Film et moment introspectif, le dernier film de Marion Vernoux, porte le nom d’une maison de retraités, un lieu où ces derniers viennent faire des activités et avoir de la compagnie. Pour Caroline (une Fanny Ardant décontractée), c’est aussi le lieu où elle va réapprendre à vivre après avoir traversé certaines épreuves (décès de sa meilleure amie, retraite précipitée par un incident professionnel…). Nouvellement sans emploi, Caroline se voit en effet offrir par ses filles, un forfait découverte aux « Beaux Jours », un centre d’activités pour séniors qui propose des cours en tous genres. Pleine de retenue et forte de la diction si singulière de Fanny Ardant, Caroline fait une première expérience plutôt mauvaise dès son premier cours. Humiliée et dégoutée par le centre, par le ton infantilisant des animateurs, elle est contrainte d’y retourner pour parvenir à se dépatouiller d’un souci informatique. C’est là qu’elle fait connaissance de Julien, professeur d’informatique, qui prétexte une inflammation dentaire pour passer entre les mains de Caroline. C’est le début d’une relation spontanée et instinctive, qui pose la question de l’attache, de l’amour et de l’adultère. Julien a trente cinq ans et c’est un collectionneur de filles. Il ne cache pas les choses : ses habitudes et ses façons de faire, il ne les change pas pour Caroline. Il faut composer avec : ses aventures et ses tendances dragueuses, son penchant pour les joints, son orthographe caricaturale quand il écrit des sms. Même si le scénario force d’emblée le trait sur le décalage évident qu’il existe entre Caroline et son environnement, pour mieux faire accepter l’histoire avec Julien comme expérience expiatoire, le film est agréable à regarder et pose certaines questions avec justesse.
La force de Marion Vernoux c’est sa retenue dans sa démonstration, elle ne souligne pas de scènes convenues, les situations que provoquent l’amour naissant ou l’adultère. L’analyse psychologique n’est pas formulée dans les dialogues, mais elle peut être déduite par le spectateur, car Marion Vernoux se contente de montrer les choses simplement. Ses personnages accusent le coup et manifestent leurs réactions sans effusions, mais avec une émotion réaliste. C’est le cas notamment de Philippe, le mari de Caroline, tenu par Patrick Chesnais, dont le chagrin et les réactions mesurées lorsqu’il apprend que sa femme est infidèle. Il ironise d’ailleurs lorsqu’elle lui apprend qu’elle a mis fin à sa relation.
Le trio d’acteurs principaux donne une vraie épaisseur aux personnages, notamment celui carrément caricatural de Julien, incarné brillamment par Laurent Laffite, qui parvient à inspirer des impressions contradictoires : en paraissant séduisant, agaçant, pas très futé. Les personnages secondaires offrent une joyeuse toile de fond à l’intrigue.Mais le film est avant tout centré sur l’expérience de Caroline, qui mesure sa séduction en faisant l’épreuve de la vieillesse. Elle apparait tantôt décalée par rapport aux autres dans la première scène avec son langage châtié, tantôt séduisante et expérimentée dans sa relation avec Julien, tantôt larguée par la technologie et impuissante, tantôt pleine d’assurance notamment dans la scène finale avec ses filles. Cette multiplicité des images qu’elle renvoie permet de prendre la mesure de ce qu’elle traverse. Elle dissertera d’ailleurs un moment avec Julien, sur leurs existences respectives, concluant tous les deux qu’ils ne servent à rien. Cette justesse contraste malheureusement avec des lieux communs mal venus sur la technologie (les textos d’un trentenaire qui écrit comme un jeune de 13 ans, les clichés sur l’informatique et internet qui sont parfois des perles !, Julien qui tweete après avoir couché avec Caroline… bref des éléments qui n’apportent rien au film, et qui le décrédibilise au mieux !). On se contentera alors d’apprécier ce portrait et Fanny Ardant, superbe.
A voir :
Les beaux jours, un film français de Marion Vernoux (1h34)