L’année (scolaire) se termine donc avec d’encourageantes promesses : tout plein de postes vont être créés pour enfin réduire les tensions criantes de l’Éducation Nationale, les manques de moyen et de personnel et le mal-être de toute une profession. Parallèlement, l’économie semble montrer des signes clairs de ce redressement qu’attendait Hollande. Mais si. Puisque je vous le dis.
L’économie, c’est booming en ce moment. Regardez : IBM va s’installer à Lille et créer 700 emplois, d’ici trois à cinq ans ! La Martine de Lille est toute heureuse et frémissante à l’idée que, justement, sa ville puisse s’enorgueillir de la présence du géant américain. Certes, IBM va aussi et en parallèle, supprimer 700 emplois. Ceci n’a évidemment aucun rapport et n’y voyez surtout pas une simple opération de transfert. C’est complexe, la vie en Socialie. Mais en tout cas, je vous le dis, l’économie repart.
Bon.
Certes, il y a aussi ce petit problème gênant découvert inopinément par l’INSEE suite à un petit calcul récent et qui tendrait à prouver que le pays serait rentré dans une petite phase (tout à fait passagère, transitoire et sans conséquence) de récession. Le PIB français se serait donc contracté de 0.2% au premier trimestre 2013, contraction équivalente à celle enregistrée au dernier trimestre 2012, ce qui fait qu’il n’est plus vraiment possible de dire que le système social français et les efforts héroïques et musclés du gouvernement et du président actuels ont limité la casse et évité cette phase gênante au pays. Il semblerait aussi (tout ceci est à prendre au conditionnel tant, vous le comprendrez, les chiffres sont encore flous) que l’INSEE prévoit une économie plutôt atone en 2013, ce qui est très agaçant pour le pouvoir en place qui soupçonnerait bien, s’il le pouvait ouvertement, une complicité sarkozienne devant ce refus obstiné de la conjoncture de bien vouloir se plier aux désidératas hollandistes.
D’autant que François Paumé Hollande persiste à voir, au bout de l’année, une inversion des chiffres du chômage (Il veut sans doute dire qu’on passera de 10% de chômage à 1/10%, soit 1000% de chômage ce qui est fort handicapant pour un pays comme la France). Bref : l’INSEE, à l’évidence, fait preuve de mauvaise volonté avec ces chiffres renfrognés, même si — il faut accorder ça à l’institut — il prétend trouver un rebond de 0.2% du PIB au deuxième trimestre, pour compenser la déroute du premier, que le troisième soit nul et que le dernier tourne autour de 0.1%. Que tout ceci équivaille en réalité à une croissance sur l’année de 0.1% tombe finalement admirablement bien : ce pays est merveilleux qui permet d’accompagner chaque paire de claques de la réalité d’une bonne volée de bisous républicains.
Bon.
Mais il ne faudrait pas croire que cette récession pose un vrai problème ; elle était par ailleurs prévisible et probablement prévue dans les dépenses budgétaires par la fine fleur de nos dirigeants, placés aux postes importants suite à la démonstration éclatante de leurs compétences évidentes, et elle ne provoquera rien de plus qu’un peu d’ajustements ici et là. Même pas mal. Et les cris d’orfraie de l’opposition comme quoi les déficits ne feraient rien qu’à dériver, tout ça, c’est de la manœuvre politicienne de bas étage, messieurs dames, moi, je vous le dis. En réalité, on sait déjà, et la Cour des Comptes le confirmera sans aucun doute, que la République baigne actuellement dans un bonheur nacré et que ses comptes rutilent de précision, de justesse et d’honnêteté. Il n’y aura pas d’incidents de paiement en 2013, pas plus qu’il n’y aura de situation tendue à la fin de l’année lorsqu’il faudra annoncer un déficit de plus de 4% là où nos branquignoles élites gouvernementales l’annonçaient autour de 3.7%.
Et puis surtout, demain, on rase gratis pardon les dépenses de l’État vont diminuer. Et pas qu’un peu ! Jean-Marc Ayrault, le clerc de notaire un peu falot a qui on a fait croire (assez méchamment, je dois dire) qu’il était Premier Ministre, a déclaré sur le perron de Matignon, je cite :
« Pour la première fois depuis 1958, les dépenses de l’État vont diminuer. Elles seront en diminution de 1,5 milliard d’euros. »
Fouyaya, fouyaya, c’est du violent, ça mes petits amis ! 1500 millions d’euros tout d’un coup, ça en fait un paquet de jolis euros qui ne seront pas dépensés l’année prochaine (notez bien : l’année prochaine, pas cette année). Bon, rapporté au 1800 milliards de dette courante, ça nous fait presque 1‰ . Attention, malheureux, pas 1% ! J’ai bien écrit 1‰, « un pour mille » (un peu moins en fait). Et rapporté aux recettes du budget courant (333 milliards), cela veut dire qu’on explose le 4‰ (encore une fois : « quatre pour mille », et pas 4%, petit rigolo). Oui. On peut le dire, cela dépote.
Bon.
Il est vrai que cela n’empêche pas le déficit courant de déraper, lui, de quelques hahem 20 broumehmfrf millihhrfmrf hahem kof kof kof bon il y aura un petit manque à gagner cette année et voilà mais pas de quoi en faire un plat, puisque je vous dis qu’on va couper dans les dépenses à hauteur de quatre, pardon, QUATRE pour mille dans les prochaines recettes.
Non, vraiment, le gouvernement a pris les bonnes décisions.
J’en veux pour preuve Vincent Peillon. Tout comme les autres ministres, Vincent a, lui aussi, millimétré chaque coin et recoin de son ministère, évalué, soupesé, calculé chaque dépense de l’Education Nationale pour être bien certain que des économies seront faites : fini le gaspillage, fini les dépenses somptuaires, fini la courses aux moyens et autres réceptions coûteuses. Fini.
Bref.
Il est vrai que tu as une justification du tonnerre de Brest pour ces 10.000 nouveaux postes : « Aujourd’hui, il faut réamorcer la pompe économique, il faut donner de l’espérance. » Oui, tu as raison, il faut réamorcer la pompe. Ca mérite même un intertitre :
Peillon va nous réamorcer la pompe
(avec sérénité et sécurité, hein, tout doux)
Les Français que nous sommes tous n’ont pas du tout le sentiment que la pompe tourne à pleine régime, et les agitations frénétiques des services fiscaux qui pompent, pompent et repompent de tous les côtés ne nous rassurent pas des masses. Et puis, la relance par l’intervention de l’État, ça marche. Mais si.
C’est une idée géniale d’embaucher 60.000 personnes de plus à l’Éducation Nationale, d’y ajouter un petit paquet de 10.000 supplémentaires, juste au moment où on découvre que 200.000 professeurs sont sous ou pas employés. Surtout avec les bénéfices budgétaires nombreux et dodus de ces dernières années.
Aaaaah.
Quel pays magnifique que la France où, d’un côté, le Premier Ministre nous fait passer une puce pour un éléphant et de l’autre, où le Ministre de l’Éducation embauche 70.000 personnes quand 200.000 se tournent les pouces. Ayrault pipeaute et Peillon pompe. Tout ceci est sous contrôle, tout ceci est normal.
Ce pays est foutu.