Du blogue de Mathieu-Bock-Côté : L'hypnose !
¨Je me souviens des cafés il y a une dizaine d’années. Je parle des cafés étudiants. Dieu sait que je les ai fréquentés. Chacun y avait un bouquin. Un roman ou un essai. Ou ses manuels pour étudier. Comme si la civilisation du livre y trouvait refuge.
Souvent, les garçons draguaient les filles. Qui snobaient un peu les garçons. Ou leur donnaient une chance. C'était vivant. Ça jasait aussi. J’ai l’air de parler du bon vieux temps. Mais ce l’était. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
Quelque chose d’étrange se passe aujourd’hui. Quelque chose d’agaçant. Entrez dans un café. Il y bien un poète raté qui griffonne son calepin. Mais en général, il n’y a plus de bouquins. Chacun est branché devant son portable. Les clients peuvent regarder leur écran pendant une heure. À faire quoi ? je ne sais pas.
C’était il y a dix ou quinze jours. Il y avait une très belle fille au café. Assise à côté de moi. J’ai fait ma fouine. J’ai regardé par-dessus son épaule. Elle regardait son Facebook. Elle rafraichissait sans cesse sa page d’accueil. Sans rien faire. De temps en temps, elle défilait son fil de nouvelle.
Je l’ai dit: elle était belle. Mais personne ne venait la draguer. Il ne manquait pas de jeunes hommes. Mais non. Eux aussi étaient prisonniers de leur écran. Ou de leur téléphone intelligent. Je me sentais comme un vieux con à avoir envie de leur dire : les gars, la vraie vie est ici !
Allez prendre un verre avec un copain. Et sauvez-vous deux minutes aux toilettes. Au moment même où vous quittez la table, il est déjà sur son téléphone intelligent, avec un air de ravissement hypnotique un peu hébété. Il aura le même air quand vous en reviendrez.
Qu’est-ce que l’individu contemporain cherche sur son téléphone. Le signe que quelqu’un, quelque part, pense à lui? La confirmation de sa propre existence? Je le demande sans faire le malin. L’homme postmoderne, socialisé dans le grand flux des médias sociaux, a une psychologie originale.
En fait, il se laisse prendre par le filet social. Et ne peut plus vraiment s’en déprendre. J’ai tendance à croire que jamais une société officiellement libre n’a laissé aussi peu de place à l’intimité, à l’individualité.
On note une chose. Ceux qui sortent de Facebook le confessent : ils ont vécu cela comme une forme d’arrachement. Ils ont dû se sevrer. Comme s’ils arrêtaient la drogue. Cela a fait mal. J’exagère. Mais pas tant que ça.
C’est une vieille critique. La technique aliène l'homme. La technologie engendre un nouvel esclavage. Elle m’exaspérait. Je me disais: tout dépend de l’usage que nous faisons de la technologie. Erreur. Elle est plus forte que nous. Le cinéma d’anticipation l’avait deviné, d’ailleurs.
Ce qui se perd, c’est la capacité d’absence. Il faudra apprendre à résister à cette hypnose technologique qui déshumanise notre existence en la virtualisant. Et cela passera nécessairement par le livre. Il est au cœur de la résistance des gens civilisés¨... (Lire au complet)
http://www.bock-cote.net/?p=1174
Pégé
Windows 7 / Windows XP Pro / Ubuntu 10.04 LTS / Linux Mint 10 / MacOS X iBook, version 10.4.11 ¨Tiger¨.