Au lendemain de la perquisition de la mairie, le maire (UMP) de Corbeil-Essonnes Jean-Pierre Bechter, bras droit de l'ancien édile Serge Dassault, a été placé mercredi en garde à vue dans
l'enquête sur une tentative d'homicide qui pourrait être liée à des soupçons d'achats de voix. Jean-Pierre Bechter, maire de Corbeil-Essonnes depuis 2009, et le directeur du service jeunesse de
la mairie sont interrogés dans les locaux de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) à Versailles. Cette garde à vue se déroule "dans le cadre de l'information judiciaire. Il y a un
certain nombre de procédures. Jean-Pierre Bechter l'a toujours dit, il n'a rien à voir avec ces tentatives d'homicide. Les investigations le prouveront", a affirmé mercredi un proche du
maire.
Le 19 février, à l'heure du déjeuner, F. H., boxeur amateur de 32 ans, était grièvement blessé après avoir reçu trois balles de calibre 38, alors qu'il se trouvait en plein centre-ville de
Corbeil-Essonnes. Le tireur a agi au su et au vu de nombreux témoins. Il s'agirait d'un chef d'entreprise au passé de voyou, "figure locale" qui a su nouer des amitiés politiques dans tous les
camps mais fut surtout proche de Serge Dassault et est actuellement en fuite. Trois semaines plus tôt, un autre habitant de la commune avait été victime d'une tentative d'homicide. Selon lui,
avait-il confié au Parisien un mois plus tard, ces deux tentatives sont liées à des achats de voix. "Corbeil, c'est devenu un système mafieux. L'argent de Dassault a tout pourri", avait-il lâché
dans une vidéo, le visage caché. "Bechter a fait des promesses. Il ne les a pas tenues. Et aujourd'hui, on est en train de s'entretuer", selon lui.
Système présumé d'achat de votes
Les achats de voix sont dénoncés depuis des années par l'opposition municipale, qui avait contesté à deux reprises les élections, en 2008 puis en 2009. L'élection municipale de 2008, remportée
par le maire (UMP) sortant Serge Dassault, avait été invalidée par le Conseil d'État en juin 2009, pour des dons d'argent, que l'industriel, dont la fortune est estimée à 9,9 milliards d'euros
par le magazine Challenges, a toujours contestés. Plusieurs personnes, dont la première victime des tentatives d'homicide, avaient témoigné par écrit au Conseil d'État sur les dons d'argent dont
elles accusaient Serge Dassault, avant de se rétracter. Déclaré inéligible pour un an, Serge Dassault avait confié la tête de liste pour l'élection municipale d'octobre 2009 à son bras droit
Jean-Pierre Bechter, qui avait été élu.
Nouvelle annulation par le Conseil d'État en septembre 2010, au motif que le nom de Serge Dassault apparaissait sur les bulletins de vote de Jean-Pierre Bechter, mention "de nature à semer le
doute". Et nouvelle élection en décembre 2010, de nouveau remportée par Jean-Pierre Bechter. La justice, qui n'a pas établi de lien entre les tentatives d'assassinat et des achats de voix
présumés, enquête actuellement sur les deux volets, de façon distincte. Sous l'autorité d'une juge d'instruction d'Évry, les policiers de la brigade criminelle de la DRPJ de Versailles enquêtent
sur les deux tentatives d'homicide.
Une information judiciaire a été ouverte fin mars à Paris sur des soupçons d'achat de votes, corruption, blanchiment et abus de biens sociaux lors des campagnes municipales de 2008 à 2010. Mardi
après-midi, deux perquisitions ont été menées en parallèle à la mairie de Corbeil-Essonnes. Cette perquisition conjointe "n'implique pas en l'état qu'un financement illicite de campagne, fût-il
établi, ait un rapport avec ces deux tentatives d'homicide", avait prévenu mardi une source proche de l'enquête.
Source : Le Point