D'abord il est fort bien écrit et son audience peut très largement déborder une cible adolescente. Les personnages sont totalement crédibles et le décalage entre la façade sociale et la réalité familiale est parfaitement démontré.
Il ne s'agit pas de souci, de mésentente ou de conflit. Loin de là. La violence faite aux femmes est d'une autre dimension. On en trouve la définition en annexe p. 62. Elle peut être d'ordre physique, sexuel ou psychologique. Elle est exercée au sein de la famille et inclut les coups, les sévices sexuels infligés aux enfants de sexe féminin au foyer, les violences liées à la dot, le viol conjugal, les mutilations génitales féminines et autres pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes ... Ce qu'on désigne sous le terme de "violence conjugale" en fait partie et c'est le thème central du livre.
Ce n'est pas exclusivement le fait des hommes. Mais il est certain que les femmes "battues" sont plus nombreuses. Le manque de ressources financières les fragilisent encore plus. D'ailleurs un des premiers coups d'éclat du compagnon de la maman de la jeune Cécile sera une altercation avec son patron. Son intention est clairement de la priver de son travail. Avec l'alibi que c'est pour son bien : son patron ne la méritait pas et Sébastien a de quoi faire vivre toute la famille avec son propre salaire. Autrement dit, elle est désormais à sa merci.
Après, tout s'accélère. Les coups pleuvent, alternant avec de torrides réconciliations. Le profil maniaque et angélique de l'agresseur est également très bien analysé par Hervé Mestron. La cible a été choisie pour sa fragilité potentielle : elle élève son enfant toute seule. Mais il arrive très souvent que la victime soit une femme forte, ce qui décuple le plaisir du sadique qui, dans ce contexte, emploiera plutôt une stratégie de persécution psychique, qui ne laissera pas de traces bleues sur le corps.
Touche pas à ma mère est un livre essentiel où la montée dramatique suit des paliers progressifs ... comme dans la vraie vie. Parce que si on savait, on se sauverait sans attendre. Mais comment se méfier d'un homme qui déclare prohiber la violence, prétendant qu'elle ne sert à rien et prônant le dialogue (p.13) ?
Ce roman, qui n'est pas un témoignage, peut contribuer à la mise en garde des grandes filles comme des femmes. Il fait réfléchir, sans affoler. C'est bien. Il a reçu le soutien d'Amnesty International.
Hervé Mestron, Touche pas à ma mère, publié chez Talents Hauts, septembre 2012