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« Ce corps qui fut un rire
Brûle à présent.
Cendres emportées par le vent jusqu’au fleuve et l’eau les reçoit comme les restes de larmes heureuses. »
L’auteur :
Ecrivain marocain de langue française, Tahar ben Jelloun est né en 1944. Il a publié de nombreux romans, recueils de poèmes et essais. Il a obtenu le prix Goncourt en 1987 pour la Nuit sacrée.
Présentation :
« Ce corps qui fut un rire
Brûle à présent.
Cendres emportées par le vent jusqu’au fleuve et l’eau les reçoit comme les restes de larmes heureuses. »
« Il est une douleur millénaire sui rend notre souffle dérisoire. Le poète est celui qui risque les mots. Il les dépose pour pouvoir respirer. Cela ne rend pas ses nuits plus paisibles.
Nommer la blessure, redonner un nom au visage annulé par la flamme, dire, faire et défaire les rives du silence, voilà ce que lui dicte sa conscience. Il doit cerner l’impuissance de la parole face à l’extrême brutalité de l’histoire, face à la détresse de ceux qui n’ont plus rien, pas même la raison pour survivre et oublier. » (Tahar Ben Jelloun)
Ce que j’ai aimé :
Tahar Ben Jelloun rend hommage à tous les morts pendant la guerre du Golfe : aussi bien les soldats, les militaires que les civils. La mission du poète passeur de mots est dans cette transmission, dans cette dénonciation :
« Entre le silence meurtri et le balbutiement désespéré, la poésie s’entête à dire. Le poète crie ou murmure ; il sait que se taire pourrait ressembler à un délit, un crime. » (p.6)
Les illustrations du peintre irakien Azzawi Harrouda nourissent intelligemment le texte du poète.
« Qui comptera nos morts ?
Tas de cendre oubliés au bord de la route
Membres épars dans les carcasses abandonnées.
Qui nommera ces restes ?
Nous ne sommes qu’épaves sans navire
Ombres du vent sur des collines perdues
Couchés sur flanc d’airain
Par le signe céleste. » (p. 35)
Le texte se termine sur une note d’espoir finale :
« Cet homme est tous les hommes. Il a fait toutes les guerres. Il est mort plusieurs fois. Il ne cesse de renaître. Toujours le même, il croit à l’âme, à la pensée et aux choses : une prairie fleurie, un parasol pour l’amour, le rire et l’amitié, l’enfance et le courage…
Cela fait des milliers de jours et de saisons qu’il marche. On dit qu’il est atteint d’errance. On dit qu’il est fou. Sa bouche est fermée sur des siècles de mots. Ses yeux, grands et étincelants, restent ouverts. Ils voient loin, au-delà des murs et des montages. Au-delà de tous les silences. »
Les Non identifiés sont les palestiniens des territoires occupés, victimes de répression.
Les poèmes sont construits pour certains comme des notices biographiques. Ce sont des personnes appartenant à l’humanité ordinaire, des gens du peuple, inoffensifs, mères de famille, jeunes gens innocents. Et pourtant cette vie simple s’est terminée brutalement dans d’atroces souffrances, par une mort absurde.
Ce que j’ai moins aimé :
-Rien
Premiers vers :
« Ce corps qui fut un corps ne flânera plus le long du Tigre ou de l’Euphrate
Ramassé par une pelle qui ne se souviendra d’aucune douleur
Mis dans un sac en plastique noir
Ce corps qui fut une âme, un nom et un visage
Retourne à la terre des sables
Détritus et absence. »
La remontée des cendres suivi de Non identifiés Version arabe de Kadhim Jihad, Edition Bilinge, Points, 8 euros