Patrick MODIANO, Romans, Quarto - Gallimard, Paris, mai 2013 (1088 pages).
Présentation
« Ces "romans" réunis pour la première fois forment un seul ouvrage et ils sont l'épine dorsale des autres, qui ne figurent pas dans ce volume. Je croyais les avoir écrits de manière discontinue, à coups d'oublis successifs, mais souvent les mêmes visages, les mêmes noms, les mêmes lieux, les mêmes phrases reviennent de l'un à l'autre, comme les motifs d'une tapisserie que l'on aurait tissée dans un demi-sommeil. Les quelques photos et documents reproduits au début de ce recueil pourraient suggérer que tous ces "romans" sont une sorte d'autobiographie, mais une autobiographie rêvée ou imaginaire. Les photos mêmes de mes parents sont devenues des photos de personnages imaginaires. Seuls mon frère, ma femme et mes filles sont réels. Et que dire des quelques comparses et fantômes qui apparaissent sur l'album, en noir et blanc ? J'utilisais leurs ombres et surtout leurs noms à cause de leur sonorité et ils n'étaient plus pour moi que des notes de musique. » Patrick Modiano.Ce volume contient : Villa triste - Livret de famille - Rue des boutiques obscures - Remise de peine - Chien de printemps - Dora Bruder - Accident nocturne - Un pedigree - Dans le café de la jeunesse perdue - L’horizon.
J'ai un bon moment balancé sur l'achat de ce recueil, entre ma pente vers la collection, les intégrales et, qui s'accentue depuis quelques années, mon hésitation à acquérir de nouveaux biens, à « consommer » : tel, je donne de plus en plus, j'y tend, dans le dépouillement. Oui, mes vieilles éditions suffiront, quitte, peut-être, à emprunter à la bibliothèque. Pour l'heure, depuis une semaine, j'ai « repris » les trois premiers titres -- voir l'apostille Trente-six : Les matins Modiano. Dix ou quinze ans sont passés depuis la dernière (ou première) lecture : sentiment étrange, c'est parfois comme si je ne les avais jamais lus, mais ils me sont néanmoins familiers, par le style si singulier certes, et aussi par une espèce de flou du souvenir qui produit un effet semblable à celui, fugace, de déjà-vu.
La Grande Table (1ère partie), France Culture du jeudi 20 juin 2013.
Geneviève Brisac : « Tout le monde croît connaître Patrick Modiano : une très haute silhouette, une parole hésitante qui fait rire certains, son regard perdu dans le très lointain et le très proche, et ses livres qui (disent ses détracteurs) seraient faciles à pasticher ou (selon ses admirateurs) de la pure magie. Cela fait quarante-cinq ans qu’il est là, depuis 1968, errant dans Paris, connaissant par cœur le nom de toutes les rues, (…) et il continue son œuvre qui grandit. Il ne fait partie d’aucun cercle et contribue à aucune école. Il attache, je crois, beaucoup trop d’importance à la topographie pour s’attacher à une bande. Il est inapte. Et ses inaptitudes, on les reconnaît dans ses hésitations de voix et cette manière d’avancer toujours à tâtons, avec prudence, avec inquiétude, avec cette peur de ne pas être juste. Alors qu’est-ce qui l’occupe de livre en livre ? C’est une quête impossible (celle d’une jeune fille perdue, de son frère décédé). »Détail piquant : Les animateurs parlent, en regrettant qu'il n'aie pas été repris dans le recueil, du premier roman de Modiano, La place de l'étoile : la retranscription de leur propos, sur la page web de l'émission, est : La place de la toile. Joli contresens.