J’ai gardé mon premier coiffeur 40 ans. Il avait été
champion du monde de coiffure. Mais, curieusement, il s’était installé à
Argenteuil. Il est vrai qu'à l'époque c'était une banlieue rouge mais qui n'était pas considérée comme mal famée. Il est parti à la retraite. J’en ai trouvé un nouveau. Pas un
champion du monde, mais quelqu’un qui avait connu l’apprentissage chez de
grands professionnels. Nouvelle retraite. J’ai testé alors les coiffeurs du quartier. Belles boutiques appartenant généralement à une chaîne.
Inscription sur ordinateur, pour spamming. Employés qui disent en cœur « bonjour
Madame Machin » lorsqu’une cliente entre. Et mécanisation. De 30 minutes
aux ciseaux (au rasoir, à Argenteuil), on est passé à 10 minutes à la tondeuse. Augmentation de prix de
50%. De bien plus puisque la coupe étant mal faite, il faut se faire tondre plus souvent. Voilà une inflation que nos génies de l'INSEE n'ont pas vue ! Et je comprends que la mode soit au crane rasé.
Métaphore du changement de notre société ? Le
marketing a remplacé la compétence. La marque et la machine ont remplacé l’artisan. Le
propriétaire de la dite marque s’est enrichi en exploitant des personnels sans
qualification. Et le pauvre s’est fait pigeonner. Le coiffeur qui, hier, vivait
à Argenteuil, maintenant est à Hollywood ?
Le gros de notre croissance aurait-il été
un numéro de prestidigitation ? Un bel artifice qui nous a fait croire au
père Noël pour nous voler notre bourse ? Et si la vraie croissance était devenue impossible, parce que nous avons détruit ce qui lui était nécessaire ?