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Sa perte

Publié le 24 juin 2013 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

(Ma participation à l’atelier d’écriture qui consiste à illustrer la photo dans l’article)

Il pensait s’être résolu  à sa perte.

Jeune, il n’avait pas su voir sa chance et elle était passée aussi vite que l’amour, le vrai, celui qui donne des crampes d’estomac à la vue de la personne aimée, l’avait atteint en pleine poitrine. Il n’avait pas cherché à ce que cela se produise, l’amour avait simplement trouvé refuge en son cœur, il s’était lové, et s’était développé jusqu’à se diffuser dans ses veines, et à changer son regard sur le monde. Kate était la plus charmante des femmes à ses yeux. Elle était douce, pleine d’esprit, attentionnée, et compréhensive. Il aimait voir ses cheveux blonds encadrer son visage paisible, et son sourire délicat l’illuminer tout entier. Ensemble ils avaient connu leurs premières fois, leur entrée dans la vie d’adulte, leur évolution vers leur épanouissement personnel. Et puis, au moment de s’unir, il s’était dégonflé. Il avait rejoint à regrets le club des jeunes hommes trouillards de sa génération (car oui, ils avaient fini par former un groupe un peu régressif, qui passait des soirées à boire des bières en jouant à la console). Il avait fait faux bond à Kate avec très peu de dignité et une lâcheté notoire qu’il avait essayé au cours de ces années, de dépasser. Ça avait été très simple : il ne s’était pas présenté au rendez-vous. Il avait suffit qu’il reste un peu plus longtemps au lit. Il avait pensé à sa réaction, à sa déception, et à sa tristesse. Il avait renoncé à prendre de ses nouvelles. Il s’était montré en dessous de tout. Il n’y avait pas de raison pour laquelle elle devait reconsidérer son cas.

La vie le mena à Londres. Une ville qui n’affectionnait pas particulièrement. Pour la langue déjà. Et sa tyrannie d’universalité. Puis pour l’engouement exagéré qu’elle inspirait à ceux qu’ils connaissaient. Mais le boulot est le boulot. Il avait passé outre la langue, le mode de vie, et s’était acclimaté.

Puis un jour, alors qu’il était de passage dans un quartier d’ateliers d’artistes, il avait eu comme une apparition. Kate à son chevalet en train de peindre. Il n’avait eu aucun doute. Il avait tenté une approche avec timidité. Les années avaient passé, mais le sourire de Kate était immuable. Avec une surprise mêlée d’une joie spontanée elle avait accepté son invitation. Ces retrouvailles inespérées, avaient donné lieu à de nombreuses rencontres, confidences, et soirées passées ensemble.

pub

Le temps filait, il leur avait donné un certain embonpoint et avait creusé les plis de leurs visages. La sagesse de Kate se lisait toujours sur ses traits sereins. Dans ce pub, cet après-midi là, il l’observait comme au premier jour. Son sourire s’étirait tout seul d’aussi loin que remontait son amour. Ils n’avaient jamais eu besoin des mots oraux, la langue des signes, le langage corporel suffisait entre eux. Il voulait lui signifier son importance à ses yeux, l’amour incommensurable qu’il lui vouait, mais en voulant saisir sa main au passage, l’interrompre au milieu de ses explications, il traversa son corps. Bercé par son illusion, et aveuglé par son chagrin, il avait encore une fois commandé deux verres de vin, il avait demandé leur table dans le pub familier. Il fallait pourtant qu’il se fasse une raison, Kate était définitivement partie il y a quelques mois, emportée par l’âge au terme de sa vie.

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