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« Amère volupté » de YAMADA Eimi

Par Pierrec

Amère volupté de Eimi YAMADA

Mon avis : 

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Lui est alcoolique, drogué, violent et sans véritable personnalité, on le considère comme un déraciné oublié se transformant petit à petit en objet sexuel exotique et maniable. Elle, est à la recherche de relations purement et exclusivement physiques et sexuelles, elle ne désire plus d’attachement autre que celui de la dépendance totale (morale et charnelle), elle veut à la fois gouverner et être dépendante. Ces deux êtres ont tout en commun pour se rapprocher, se lier, se désincarner, vivre une relation stérile et éphémère, construire une relation afin de s’oublier et de mettre de côté toute utopie. « Amère volupté » est l’histoire de ces deux êtres que le hasard s’est permis de mettre en scène et de détruire.

« Amère volupté » de YAMADA Eimi publié au Japon en 1985 et qui reçut le prix Bungei Shō pose à sa base la question du positionnement de la masculinité noire par rapport à la féminité japonaise très souvent mal interprétée par les Occidentaux. On voit que dans ce récit autobiographique, YAMADA tente d’anéantir cette conception de la femme facile et incapable de refuser une prétendue supériorité sexuelle de l’homme tout en n’oubliant pas de mettre en exergue la fragilité intrinsèque de la condition féminine. Et à ce niveau, le livre est assez ambigu. YAMADA Eimi repositionne la condition féminine, ce qui est dans l’air du temps, mais en même temps réduit parfois son héroïne Kim à un punching-ball humain juste capable d’encaisser les coups portés par son amant alcoolique, ce qui pourtant est assez proche de l’image de la Japonaise soumise que l’on voudrait bien voir disparaître des esprits étriqués.

La nouvelle fit scandale au Japon à sa sortie en 1985, mais le tout est de savoir pourquoi. Deux possibilités viennent à l’esprit du lecteur actuel.

La première est bien évidemment le caractère érotique de la nouvelle. Le langage est cru et expressif, les scènes de sexe, sans être outrageuses, sont explicites et reviennent régulièrement tout au long de la nouvelle. Nous sommes dans les années 1980 et la littérature japonaise est en plein bouleversement avec des auteurs comme MURAKAMI Haruki, YOSHIMOTO Banana et MURAKAMI Ryû. Les romans commencent à montrer en grandeur nature les sentiments et les mœurs des lecteurs tout en rendant compte de l’époque telle qu’elle est vécue par la jeunesse japonaise. Le langage employé commence à ressembler de plus en plus au langage parlé, ce qui plaît aux jeunes adultes, mais beaucoup moins à certains critiques qui voient, impuissants, leur univers littéraire s’effondrer tel un château de cartes millénaire. « Amère volupté » a tout pour déranger. La nouvelle est à la fois très crue, froide, directe et utilise ce « nouveau » langage qui est en train de mettre à mal la littérature dite « pure ». Pas trop étonnant donc qu’une certaine partie du lectorat fut choquée et ait pris cette œuvre comme une énorme gifle.

La seconde possibilité est le caractère autobiographique et interracial du texte. Une relation ambiguë et basée principalement sur le sexe entre une jeune Japonaise et un militaire noir américain a certainement dû désorienter un public peu habitué à ces « échanges » entre deux êtres humains de races différentes. Il est assez rare chez les écrivains et cinéastes japonais de mettre en scène un noir ; non par racisme ou xénophobie, mais tout simplement parce que ça ne rend pas le quotidien et le réel de la société japonaise de la fin du 20e siècle.

Certains ont donc été perturbés, voire choqués par ces deux « nouveautés » ou « raretés » littéraires, mais tout cela se passait dans les années 1980 et « Amère volupté » ne brille plus par son scandale. Il ne lui reste que sa valeur littéraire, et c’est là que le bât blesse. Le caractère sulfureux de la nouvelle n’ayant plus que très peu d’impact, le récit maintenant mis à nu ne convainc plus du tout. Celui-ci est beaucoup trop linéaire et manque totalement de relief. Kim ne possède rien qui pourrait la rendre attachante, son manque d’envies véritables et son côté désabusé la rendent totalement fade et insipide. Quant à Spoon, il n’est qu’un simple objet utilisé maladroitement par sa triste compagne. En outre, YAMADA Eimi n’arrivera pas à nous concocter un final qui aurait pu nous laisser un quelconque souvenir positif, elle se contente de clore son récit par un dénouement tout aussi inutile que banal.

« Amère volupté » est une histoire d’amour désabusée, sans tendresse ni imagination, une histoire malheureusement quelconque et prosaïque.


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