24 juin 2013
Il s’agit ici de la vie de Paul Durand-Ruel (1831 – 1922) qui fut le découvreur, l’inlassable banquier et le soutien des Impressionnistes, et a haussé le métier de marchand de tableaux au plus haut niveau, confiant dans son propre jugement plutôt qu’en la rumeur académique. Au départ, il est le fils d’un marchand de papier contraint de s’exiler durant les plus terribles heures de la Révolution. Catholique fervent – il assiste à la messe chaque matin – réactionnaire resté toute sa vie monarchiste, antidémocrate et antisémite, cette attitude ne l’empêchera pas de soutenir un communard comme Courbet, un anarchiste juif comme Camille Pissarro, et de travailler de façon très efficace avec Abraham et Nissim de Camundo ou Bernheim.
Paul Durand-Ruel achète avec l’aide de collectionneurs financiers qui jouent le rôle de « sleeping partners » comme Charles Edwards ou Jules Feder. Il accumule les œuvres de l’école de Barbizon (Théodore Rousseau, entre autres), puis les Impressionnistes auxquels il verse une mensualité qui leur permet de vivre décemment. Il organise pour eux des expositions collectives, puis individuelles : Monet, Renoir, Sisley, Pissarro, Millet, Corot, Daumier, Manet, Berthe Morizot, Mary Cassatt, Degas, Puvis de Chavannes… à une époque où la critique les éreinte. Lors de la première exposition de ce groupe de peintres en avril-mai 1874 dans l’atelier de Nadar, on ne retînt que les insultes et les formules assassines sur « ces tableaux à faire cabrer des chevaux d’omnibus. »
A ces critiques, Claude Monet répondait : « Depuis Diderot qui a inventé la critique, ils se sont tous trompés. Ils ont vilipendé Delacroix, Goya et Corot. S’ils nous couvraient d’éloges, ce serait inquiétant. »
Paul Durand-Ruel est un expert reconnu, mais c’est un marchand généreux, visionnaire et entêté, menacé à chaque instant du spectre du dépôt de bilan car ses protégés ne se vendent pas. C’est ce qui survient en février 1882, lors de la faillite de la banque catholique de l’Union Générale, où il doit rembourser immédiatement toues les avances qui lui ont été consenties. Lire à ce propos "L'Argent", puis "L'Oeuvre" de Zola, qui fut le compagnon attentif de ces peintres.
Paul Durand-Ruel le dit lui-même : "Si j’étais mort à soixante ans, c’eût été criblé de dettes et insolvable parmi des trésors méconnus. » Car c’est de l’Amérique que viendra le salut. Paul Durand-Ruel s’embarque en 1885 à travers l’Atlantique avec une collection fabuleuse d’Impressionnistes. Le succès est au rendez-vous : les collectionneurs américains vont faire la fortune de sa galerie et des peintres français.
Cependant, on se demande encore comment Paul Durand-Ruel passa à côté de Cézanne, Matisse, Gauguin ou Bonnard. Il meurt à 91 ans, à la tête d’une galerie à la réputation internationale et d’une collection personnelle estimée entre 5000 et 6000 tableaux, dessins et pastels qui désormais appartient à la légende.
Grâces lui soient rendues, Paul Durand-Ruel, le marchand des Impressionnistes, biographie par Pierre Assouline, chez Folio, 402 p. 9€