On peut tourner le problème dans tous les sens, analyser les divers aspects du phénomène : force est de constater que le Tour ne fait plus rêver ! Du moins ceux qui l’ont connu dans les décennies passées.
Certes, il réussit
encore à passionner les foules de l’été, mais surtout celles des estivants et
non plus celles des véritables connaisseurs qui se mobilisaient jadis pour
crier leur admiration à Merckx, Ocana, Thévenet, Hinault ou Fignon; ceux
qui s’intéressaient à la course et vivaient pour elle. Désormais la compétition
s’efface devant la caravane publicitaire, en forte progression et en recherche
constante d’originalité afin de s’attirer la sympathie du public. Au fil des
années, c’est elle qui est au cœur de l’événement et c’est toute la
différence !
Il faut dire que les Virenque, Pantani, Ullrich, Mayo, Vinokourov, Armstrong et compagnie ne sont plus là, et l’on sait pourquoi ! Dans le cyclisme actuel, les grands exploits se font de plus en plus rares, et pas forcément à cause de la traque au dopage. Tout est planifié, programmé, millimétré, contrôlé, comme en Formule 1. Il n’y a plus de place pour l’esprit d’initiative, le coup de cœur, l’offensive irréfléchie, ou rarement. Et quand un impétrant ose bouleverser le plan établi, on lui en fait le reproche, même quand il gagne à Porrentruy et y révèle sa personnalité, comme le jeune Pinot l’an passé…
Où sont les forçats de la route, les géants du Galibier et du Tourmalet, les conquérants du Ventoux et de l’Alpe d’Huez ? L’évolution actuelle fait le désespoir des anciens suiveurs, qui ont encore à l’esprit les exploits de ceux qui ont écrit les plus belles pages du Tour et forgé sa légende. L’avènement d’Indurain, en 1991, a tué le rêve par la consécration d’une machine industrielle qui a tourné à plein régime sans la moindre panne pendant cinq ans. Mais aussi sans état d’âme. Un champion lisse et sans relief qui n’a jamais rien eu à dire tout au long de son règne, et aujourd’hui encore !
Triste cyclisme, triste Tour qu’un propriétaire-organisateur plus affairiste que passionné veut nous vendre comme « la plus grande course au monde » ! Mais il n’a pas suivi le Giro ces dernières années, ni la Vuelta ou d’autres épreuves où le spectacle est autrement plus intéressant que durant les trois semaines de la Grande boucle. En 2012, trois étapes seulement sur les vingt ont véritablement influé sur le classement général. C’est peu pour un événement qui se fend d’être l’un des plus grands rendez-vous planétaires…
Désormais le vacancier de juillet vient pour "Cochonou" et ses saucissons, pour glaner quelques casquettes et recevoir les derniers gadgets du "Crédit lyonnais". On tend les mains pour tout et n’importe quoi et l’on récolte au passage des piles de papier et de prospectus qu’on ne lira jamais. Qu’importe, le Tour c’est la fête, dit-on, et qu’est ce qu’on se marre ! Tout est prétexte à un immense cirque où le spectateur est utilisé comme une bonne poire et le coureur comme un faire-valoir, peu concerné en définitive par une gigantesque entreprise commerciale qui augmente son chiffre d’affaires à chaque édition au profit des actionnaires d’ASO.
On l’a constaté depuis belle lurette, pour le grand public français, celui du bord de la route, le cyclisme commence avec le Tour de France et se termine avec lui, à une exception près : Paris-Roubaix ! Aucun intérêt pour Paris-Nice, le Dauphiné, le championnat du monde et les autres grands rendez-vous internationaux. L’insupportable matraquage médiatique orchestré autour du Tour fait de lui un événement à part et privilégié, tellement au-dessus des autres qu’il fait de l’ombre à tous. Comme pour cette 100ème édition, déjà portée aux nues avant qu’elle ait véritablement commencé !
Espérons simplement que le spectacle soit à la hauteur de l’attente…
Bertrand Duboux