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Un des grands bonheurs de ce métier, c’est d’avoir le privilège de pouvoir découvrir de nouveaux artistes.Sur les conseils de son producteur avisé, Gérald Dahan, je me suis ainsi rendu au théâtre Trévise pour assister au seul en scène d’un certain Max Bird.
Des one man shows, j’en ai vus des centaines. C’est un genre qui n’est pas évident. On est souvent tenté de faire des comparaisons et – réflexe quasi systématique bien français – coller des étiquettes. Il faut donc savoir se démarquer, être original, posséder son univers propre… C’est tout à fait le cas de ce Max Bird… On ne pense à personne d’autre.
Le jeu de mot est facile, mais il est tellement explicite : Ce Bird-là est vraiment un drôle oiseau, un oiseau drôle aussi. Et, prolongement logique, mais pas toujours avéré, il est doté d’une sacrée belle plume.Ce garçon a tout pour lui. Elégant, bonne gueule, sourire craquant, silhouette élancée, toujours en mouvement, il dégage un charisme indéniable. Après une entrée en matière originale qui lui permet de tisser immédiatement une relation avec le public, il nous offre une dizaine de sketchs variés et d’un excellent niveau… Au fur et à mesure, on découvre qu’il sait absolument tout faire sur le plan scénique. Sautillant, virevoltant, follement expressif, il possède une maîtrise du geste juste, de la mimique appropriée et, surtout, une science aiguë du mime. Il est même équipé d’une fonction « ralenti » dont il use avec beaucoup de discernement… Il n’en rajoute jamais, ne sur-joue pas, ne s’attarde pas sur ses effets. Ce qui donne encore plus d’efficacité à sa prestation… Ses attitudes sont criantes de vérité. Les effets du cannabis, il les vit tout en les dénonçant et, surtout, en les analysant de manière scientifique… Lorsqu’il est dans le métro, on devient ses compagnons de voyage. Quel sens de l’observation ! Sa peinture est tellement réaliste que l’on se retrouve totalement en phase avec lui. Il transgresse tous nos tabous en disant tout haut ce que l’on adorerait tant pouvoir dire et faire en maintes occasions… Il sait également manier l’humour noir, être cynique sans être trash : son sketch des « Assassins associés » avec sa chute inattendue est à mourir… de rire… Et que dire de ses explications délirantes (quoi que…) sur la migraine à travers les âges et son effet papillon ? C’est fin et énorme à la fois. Et tellement drôle.
Alors que son spectacle est, depuis le début, d’une haute tenue, il réussit la performance de monter encore en puissance pour ses trois derniers sketchs qui sont de véritables petits bijoux. Car, en plus, il nous fait voyager. On passe de Jurassic Park à l’Egypte ancienne en faisant un détour par l’Amazonie. On se retrouve confronté à un velociraptor plus vrai que nature, on se met à fantasmer avec lui sur la fabuleuse harpie féroce et on est mêlé à une tragédie pharaonico-familiale illustrée sous forme de hiéroglyphes. Du grand art !!!
Max Bird, c’est l’avatar qu’auraient conçu Tex Avery et Dora l’Exploratrice. C’est un dessin animé à lui tout seul. Avec lui, c’est cartoon plein ! Dire qu’il est dynamique frôle l’euphémisme. Il vit chacun de ses sketches à fond ; sans toutefois perdre une seconde le contact avec le public. En interaction permanente, on le sent hypersensible à ses réactions, prêt à s’en servir si besoin est pour rebondir.Enfin, et c’est important de le souligner, on sent que Max Bird est un garçon intelligent et très cultivé. Ça se voit dans son écriture et ça s’entend dans son vocabulaire extrêmement riche et, malgré le haut débit, exempt de toute faute de français.
Sans aucune crainte de se tromper, on peut affirmer que ce Bird-là va voler très haut. En tout cas, quel bonheur que d’avoir assisté à son envol…