REVIEW : Bibio – Silver Wilkinson

Publié le 20 juin 2013 par Vargasama

BIBIO

Silver Wilkinson

Warp Records (2013)

Le producteur anglais Bibio, alias Stephen James Wilkinson, sort son septième opus intitulé « Silver Wilkinson ». Edité par le prestigieux label indépendant basé à Sheffield, Warp Records, connu notamment pour avoir publié Autechre, Aphex Twin, Richie Hawtin, Squarepusher ou Boards of Canada, le musicien signe là un recueil contemplatif de 11 titres organiques et lumineux.

Construit sur un mood plutôt chill-out, le disque se dévoile comme une bande-son délicate et atmosphérique invitant l’auditeur à déambuler dans des paysages sonores hybrides où les enregistrements de l’eau frémissante d’une rivière, d’une pluie battante ou d’un courant d’air, du son pittoresque d’un clocher de village et celui d’un avion qui passe au loin, côtoient les ambiances electronica, folk, pop et abstract hip-hop. Le tout largement agrémenté de guitares si chères à notre poète-bidouilleur.

« Silver Wilkinson », bien que basé sur l’esthétique glitch et l’art du sample, regorge de douceur et de tendresse. Cette ode à la Nature, où l’humanité belle et bien présente semble pourtant n’être que de passage, est habitée d’une poésie champêtre touchante. Bibio a le chic pour broder avec ses six cordes de fines mélodies envoûtantes à l’instar des magnifiques ballades instrumentales « The First Daffodils » et « Sycamore Silhouetting » ou des pépites folk « Raincoast » et « You Won’t Remember… ».

Même si l’ambiance générale du disque invite à la rêverie et au recueillement, effet amplifié par la voix éthérée et le chant langoureux du musicien, on y trouve tout de même une perle afro-pop tonique et ensoleillée, « À tout à l’heure ». Véritable bouffée de chaleur et d’insouciance à l’image du succès « Lovers’ Carvings » paru dans « Ambivalence Avenue » en 2009, « l’enregistrement du morceau a commencé dans son jardin par une magnifique journée ensoleillée […] avec une guitare à 12 cordes, un sampler MPC, un micro et un enregistreur cassette. […] Maintenant, quand il réécoute l’intro, il entend le soleil et le jardin, pour lui c’est comme une photographie de ce moment. ». Cette idée d’instantané gravé sur la pellicule, de bribes de réalité retranscrites en langage musicale rappelle bien sûr les recherches picturales des impressionnistes qui tentèrent au XIX° siècle, par la couleur et la touche, de traduire la beauté fugace d’un instant volé et l’émotion ressenti face à un rayon de soleil, un reflet, une scène pittoresque empruntée au quotidien… Avec « You », Stephen exploite pleinement ses talents de beatmaker et l’on retrouve les sonorités electro glitch-hop à l’anglaise prônées par les écuries Warp et Ninja Tune. Plus loin, dans « Business Park », il explore l’univers pop des années 80 et sa suite de synthés vintage, puis distille une deep house en apesanteur dans « Look at Orion », avec son lot de samples de voix mis au ralenti par un magnétophone torturé.

Pour pleinement apprécier « Silver Wilkinson », une seule écoute ne suffira pas. En effet, s’il semble impénétrable au premier abord avec ses expérimentations sonores, la richesse du disque se dévoile progressivement. La voix feutrée au timbre intimiste du multi-instrumentiste, ses field recordings, sa guitare, ses mélodies enivrantes et ses claviers vrombissants nous accompagnent dans un dédale d’images, de couleurs, de sensations et d’émotions menant droit vers un ailleurs printanier, arboré et plein de vie. Le magicien manie l’éphémère et la légèreté à la perfection.