Utiliser le terme "homophobe" dans son acception de la novlangue actuelle (cf ici => http://cdsonline.blog.lemonde.fr/2013/06/20/orwell-cest-maintenant/) c'est se situer clairement à l'intérieur de l'horizon idéologique libéral-médiocrate.
Cet horizon garantit l'hégémonie du Discours Capitaliste, notamment par la dénonciation de la critique de gauche — véritablement de gauche, à savoir marxienne ! — qu'elle présente sans vergogne comme le décalque d'une dictature fasciste de droite.
Il serait vain de démontrer que le lieu (devenu) commun depuis dix ans: "communiste = fascisme" est faux, tant il est aujourd'hui ce sur quoi se constitue le pivot de l'étouffoir libéral-médiocrate, lui permettant d'évacuer toute critique sérieuse.
Cette notion d'"homophobie", comme celle dans les années 90 de "totalitarisme" est un subterfuge, qui au lieu de nous donner les moyens de réfléchir, de nous contraindre à appréhender sous un jour nouveau la réalité sociale historique qu'elle désigne, agit comme un Denkverbot, une interdiction de penser, nous dispensant du devoir de réfléchir, et nous empêchant même positivement de le faire.
(Ce Denkverbot tacite fait bien entendu écho à l'infâme Berufsverbot, l'interdiction d'être employé par l'État, de l'Allemagne de la fin des années soixante, dès l'instant où se manifeste un engagement dans une réflexion politique qui contesterait l'ordre existant: aboutirait à un "avec de telles idées, ça va forcément se terminer par un nouveau goulag"…)
La philosophie politique actuelle exploite honteusement les horreurs du socialisme réellement existant, qu'elle ne craint pas de ravaler au même rang que l'horreur absolue nazie, en les agitant comme les abominations qu'elle nous permettrait d'éviter, en nous contraignant à renoncer à toute réflexion politique sérieuse.
De cette manière les canailles de libéraux-médiocrates, y compris ceux qui sont abusivement présentés comme de "goche" (Démocrates États-Uniens, pseudo-socialistes français du gouvernement actuel, entre autres…) peuvent se satisfaire hypocritement de l'ordre existant tout en s'indignant et en faisant mine d'y être opposé. Ils n'ignorent pas la corruption, l'exploitation, mais ils stigmatisent toute tentative de voir les choses autrement sous prétexte de "dangerosité", d'un retour possible de la barbarie dont ils seraient les gardiens…
Mais la barbarie, n'y allons-nous pas droit dedans — ou plutôt n'y sommes-nous pas déjà de plain-pied ? — lorsque ce sont des gouvernements qui s'arrogent la prérogative d'instrumentaliser le langage?
Y a-t-il encore un pilote dans l'avion?
Autrement dit y a-t-il quelqu'un pour développer une argumentation LOGIQUE à la question : comment une régression sur le plan de la précision et de la diversité lexicales (la neutralisation des termes "père" et "mère" en "parent" dans le Code civil) pourrait-elle constituer un progrès sur le plan de la liberté et de la justice?
Dans une société où toutes les formes de jouissance sont éprouvées comme affaire de libre choix, de style de vie, et qui est donc une société livrée corps et âme aux exigences du marché (cf. la déclaration de Pierre Bergé sur la non-différence entre "louer son utérus pour faire un enfant et ses bras à l'usine pour travailler") la relation sado-masochiste n'est-elle pas immanquablement appelée à flamber comme l'excès venant se substituer à l’autorité symbolique déchue, présentant par sa forme même la "transgression inhérente" à l'injonction de jouissance ?
Le moment est peut-être venu de se souvenir d'un apport décisif de la psychanalyse, pour qui le problème n’est pas tant le père autoritaire qui empêcherait de jouir, que le père obscène qui enjoint à jouir, infligeant la jouissance, entraînant par là-même frigidité et impuissance…
Dans La culture du narcissisme, Christopher Lasch remarque :
"Même lorsque les thérapeutes parlent de la nécessité de "l'amour" et de la "signification" ou du "sens", ils ne définissent ces notions qu'en termes de satisfaction des besoins affectifs du malade… "L'amour" en tant qu'humilité et la "signification" ou le "sens" en tant qu'acceptation d'une loyauté plus haute, voilà des sublimations qui apparaissent à la sensibilité thérapeutique comme une oppression intolérable, une offense au bon sens et un danger à la santé et au bien-être de l'individu. Libérer l'humanité de notions aussi archaïques que l'amour et le devoir, telle est la mission des thérapies post-freudiennes, et particulièrement de leurs disciples et vulgarisateurs, pour qui la santé mentale signifie suppression des inhibitions et gratification immédiate des pulsions."
Ainsi conforté dans son "narcissisme pathologique", le sujet narcissique contemporain ne connaît plus du monde que les "règles du jeu social", règles pour réussir, règles pour l'accommodation, qui lui permettent de manipuler les autres tout en se tenant à l'écart d'un véritable engagement sérieux, tant politique qu'amoureux.
Cependant, cet effondrement de l'idéal du moi au profit du moi-idéal n'entraîne-t-il pas le surgissement d'une loi beaucoup plus folle et féroce, un "surmoi maternel" qui n'interdit pas mais inflige la jouissance, l'obligation de jouir, en punissant l'échec social? Ce "surmoi maternel", par-delà toute identification possible, est ce qu'il y a de plus régressif, et Lacan lui-même l'évoque dans le séminaire sur les formations de l'inconscient comme "le surmoi maternel plus archaïque que le surmoi classique décrit à la fin de l'Œdipe" : "Est-ce qu'il n'y a pas derrière le surmoi paternel, ce surmoi maternel, encore plus exigeant, encore plus ravageant, encore plus insistant dans la névrose que le surmoi paternel?"
N'est ce pas ça l'obscène brutalité du fascisme qui s'annonce sous le vernis des "bonnes intentions" du soi-disant "anti-fascisme" et de la "tolérance"?
Dans l'ensemble des discours et réflexions de Martin Luther King, il n'est PAS MENTIONNÉ UNE SEULE FOIS LE TERME DE "TOLÉRANCE", ce n'est pas d'être "tolérés" qu'il réclamait pour ses frères noirs ou blancs, mais bien la possibilité de vivre ensemble sur un véritable pied d'égalité de droits.
Cela n'a rien à voir avec la "tolérance", ce que ce terme même de "tolérance" en vérité bafoue: pose-toi la question : et toi, as-tu envie d'être "toléré"?