in Gérer ses photos numériques, Daniel Hennemand, éditions Eyrolles, Paris, 2009
Sarkis, Trésor de la mémoire (les onze enfants de l'histoire du cinéma), 2002, acquisition MAC/VAL Musée d'art contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine - photo Daniel Hennemand
Le photographe amateur est souvent un émotif enthousiaste au comportement subjectif, tandis que le professionnel est un traducteur de concepts, un témoin objectif ou critique de situations ou d’événements, un révélateur, un pédagogue, un « magnifieur »… En fait, c’est avant tout un créateur mettant à profit ses connaissances : savoir élaborer et réaliser une image, mettre à profit sa culture des arts visuels et maîtriser les équipements employés. Spontanément, ou sur commande, le créateur instille un sens, met en place des éléments graphiques, des êtres animés, construit des rapports entre eux et maîtrise l’espace, le temps, les formes, les textures, les couleurs… C’est une tentative d’écriture totale, dans un espace et un cadre limité, à un temps donné. Mais l’industrialisation de la fabrication des matériels amène la miniaturisation, la baisse des coûts et la banalisation des processus. Ainsi, les équipements actuels valorisent-ils moins les savoir-faire spécifiques. Chacun peut exprimer ses sentiments, fixer une réalité ou tout simplement exister en créant un objet fait de formes, de textures et de couleurs, ceci sans avoir réellement appris le langage de l’image. Cette alchimie sur laquelle reposait depuis un siècle et demi le langage photographique est-elle remplacée par cette monumentale improvisation de l’image et cette production pharaonique ? La grammaire de l’image serait-elle jetée aux oubliettes ? Le langage a-t-il suffisamment imprégné la société pour que chacun sache maîtriser l’image ? Chacun maîtrise ce que seul, après plusieurs années de formation et d’expérience, le professionnel savait exploiter. La profusion apporte-t-elle une certaine qualité finalement ? Une image parmi un million remplit-elle les critères imposés par les professionnels ? Sans être catégorique, nous posons ces questions, car les trois milliards d’images d’un seul site communautaire semblent intéresser les professionnels de l’édition et de la presse. La plus grande agence d’illustration examine ce fonds, sélectionne et fait la promotion de cette source sur son site. L’AFP devient actionnaire d’une agence pour amateurs et parle de « journalisme citoyen » ! L’image n’est-elle plus précieuse ? On parle de plus en plus de fichiers et de moins en moins d’images. La photographie devient une empreinte systématique et omniprésente. Nous devons prendre garde à trop banaliser notre créativité : prenons le temps de regarder nos images, une à une, extrayons le meilleur d’une série, le meilleur de nous-même à l’instant de la prise de vue, comme à celui de la sélection et considérons que notre travail vaut la peine d’être partagé et sauvegardé. Quant au statut de professionnel, essayons de le ménager et prenons leurs créations comme enseignement.