C’est dans nos rues que l’extrême droite fait le plus mal, pas dans les urnes

Publié le 20 juin 2013 par Lepinematthieu @MatthieuLepine

Depuis dimanche dernier, le résultat du Front national lors du premier tour de l’élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot fait la une de l’actualité politique. Articles et reportages sur le sujet se multiplient. Comme à leur habitude, les médias nous annoncent l’inéluctable montée en puissance du FN, ce parti devenu fréquentable, dont les idées ne seraient finalement pas si extrêmes que cela. Pendant que ce parti normal, dirigée par une famille normal, défendant un programme politique normal, attire l’attention grâce à ses résultats électoraux, des militants d’extrême droite multiplient les actions violentes dans nos rues¹. Des femmes voilées, des étudiants chinois, des couples homosexuels ou encore des militants politiques ont été violemment agressés ces dernières semaines et pourtant personne ne s’inquiète. Les médias sont trop occupés à dédiaboliser le Front national, quant au gouvernement, il est une fois de plus aux abonnés absents.

L’extrême droite, c’est aussi des expéditions punitives contre des femmes voilées, des étudiants chinois, des homosexuels…

La mort de Clément Méric n’est malheureusement pas un acte isolé, un simple fait divers. Tous les jours, des agressions islamophobes, xénophobes, homophobes, politiques, ont lieu sur notre territoire. Tous les jours des personnes pourraient mourir sous les coups portés par leurs agresseurs. Mais il faut malheureusement attendre que l’une d’entre elle meurt réellement, pour que les médias daignent en parler ou pour que les politiques se décident à « agir ». Le reste du temps, c’est silence radio.

Qui sait par exemple qu’en un mois, deux femmes voilées se sont faites agressées violemment à Argenteuil (Val-d’Oise) ? Après s’être faite insultée de « sale arabe » et de « sale musulmane », la première d’entre-elle², une jeune étudiante de 17 ans, a été plaquée au sol, rouée de coup, avant qu’on lui arrache son voile. Quelques semaines plus tard³, une jeune femme de 21 ans subissait le même sort. Enceinte, elle a depuis fait une fausse couche.

Qui sait que six étudiants chinois ont subit une agression xénophobe à Hostens le week-end dernier ? C’est en effet dans un petit village de Gironde que dans la soirée de vendredi dernier, trois jeunes se sont rendus armés de planches en bois, dans la résidence de leurs jeunes voisins chinois. Visiblement éméchés, ils les ont agressés verbalement (insultes racistes selon le voisinage), puis physiquement. Une étudiante chinoise a d’ailleurs du transporté jusqu’au CHU de Bordeaux après avoir reçue une bouteille de champagne en plein visage.

Qui sait que fin avril, un mois avant la mort de Clément Méric, une jeune femme était agressée à deux reprises en 48 heures, parce qu’elle était lesbienne4 mais aussi militante du NPA ? C’est le 21 avril dernier, que Louise, une étudiante âgée de 17 ans, était agressée pour la première fois par deux hommes avec « une carrure importante ». En plein centre de Poitiers, ceux-ci l’ont traité de « sale gouine », lui ont reproché son appartenance politique, puis l’ont roué de coups. Deux jours plus tard, elle subissait de nouveau une agression similaire.

On pourrait accumuler les histoires de ce genre, qui par leur gravité, leur répétition et leur déclencheur commun, la haine de l’autre, ne peuvent être qualifiées de faits divers. Une chose est sûre, quelles aient été commises, par des groupuscules organisés ou des militants isolés, ces agressions portent la marque de l’extrême droite.

Les groupuscules d’extrême droite plus que jamais au centre de l’actualité

Quelques jours après la mort de Clément Méric, on apprenait la constitution d’un comité de soutien à Esteban Morillo, son agresseur. C’est le « Comité d’Entraide aux Prisonniers Européens » (CEPE), aujourd’hui renommé « Entraide et solidarité » 5, qui en est à l’initiative.

Cette organisation est connue pour soutenir moralement et financièrement des militants d’extrême droite condamnés par la justice pour des actes violents, le plus souvent à caractère raciste, xénophobe ou islamophobe. Le CEPE a par exemple soutenu Maxime Brunerie, l’homme qui avait tenté d’assassiner Jacques Chirac en 2002 ou encore le terroriste Michel Lajoye.

A la tête de cette structure, véritable caisse de solidarité de l’extrême droite, Martial Roudier, fils du leader de la Ligue du midi6, Richard Roudier. Hasard du calendrier, on apprenait il y a quelques jours que le premier d’entre eux venait d’être condamné à quatre ans de prison dont deux ferme pour avoir poignardé dans le dos en 2008 à Nîmes, Thomas, un jeune antifasciste de 16 ans.

Cette affaire est révélatrice à plusieurs égards. Tout d’abord, elle vient confirmer, si tant est que cela soit nécessaire, la violence extrême des groupuscules fascistes qui agissent aujourd’hui en France. La condamnation de Martial Roudier, pour des faits très proches de ceux qui se sont déroulés début Juin à Paris, est la preuve que l’agression mortelle de Clément Méric n’est pas un acte isolé.

Le soutien a Esteban Morillo et la mise en place d’une caisse de solidarité7 pour ce jeune militant fasciste, révèlent aussi la solidité des liens qu’entretiennent ces organisations. Elles partagent une idéologie et un projet commun et se soutiennent sur les plans logistiques et financiers. L’utilité de leur dissolution est ainsi plus que jamais renforcée si l’on souhaite briser leur élan.

Contre le fascisme et l’extrême droite, de nombreuses associations, organisations syndicales ou encore partis politiques appellent à une grande manifestation unitaire le dimanche 23 Juin, à Paris.

 

¹  Mon camarade Alexis Corbière a récemment consacré un billet de blog à ce sujet.

²  Le 20 mai à Argenteuil.

³  Le 13 juin à Argenteuil.

4   Les agressions homophobes se multiplient partout en France depuis quelques semaines (Lille, Bordeaux, Lyon, Troyes…).

Certaines fédérations du Front national présentent sur leurs sites les actions menées par Entraide et solidarité.

 6  Organisation proche du Bloc Identitaire.

7   Plus de 6000 euros auraient été à ce jour récoltés.