ci, actuellement, me convient vraiment bien et que je suis assez sidéré de voir qu'on arrive à envoyer quand même beaucoup en n'étant que trois sur scène".
"Les chansons que tu préfères, sur cet album, elles se trouvent parmi les titres plutôt expérimentaux ou ce sont celles qui ressemblent davantage à ce que tu as pu faire avant?"
"C'est difficile de répondre à ça. Je n'ai pas de titre préféré. Disons par contre que j'arrive assez facilement à sentir celles qui vont marcher auprès du public comme "Mojo" ou "océan" par exemple, qui ne sont pas forcément mes titres préférés sur cet album mais, ça peut paraitre étrange, j'ai une certaine facilité à cerner quels sont les morceaux qui vont le mieux fonctionner".
il avoue aimer autant ceux qui sont très travaillés, avec de nombreux effets, que ceux qui sont plus éprués; "c'est difficile de faire simple mais l'art ultime pour moi, c'est la simplicité : les grandes oeuvres sont l'apogée de la simplicité" et il enchaîne en citant des artistes dont le travail parait à première vue simple mais qui, en réalité, se révèle beaucoup plus complexe qu'il n'y parait dès lors qu'on y prête un peu attention (comme Stevie Wonder par exemple)
Alors qu'on évoque son expérience unique dans le cinéma (une apparition dans "les petits mouchoirs", qu'il considère comme "un clin d'oeil à un ami" (Guillaume Canet qui l'a réalisé), plus qu'une expérience du métier d'acteur à proprement parler, il avoue avoir reçu de nombreuses propositions de rôles depuis, qu'il a toutes refusées expliquant qu'il a peur de l'investissement de temps que ça demanderait, temps qu'il n'a pas à y consacrer tant il a déjà de projets en route et d'envies à assouvir dans la musique.
"Pourtant j'ai envie de tenter l'expérience mais pour me décider il faudrait une proposition d'un réalisateur qui me bouleverse comme Jacques Audiard par exemple ou Guillaume Canet qui, par ailleurs, est un ami".
Si -M- écrit et compose ses propres morceaux il a aussi travaillé pour d'autres artistes comme Vanessa Paradis pour "Bliss" ou Johnny Hallyday pour "Jamais seul". Ca représente quoi, pour lui, de travailler avec de telles célébrités?
il revient sur ces colaborations en expliquant que pour lui ce sont des étapes sur son parcours et que chacune d'elles est une expérience qui l'a construit mais que le degré de notoriété des personnes avec qui il travaille ne fait aucune différence, qu'il a un contact naturel avec les gens d'une manière générale et qu'il les aborde de la même façon qu'il s'agisse de Johnny ou de son boulanger (sic); pour lui, ce n'est que le regard que portent les autres sur ces artistes qui donne une valeur particulière à ces collaborations. Ces expériences restent de bons moments dans lesquels il s'est investi de tout son coeur à chaque fois mais en gardant cette simplicité dans les rapports qu'il a toujours eu avec ceux pour qui il a travaillé, précisant que ce qui le motive c'est le talent des gens ("c'est ça qui fait la vraie valeur des gens"), pas la notoriété.
"Et sinon -M- il écoute quoi en ce moment?"
Il hésite, cherche, alors on lui demande son avis sur le dernier Daft Punk dont tout le monde parle.
il avoue sans détour qu'il est déçu par cet album qui "se contente de revisiter des choses qu'on a déja entendues", album qu'il juge beaucoup moins créatif que le précédent , "et puis cet album c'est surtout un produit marketing, c'est la synthèse du meilleur d'une époque qui a été promue d'une façon magistrale".
Il évoque ensuite Stromae avec qui il aimerait beaucoup collaborer, depuis un moment déjà, "compte tenu de toute l'admiration que j'ai pour le travail de ce jeune artiste belge".
Puis vient Thom Yorke dont il confesse être admiratif autant du travail que de ce sentiment de liberté qui l'a conduit à se lancer dans ce nouveau projet "Atom for peace".
"Mais finalement, c'est quoi une bonne chanson pour -M-?"
il cite Pauline Croze "il faut qu'une chanson me traverse". "Qu'elle soit simple ou profonde peu importe, c'est plus une question de ressenti, il faut qu'elle provoque une émotion particulière chez celui qui l'écoute".
"Alors, -M- tu écris des chansons pour toi ou pour les autres, finalement?"
il explique que c'est un peu les deux et cite son père "je chante aussi un peu pour moi"...
L'entretien s'achève à propos de la sortie prochaine du clip de "Baïa", morceau dédié à sa maman, "figure un peu effacée de la famille" qui a accepté de figurer dans le clip à condition que ce ne soit pas mièvre.
Gageons que le résultat a dû lui plaire puisqu'on l'y voit "distribuer des bourre-pifs à des camionneurs plus costauds qu'elle"....
Je te glisse le teaser pour que tu réalises par toi-même combien on est à des années-lumière d'une quelconque mièvrerie :
Sacrée famille, décidément!
Et demain soir j'ai la chance d'être au Zénith pour assister au concert de -M- justement et comme il semble que j'aie l'autorisation de faire quelques photos, je t'en reparle très bientôt. Quelques images à l'appui!
XO
(désolée pour la piètre qualité de la photo d'en-tête, je n'ai osé sortir que mon téléphone... et le watermark est un automatisme, je me doute que personne ne va vouloir faire un usage commercial de ce cliché. Ceci étant dit, à très vite, lecteur)