Nicolas Sarkozy évolue vers de nouveaux équilibres institutionnels qui passent fondamentalement par une révalorisation de la fonction de parlementaire. Mais de la proclamation à la réalité quotidienne, l'écart est encore grand.
L'appréciation de la situation du parlementaire dans les démocraties occidentales est très paradoxale et difficile à saisir.
Supposé représenter le peuple, il fut longtemps, si ce n'est encore, membre d'une élite.
Censé être le représentant de toute la nation, il est de plus en plus étroitement lié à un parti politique souvent très préoccupé de satisfaire les aspirations de son seul électorat de plus en plus homogène d'ailleurs.
Défenseur d'une doctrine différente de celle de ses concurrents, il a aussi les mêmes habitudes qu'eux. Ainsi semble naître un métier politique qui transcenderait les formations politiques. Les parlementaires, " corps de copains ", paraissent en effet appartenir à une sorte d'internationale du métier parlementaire.
Cependant, malgré ces difficultés, il est de nos jours particulièrement important de bien percevoir la situation réelle du parlementaire.
N'est-il plus que le membre sans pouvoir d'une institution présentée en déclin ou, au contraire, demeure-t-il le représentant du peuple détenteur de la souveraineté ?
La vérité est sans doute intermédiaire.
Le parlementaire est certes désormais le détenteur d'une marge d'autonomie fort limitée pour exercer des prérogatives de plus en plus concurrencées.
Son statut individuel demeure inadapté. Il est toujours aussi difficile d'accéder à la qualité de parlementaire quand on est un salarié du secteur privé ou une profession libérale. Tellement plus difficile que pour un membre de la fonction publique.
Une fois élu, le parlementaire semble éprouver des difficultés constantes dans le choix entre sa qualité de représentant de la Nation toute entière ou sa fonction d'avocat de ses électeurs ?
Il est exact aussi que le parlementaire subit l'effet de la fragilisation du Parlement dans ses trois fonctions essentielles :
* la fonction de représentation : au départ, le parlementaire était l'informateur privilégié du Gouvernement. Or apparaissent dans ce rôle des sondages d'opinion mais aussi tant d'autres intermédiaires (syndicats, organisations socio-professionnelles, associations),
* la fonction de création de la loi : nous constatons partout le faible taux des lois qui naissent de l'initiative parlementaire. Même aux USA où la séparation des pouvoirs devrait préserver davantage l'initiative du Congrès, près de 80 % de la législation fédérale est inspirée par la Maison Blanche.
* la fonction de contrôle : le parlementaire exerce un contrôle moindre, du moins en apparence. Il est vrai que la fonction de contrôle revêt souvent de nouvelles formes dont les questions écrites, orales…mais il est vrai aussi que cette fonction est de plus en plus concurrencée par la presse, par le juge, voire par d'autres autorités à l'exemple du médiateur…
Pour retrouver la force de son statut, le parlementaire doit s'adapter à de nouvelles exigences.
S'il n'est plus le seul représentant du peuple, il demeure un intermédiaire précieux entre l'état-major du parti et les militants ; le pouvoir et les citoyens.
Le parlementaire est devenu un " détonateur " capable de se servir des médias pour attirer l'attention de l'opinion publique sur un problème donné.
Il reste l'interlocuteur privilégié de nouvelles formes de participation qui ne sont pas encore pleinement reconnues ou qui, dépendantes de la démocratie locale, ne peuvent de par l'émiettement ou la parcellisation des problèmes, s'exprimer au niveau national à l'exemple des associations, des comités de quartier…
Tous ces enjeux d'évolution ne sont pas tant les enjeux du seul parlementaire que ceux de l'Institution du Parlement dans son ensemble.
A cet égard, le vrai choix est entre d'un côté la " démocratie de participation " et d'un autre côté la " démocratie de délibération ".
Sur ces deux fronts, le Parlement semble pris en faiblesse. Il peut voter mais il donne l'impression de ne plus savoir discuter au sens du véritable échange d'idées constructif. Quand il débat, il donne l'apparence de faire des discours tellement éloignés de la délibération actant la décision définitive. Pour se repositionner, le Parlement doit choisir l'une de ces fonctions et l'assumer pleinement. La démocratie de participation ne peut exister sans une Institution parlementaire active, reconnue, considérée. Cette Institution ne peut exister sans des parlementaires soucieux de s'investir pleinement dans cette fonction. Ce défi n'est pas tant celui des parlementaires que celui de l'ensemble de notre démocratie représentative.
La vraie réforme passe par deux moyens fondamentaux :
* renforcer le pouvoir humain d'expertise du parlementaire,
* lutter contre le cumul des mandats qui prive le Parlement de membres à part entière.
Sur ces deux volets les améliorations souvent proclamées se font toujours attendre.