On en arrive ainsi à constater ce fait important que toute opinion révolutionnaire tire partie de sa force de la secrète conviction que rien ne saurait être changé.
[…] Tant qu'il ne s'agit que d'améliorer le sort des travailleurs, les honnêtes gens sont unanimes. […]
Malheureusement, c'est à cela et rien de plus qu'on aboutit quand on se borne à souhaiter que disparaissent les distinctions de classe.
Plus exactement, il est nécessaire de souhaiter qu'elles s'effacent, mais votre souhait demeure parfaitement vain si vous ne saisissez pas tout ce qu'il implique.
Il faut regarder en face la réalité: abolir les distinctions de classe, c'est abolir une partie de soi-même.
Me voilà, par exemple — moi, typique représentant de la classe moyenne. Rien de plus facile que d'affirmer mon désir de faire table rase des particularismes de classe ; mais la quasi-totalité de ce qui forme ma pensée et mon être repose sur des particularismes de classe. […]
Je dois opérer en moi une transformation si profonde qu'au bout du compte il ne restera pratiquement plus rien de la personne que j'étais."
George Orwell - Le quai de Wigan, Éditions Champ libre, 1982
Si l'on suit Orwell, la plupart de ceux qui se prétendent aujourd'hui "de gauche", les pseudo-socialistes du gouvernement, leurs affidés, personnalités du spectacle, "culturistes" médiatiques en tous genres, etc. invoquent le besoin de changement "révolutionnaire", comme une sorte de gri-gri qui, s'ils l'évoquent souvent, aura comme effet, au contraire, de l'empêcher d'advenir.
La pseudo-gauche intellectuelle est en vérité horrifiée à l'idée que son champ d'étude, son statut, ses avantages puissent être remis en question.
Bien plus, ce qui terrorise les pseudo-gauchistes, les Belles Âmes, les commentateurs indignés des actualités, c'est d'envisager qu'ils seraient obligés, eux, de changer. Appliquer à soi-même le changement. Docteur soigne-toi toi-même.
Depuis la faillite des régimes du socialisme réellement existant, pas de Marx sans Freud, pas de Freud sans Marx…
http://cdsonline.blog.lemonde.fr/2010/04/27/freud-avec-marx-marx-avec-freud/