En transport aérien tout au moins, la haute conjoncture est revenue et les commandes se succčdent d’heure en heure au salon du Bourget, chez Airbus, Boeing, Embraer et, dans une moindre mesure, chez Bombardier. Mais c’est ATR qui, cette fois-ci, retient l’attention : l’avionneur franco-italien vient en effet de révéler un engagement de Nordic Aviation Capital portant sur non moins de 90 appareils, dont 35 font d’entrée l’objet de commandes fermes. Il s’agit, disent les dirigeants d’ATR, une commande Ťhistoriqueť.
Filippo Bagnato, président exécutif, estime que Ťcette commande représente la confirmation de la grande attractivité de nos avions ainsi que la reconnaissance de leur grande valeur résiduelleť. Cette derničre précision ne doit rien au hasard, les entreprises spécialisées dans la location-bail étant trčs soucieuses de la cote des avions qui figurent dans leur portefeuille quand ils leur sont rendus par leur premier exploitant. C’est en effet ŕ ce moment que tout se joue, d’un point de vue rentabilité.
Il ne fait plus de doute qu’ATR est passé ŕ la vitesse supérieure, loin devant son concurrent canadien, et en confirmant éloquemment que les biturbopropulseurs ŕ 70 places font bien mieux que les petits biréacteurs. Cette année-ci, non moins de 80 ATR sortiront de la chaîne d’assemblage final de Saint-Martin-du-Touch et 90 en 2014. Sans doute sera-t-il nécessaire d’ensuite pousser davantage les feux, pour continuer de proposer des délais de livraison raisonnables ŕ de nouveaux acheteurs. Ce qui ne sera sans doute pas une mince affaire, l’aide volontariste de 140 fournisseurs étant indispensable ŕ la réussite d’une telle montée en cadence.
Tout n’est pas rose pour autant chez ATR, mais pour d’autres raisons. On se demande en effet si le projet de nouvel avion ŕ 90 places, évoqué réguličrement depuis de nombreux mois, complément souhaitable de la gamme actuelle, finira par voir le jour. Filippo Bagnato évoque cette idée avec beaucoup de conviction, son actionnaire italien (Alenia Aermacchi, groupe Finmeccanica) en faisant autant. Mais EADS hésite et, de toute évidence, le groupe européen n’est pas disposé ŕ donner rapidement son feu vert ŕ ce programme. Bientôt, le prétexte de la saturation du bureau d’études d’Airbus ne sera pourtant plus une explication recevable, l’essentiel du développement des A350XWB et A400M étant désormais terminé.
Du coup, on s’y perd : on comprend que le lancement rapide de l’hypothétique ATR 90 est souhaité ŕ Rome et ŕ Naples, et ne l’est pas vraiment ŕ Toulouse. Cela avec quelques contradictions dans les déclarations des uns et des autres. D’oů le succčs de curiosité né du devenir ŕ long terme d’ATR, Finmeccanica, dit-on, envisageant secrčtement d’envoyer un ultimatum ŕ EADS, voire de choisir un autre partenaire pour le 90 places. Mais, c’est de bonne guerre, un démenti n’a pas tardé.
Dans le męme temps, la guerre commerciale entre Ťgrandsť du duopole continue, ŕ un rythme toujours plus rapide. On retiendra que Boeing a finalement décidé de lancer sans plus attendre le 787-10, présenté comme l’avion commercial le plus efficient de l’histoire. On attend déjŕ avec impatience la réponse d’Airbus, qu’on devine cinglante.
Ce Ťtiret 10ť bénéficie d’un tir groupé de plusieurs clients de lancement de haut niveau, British Airways, Singapore Airlines, United Airlines, GE Capital Aviation Services et l’Air Lease Corporation. Le 300/330 places trčs long-courrier pourra franchir des étapes de 13.000 kilomčtres et entrera en service en 2018.
Au męme moment, la nouvelle du jour, gučre surprenante, est la décision d’EasyJet d’acheter ŕ Airbus non moins de 135 NEO, 100 A320 et 35 A321, 85 d’entre eux étant destinés au rajeunissement de la flotte actuelle et les autres ŕ l’accroissement de la capacité de la compagnie low cost anglaise.
Embraer, pour sa part, a frappé fort en réunissant 300 commandes et options pour sa nouvelle lignée de biréacteurs E-175/195.
On le constate, un Ťbonť salon, animé par une succession d’annonces. Mais les visiteurs n’oublient pas pour autant de regarder réguličrement du côté des pistes. L’avion de combat russe Sukhoi Su-35, piloté de main de maître, rappelle ŕ chaque vol les possibilités exceptionnelles de la poussée vectorielle (un brevet d’un ingénieur français injustement oublié, Michel Wibault). L’A400M, pour sa part, affiche une maniabilité peu commune pour un transport militaire. Et l’A380 arbore fičrement les couleurs de British Airways, tout un symbole. Il ne manque plus qu’un survol du Bourget par le premier A350 (vendredi ou samedi ?) pour que l’extase soit atteinte.
Pierre Sparaco - AeroMorning