J’avais prévu de faire un billet sur les agro carburants. Mais l’annonce du référendum en Grèce mérite commentaire car c’est un évènement extraordinaire au sein de cette crise de l’Euro, mal gérée et qui n’en finit plus.
LES FAITS L’information va tellement vite, est tellement pressée, que nous risquons de perdre de vue, dans les faits, ce qui se passe en Grèce. Donc, voici quelques rappels : Sur le plan de la santé 1. Certains budgets de soins ont été réduits de 80%. En conséquence, les établissements d'urgence de médecins sans frontières voient leur fréquentation exploser, notamment par des chômeurs et personnes âgées qui ne bénéficient plus de couverture sociale... (Marianne 2, lundi 31 octobre 2011). 2. Médecins du monde (MDM) aboutit au même constat : les Grecs représentaient 10% de ses patients en 2010 ; depuis le début de cette année, cette proportion est passée à 35%. 9% d’entre eux sont des enfants. (idem). 3. MDM souligne que ceux-ci, comme les personnes âgées, ne réclament pas seulement des soins, mais souvent aussi de la nourriture. Les soignants repèrent des signes de malnutrition de plus en plus fréquents. Les vaccinations de base diminuent. Selon MSF, les retraités et chômeurs sont de plus en plus nombreux à ne plus disposer de couverture sociale. La classe moyenne, dont les artisans est également touchée. 4. Certains budgets publics de soins, des traitements pour certaines maladies, de même que des programmes d’aide sociale subissent des coupes allant jusqu’à 80%, pointe l’organisation. Dans le même temps, les firmes pharmaceutiques étrangères ont interrompu les livraisons de certains médicaments (notamment les anti-cancéreux) : les hôpitaux publics, qui ont accumulé les impayés faute de crédits, ne sont plus à même de régler les factures. Même le matériel médical de base, ainsi que le sang pour les transfusions, viennent à manquer. 5. Sous la pression de la Troïka (Commission européenne, BCE, et FMI), le gouvernement de George Papandréou est en train de réduire de 133 à 83 le nombre d’hôpitaux du pays. De même, 300 des 2000 cliniques locales sont en cours de fermeture. Le nombre de lits doit être limité à 30 000, soit 80% des besoins officiellement estimés. Tout cela est imposé « sans aucune étude évaluant les conséquences possibles de telles mesures », s’indigne MSF-Grèce (Source : Marianne2). Les budgets des hôpitaux a diminué de 40% entre 2007 et 2009 (étude Lancet. 6. La Grèce est malade. Le nombre de dépressions augmente, comme celui des suicides. Au premier semestre 2011, on enregistrait une augmentation de 40% des suicides par rapport au 6 premiers mois de 2010. Selon le ministère de la Santé un homme sur quatre et une femme sur trois sont atteints de dépression, bien plus que la moyenne mondiale (un homme sur huit et une femme sur 5) (l’Humanité, 27 octobre 2011). 7. Augmentation des suicides, hausse de la consommation de drogue, développement de la prostitution, accroissement des infections au virus VIH… Une étude britannique parue lundi 10 octobre 2011 pointe les effets désastreux de la crise économique et des coupes budgétaires en Grèce :"Le tableau de la santé des Grecs est très préoccupant", juge David Stuckler, sociologue à l'université de Cambridge qui a dévoilé les conclusions de son étude dans le journal médicalLancet."Une plus grande attention doit être portée à la santé et à l'accès aux soins pour s'assurer que la crise n'impacte pas la dernière source de richesse du pays : son peuple", commentent les auteurs de l'étude (Le Monde, 10/10/11). 8. Dans leur étude, les chercheurs ont également mis à jour un augmentation significative d'infections au VIH en Grèce à la fin de l'année 2010. Selon leurs prévisions, les contaminations vont augmenter de 52 % cette année par rapport à l'an passé. La consommation d'héroïne a augmenté de 20 % en 2009, chiffre à rapprocher de la diminution d'un tiers des programmes de lutte contre la drogue en raison des économies budgétaires. La violence a également augmenté, tandis que les cas d'homicides et de vols ont presque doublé entre 2007 et 2009, rapporte encore l'étude, selon leGuardian.
- 1. Tuer la croissance ne peut qu’aggraver la crise ;
- 2. Malmener le peuple dans sa santé, dans son emploi ne peut déboucher que sur une révolte et l’absence d’acteurs pour mettre en œuvre toute stratégie économique ;
- 3. L’administration grecque n’est pas suffisamment outillée pour mettre en œuvre les mesures du plan d’austérité ou toute stratégie de croissance nouvelle ;
- 4. Les riches sont trop épargnés alors que la pression fiscale et financière est essentiellement tournée ver les classes moyennes ;
- 5. La fierté des Grecs ne supportera pas que la Grèce soit vendue à l’encan.
- La situation devient intenable comme le montre cette vidéo qui circule en Grèce :
- 1. D’abord, lorsqu’il s’est agi d’accueillir la Grèce dans la zone euro, les chiffres étaient trafiqués, par une multinationale, Goldman Sachs, qui a bien profité de l’entrée de la Grèce dans la zone euro. Où est la sanction ?
- 2. La Grèce a une histoire, si longue, si longue. L’histoire récente a été tumultueuse, à commencer par la répression par les Britanniques à la fin de la deuxième guerre mondiale de la résistance communiste, qui s’est soldée par une longue période d’interdiction du Parti Communiste Grec. Puis la Grèce a connu une dictature des colonels. Ceci laisse des traces dans la culture politique d’un peuple. On ne peut se mêler d’un pays sans en connaître son histoire, faite de résistance. Il n’y a pas que les marchés financiers comme prisme d’analyse.
- 3. La Grèce connaît un déficit d’administration. Comme le dit un fonctionnaire européen cité par l’excellent blog de Jean Quatremer (coulisses de Bruxelles, UE) « déverser de l’argent en Grèce ne sert à rien si on ne les aide pas à bâtir une administration qui fonctionne », m’a-t-il expliqué. « Le problème grec n’est pas nouveau et je plaide depuis longtemps pour qu’on arrête de traiter la Grèce comme s’il s’agissait d’un pays comme un autre ».
- 4. La Grèce n’est pas aidée par une Europe mal née. Le problème qui se pose aujourd’hui à l’Europe n’est pas celui de la Grèce, qui fait figure de bouc émissaire, mais celui de la construction d’une Europe sans pilotes, sans projet politique, sans projet social, sans vision stratégique. Ne nous y trompons pas : demain on parlera de l’Italie, du Portugal, de l’Espagne, de l’Irlande… et probablement de la France…
Bruits de bottes et achats de char ? Tout l’Etat-major de l’armée a été limogé. La question est de savoir pourquoi. La principale explication serait que l’armée rechignait à se substituer à la police ou aux services administratifs, notamment pour le ramassage des poubelles. On parle aussi de rumeurs de coup d’Etat. Courait sur le Net il y a quelques jours la rumeur d’achats de 400 chars et d’autres véhicules militaires. Elle a été démentie par le Ministère de la défense. Il reste des ombres sur ce dossier : apparemment, c’était une initiative de l’armée de terre, très vite condamnée par les Allemands. Officiellement en tous cas ce projet délirant a été abandonné à supposer qu’il ait jamais existé ! Ajoutons sur ce chapitre une considération géopolitique : La Grèce est située dans une zone de turbulence : Macédoine, Chypre, Turquie l’entourent. D’aucuns, dans un pays qui n’a que son tourisme à vendre, qui ne dispose pas de matières premières, pourraient être tentés de se refaire une santé sur le dos des voisins par des opérations militaires… Ce ne serait pas la première fois que cela se passerait dans l’histoire !!! Corruption 60 000 piscines seraient référencées par Google mais rien dans le cadastre grec ! Jean Quatremer donne dans son blog de multiples exemples, notamment celui de ces médecins du quartier Kolokani qui déclarent peu et investissent dans des biens de luxe. Il cite des commerçants et dirigeants de PME qui accusent les services des impôts d’être une véritable mafia et affirment : « il faudrait être un con pour payer ses impôts en Grèce ». Selon une étude de Transparency International la corruption par les fakelakia (pots de vin, bakchichs) de ce type s'est élevée à 780 millions d'euros en 2009, un montant bien en dessous de la réalité puisqu'il ne prend en compte que les pratiques des particuliers. Des milliards en Suisse « Sur la seule année 2010, plus de 33 milliards d’euros ont été retirés des coffres des banques grecques, selon la banque centrale. Mais dans le pays, ils sont nombreux à considérer ce chiffre comme conservateur. La fédération grecque des entreprises affirme quant à elle que le manque à gagner fiscal dépasse 22 milliards d’euros chaque année » Cette information, donnée par le journal suisse Le Temps (3 novembre 2011) est sûrement désuète. Avec le doute qui plane sur une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro, les capitalistes locaux ont largement intérêt à mettre leurs « économies » à l’abri pour en éviter la dévaluation. Selon un article du Figaro (3/6/2011), quelques 38 milliards d'euros de capitaux auraient été placés en Suisse ces dix-huit derniers mois, d'après le ministère grec des Finances Georges Papaconstantinou qui chiffre entre 10 à 15 milliards d'euros par an le montant de la fraude fiscale à destination de la Suisse.Selon la mêmesource, Dimitris Kouselas, le secrétaire d'État au ministère grec des Finances, évalue à «280 milliards d'euros, soit 120% du PIB grec» les fonds helléniques en Suisse. SCENARIOS D’AVENIR ? Difficiles à définir ! 1. L’unanimité semble se fissurer au sein du gouvernement et du PASOK avant le vote de confiance du vendredi 4 novembre. Celui-ci pourra être déterminant. Papandréou y joue sa tête et le référendum ne verrait pas le jour ! 2. Papandréou passe le vote de confiance. Il mettra en œuvre son référendum, probablement autour de l’adhésion ou non au plan de rigueur. Papandréou croit à la victoire du « oui » mais il semble être bien seul. On repart pour un tour dans la rigueur sauf que l’administration n’aura pas les moyens de le mettre en œuvre. 3. Le « non » l’emporte et tout laisse croire que la Grèce sortira de la zone euro avec des conséquences graves pour la Grèce… et des risques de tâche d’huile dans cette même zone euro. 4. En attendant le référendum, l’Union Européenne est décidée à couper les vivres à la Grèce, en bonne stratégie guerrière. Déjà exsangue, la Grèce s’apprête à vivre des jours très difficiles puisque les salaires ne pourront être payés. CONCLUSION
Dessins issus du site : http://www.segoleneroyal-meag.com/article-union-europeenne-quelques-dessins-humoristiques-52999976.html