En règle générale, nous sommes fans des projets transversaux, qui, en faisant appel à plusieurs formes de pratiques artistiques, abolissent des frontières conventionnelles et souvent dépassées entre les arts (les beaux-arts et l’art numérique, le design et l’art….).
C’est notamment le cas avec cette sculpture magistrale réalisée par Plebian Design, SoSo Unlimited, Hypersonic Design & Engineering et Patten Studio.
L’installation sculpturale prend la forme d’un ruban de verre et de métal, courant sur plus de 10 mètres par 3, au travers de l’atrium du tout nouveau centre de recherche du Musée de Sciences Naturelles de Caroline du Nord.
La beauté formelle et plastique, presque architecturale, de cette structure est mise en mouvement, en se transformant en un écran géant : en effet, 3600 plaques de verre à cristaux liquide composent le ruban et peuvent chacune indépendamment s’opacifier, affichant ainsi différentes nuances de gris.
Le fond et la forme : Malgré ce choix d’une résolution minimale, Patterned By Nature parvient à retranscrire des phénomènes naturels, de la pluie qui tombe à l’envol d’oie sauvage, au mouvement du vent dans les branches d’un arbre, comme si l’on avait extrait l’essence la plus pure et la plus minimale de la nature en mouvement, comme si l’on avait su en décrypter le secret schéma et le restituer numériquement.
Pour Eric Gunther de SoSo Unlimited :
Notre but est de capturer l’essence cinétique de chaque modèle, tout en restant aussi proche que possible de la science
Des écrans explicatifs
Un élément de réponse à ce petit miracle : La vingtaine d’animations diffusée ainsi, n’a pas été réalisée par un graphiste ou un motion designer, mais plutôt par un scientifique ou un ingénieur ; ces animations ont effectivement été auto-générée à partir de séquences filmés et passés dans des logiciels identifiant des modèles algorithmiques et les retranscrivant en images. Le titre de cette installation Patterned by nature, en bon français, façonné par la nature, se justifie en ce sens, c’est l’analyse scientifique de la nature qui guide l’animation, et non une simple considération esthétique.
Le résultat est tout simplement surprenant, un motion designsophistiqué, onirique, minimaliste mais pertinent, figuratif et suggestif.
Une installation ludique : des sons en adéquation avec l’animation sont diffusés afin d’aider le spectateur à identifier les différents mouvements de pixels sophistiqués. Deux écrans montrent la séquence HD originel, avant qu’elle ne soit passée au travers de ce prisme d’un nouveau genre.
En ajoutant les 8 pistes sonores, nous espérions transporter les visiteurs depuis l’atrium empli de soleil dans les profondeurs des modèles de notre univers.
Eléments d’explications : Installation immersive qui ne laisse pas indifférent le visiteur, Paterned by nature est une ode à la nature dans sa beauté et sa complexité, mais peut-être encore davantage, à l’esprit humain face à la nature (comme ça tombe bien pour un centre de recherche !). SoSo Limited la décrit ainsi comme une
célébration de l’abstraction que nous construisons face à l’infinie complexité de la nature, au travers de modèles scientifiques, ou des mécanisme de perception. Ceci amène à mettre en lumière la similarité des schémas régissant notre univers, sans considération de temps et d’espace
En effet, de tous temps, l’esprit humain a été mu par l’idée qu’il existait des lois et un ordre dans la nature, ce qui donnerait un sens à l’Univers où nous vivons et à notre propre vie. A charge de la science de les décrypter. On sait par exemple qu’il existe des schémas mathématiques qui se répètent dans la nature : on peut par exemple penser au Flocon de Koch qui est une figure fractale. C’est pour l’esprit humain une façon de saisir la nature dans sa complexité, de se l’approprier en la rendant intelligible et de l’analyser dans son infinie incommunicabilité.
Mise en perspective, une nature numérisée et pixelisée : Le choix d’un travail graphique sur le pixel, comme mode de représentation de la nature, peut lui aussi donner quelques pistes d’exploration.
Cette pixellisation de la nature n’est pas un champ d’exploration nouveau pour l’art.
Au travers du prisme déformant du pixel, un artiste comme Shawn Smith interroge notre réelle connaissance de la nature avec ses sculptures animales :
Mes travaux questionnent l’instable intersection entre le monde numérique et la réalité. Spécifiquement, je m’intéresse à la manière dont nous faisons l’expérience de la nature au travers de la technologie. Lorsque nous voyons des images de la nature à la TV ou sur un écran d’ordinateur, nous avons la sensation de voir la nature mais en réalité, nous ne voyons que des motifs de rayons de lumière pixelisés.
L’homme ne connaît plus la nature car il ne l’expérimente plus, ne fait que se la figurer au travers d’images, numériques, qui déforment le réel. La nature y est alors réduite à sa plus stricte expression, car, passée au travers du prisme de l’écran et du numérique, un monde fait de 0 et de 1.