Angel
Une légère caresse sur mon front et une agréable odeur de café vinrent me tirer doucement du sommeil. J’entrouvris les yeux et m’étonnai de le trouver assis sur le bord du canapé sur lequel je passais mes nuits. Les premiers jours, il s’était contenté de rester dans l’embrasure de la porte comme si soudainement ce lieu que je m’étais approprié ne lui appartenait plus et qu’il attendait mon autorisation pour entrer. Mais depuis la veille les choses avaient changé. Ses deux propositions coup sur coup m’avaient prise au dépourvu même si inconsciemment je n’attendais que cela. Je n’aurais pas vraiment su dire ce qui avait changé en lui: ce n’étaient que des impressions floues sur lesquelles je ne parvenais pas à mettre de mots, c’étaient des regards plus insistants que je surprenais avant qu’il ne s’en rende compte et ne reprenne son masque impassible habituel ou c’était sa présence ce matin-là, penché sur moi, une main appuyée sur le dossier alors que l’autre me tendait une tasse fumante.
Je m’étirai et me redressai contre l’accoudoir pour me saisir de la tasse mais surtout pour mettre un peu plus de distance entre nous. Là, comme cela, au réveil, je n’étais pas encore d’aplomb pour mettre au point des stratégies pour paraître la plus indifférente possible et dissimuler ce trouble que je tentais vainement de combattre quand il était si près. Malgré l’heure matinale, il était déjà tiré à quatre épingles alors que je devais ressembler à une harpie. Mais je n’en avais finalement que faire. Je n’essayais pas de le séduire. Je n’étais pas douée pour cela. Mais surtout je ne devais pas malgré cette envie de plus en plus vivace de me blottir dans ses bras rassurants, de le toucher et d’être touchée après avoir toujours fui les contacts quels qu’ils soient. Tout cela était nouveau pour moi. Je me sentais empotée dans mes propos, maladroite dans mes gestes. J’aurais aimé avoir la certitude que mes impressions le concernant étaient fondées, que je ne faisais pas fausse route et que cette lueur particulière dans son regard n’était pas le fruit de mon imagination. Mais il ne laissait rien paraître d’aussi explicite. C’était terriblement frustrant.
— Si tu t’entêtes à dormir dans cette pièce, il va falloir y installer un vrai lit, me proposa-t-il avec un sourire bienveillant.
— Cette pièce est très bien comme elle est, décrétai-je.
— Ce serait tout même plus…
— Elle est très bien comme elle est, répétai-je pour couper court à une discussion qui s’annonçait sans fin compte tenu de l’obstination de cet entêté de première.
Il allait malgré tout revenir à la charge lorsque, heureusement pour moi et mon canapé préféré, son téléphone vibra dans la poche revers de sa veste. En voyant le nom de son correspondant, son visage se rembrunit soudain.
— Excuse-moi une seconde. C’est important.
Il quitta aussitôt la pièce, l’appareil collé à son oreille. Quand il eut disparu dans le couloir, mon attention se porta sur une grande boîte enrubannée qu’il avait déposée sur la table basse qui séparait les deux canapés qui se faisaient face. Je jetai un coup d’œil furtif vers la porte et soupesai rapidement la boîte qui s’avérait plus légère que ne le laissait penser sa taille.
— Ouvre-la.
Je sursautai en entendant sa voix et rougis comme une gamine prise en flagrant délit de curiosité. Après une brève hésitation, je tirai sur le ruban de soie et soulevai le couvercle. Je restai un moment bouche bée devant la somptueuse robe de cocktail noire qu’elle contenait.
— Samedi prochain, je dois me rendre à une réception pour laquelle je ne peux pas me défiler et je veux que tu m’accompagnes.
— Et vous vous êtes dit qu’en me l’offrant dans un joli paquet cadeau je ne serais pas tentée de vous l’envoyer à la figure, répliquai-je avec un sérieux de pure façade.
— Tout juste !
Un large sourire illumina son visage alors qu’il s’avançait. Il s’assit à même la table face à moi. Il sortit la robe de sa boîte et me la présenta.
— Si elle ne te plait pas, on la changera mais, s’il te plait, accepte-la, me pria-t-il.
Je fis mine de réfléchir à la question. En réalité, son geste et son côté parfois si maladroit derrière cette façade en apparence si froide me touchaient. Je caressai le tissu soyeux et évitai son regard insistant. Je le fis languir quelques secondes avant de répondre malicieusement :
— Je n’ai pas de chaussures qui vont avec.
Il inspira longuement, soulagé de ne pas avoir essuyé un refus catégorique.
— Il va falloir remédier à ce problème quand je reviendrai, me répondit-il en esquissant un sourire.
— « Quand vous reviendrez » ? répétai-je vivement en me redressant.
— Je dois m’absenter un jour ou deux, m’annonça-t-il.
Je cachai mal sur le coup ma déception. Je ne voulais pas me retrouver seule, pas même pour une journée et je me fis violence pour ne pas lui demander la raison de son absence. Elle avait probablement un lien avec cet appel mais il ne semblait pas disposé à m’en dire plus.
— Je tâcherai de faire vite, me rassura-t-il en replaçant une mèche derrière mon oreille. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à appeler Derek.
Il quitta l’appartement à peine heure plus tard sans plus d’explication.
La solitude ne m’avait jamais pesé. Bien au contraire, je la cultivais jusque là farouchement. Pourtant après son départ, je restai debout au milieu du living à me sermonner mentalement de me sentir tout d’un coup si désœuvrée. Après m’être traitée de pitoyable gourde, je cherchai des occupations pour meubler les longues heures d’ennui qui se profilaient. Je songeai à téléphoner à la seule personne qui me tardait de revoir mais je doutais que Charlène soit très enthousiaste. Je l’entendais déjà me reprocher de la recontacter uniquement parce qu’Elijah était absent. J’y renonçai donc et optai pour un programme spécial déprime. Je m’affalai sur le canapé devant des émissions improbables que je n’avais jamais regardées en me goinfrant de ce que je pus trouver de plus calorique. En milieu d’après-midi, je fis littéralement une over dose des deux et allai à la recherche de mon portable pour vérifier qu’il n’ait pas cherché à me joindre. Je le dénichai au fin fond de mon sac complètement déchargé comme d’habitude. Ces appareils et moi n’avions jamais entretenu de bons rapports. Ils ne m’avaient servi qu’à être pistée par Greg et par la suite harcelée par ses créanciers. Seuls Derek, Elijah et Charlène possédaient mon numéro, je fus donc surprise de voir s’afficher autant de messages de cette dernière que d’un numéro inconnu.
— Bordel Angel ! Ça t’arrive de consulter ta messagerie ! me hurla-t-elle dans le tympan à peine la seconde sonnerie eût-elle retenti.
Son ton anxieux ne fit qu’accroître mon inquiétude.
— Qu’est-ce qui se passe ? l’interrogeai-je.
— Un flic est passé au club hier soir : il cherchait à te joindre. Je lui ai donné ton numéro. J’espère que je n’ai pas fait de bourde.
Saisie par la surprise, je restai silencieuse un moment. L’ombre de Tom s’imposa aussitôt à moi. Pourquoi la police chercherait-elle à me contacter si ce n’était pas au sujet de cette plainte que j’avais dû porter contre lui ? Ou peut-être l’avaient-ils retrouvé ? Cette idée me fit complètement paniquer. Charlène s’impatienta à l’autre bout du fil et je finis par répondre.
— Tu as bien fait. Tu lui as dit où j’étais ? m’informai-je.
— Non, j’ai juste donné ton numéro.
J’expirai brusquement de soulagement. Je n’avais pas foncièrement envie de le voir débarquer dans cet appartement en l’absence d’Elijah.
— Je te rappelle pour te tenir au courant, conclus-je en raccrochant aussitôt.
J’appuyai fébrilement sur l’autre numéro qui ne pouvait être que celui de ce flic. Il avait appelé quatre fois au cours des deux dernières heures. Cela ne me rassurait pas le moins du monde.
— Lieutenant Delanay, se présenta une voix grave avec un accent du sud des Etats-Unis des plus prononcés.
— Angel Clarkson, me présentai-je avec un maximum d’assurance. Vous avez essayé de me joindre ?
— Mademoiselle Clarkson ! Je commençai à désespérer !
« Impatienter » semblait davantage convenir au ton sec qu’il venait d’employer.
— Que puis-je faire pour vous lieutenant ?
— C’est au sujet de votre plainte contre Tom Sanders.
Mon cœur se mit à tambouriner si fort dans ma poitrine que j’avais l’impression qu’il aurait pu l’entendre à l’autre bout du fil.
— J’ai repris le dossier depuis peu et je me suis rendu compte qu’il manquait quelques informations et votre signature sur certains documents. Quand pourriez-vous venir dans les plus brefs délais?
J’expirai longuement de soulagement. Une question de paperasses, rien de plus.
— Est-ce que cela peut attendre demain ? demandai-je.
— A dire vrai je préférais que cela soit fait cet après-midi, insista-t-il.
J’acceptai à contrecœur le rendez-vous qu’il me fixa une heure plus tard. Je n’avais pas envie de m’y rendre. Quelque chose dans l’insistance dont il avait fait preuve et dans le ton de sa voix me dérangeait. D’autant qu’il s’avérait, d’après la secrétaire de Derek que ce dernier était à une audience et donc aussi indisponible que pouvait l’être Elijah dont le téléphone était éteint. Je jouais définitivement de malchance. Je m’habillai à la hâte tout en maugréant contre Elijah de m’avoir forcée à déposer cette plainte et en plus de ne pas être là précisément au moment où j’avais besoin de lui.
J’arrivai devant le bâtiment austère du département de police avec une bonne demi-heure de retard. Je me présentai à l’accueil où un agent de police en uniforme m’invita assez froidement à m’asseoir et à patienter. Une dizaine de minutes plus tard, je vis venir à moi un homme grand et mince. Il portait un costume sombre, impeccablement coupé qui contrastait fortement avec ceux bon marché que portaient les autres inspecteurs qui allaient et venaient dans le hall. Il semblait avoir la quarantaine passée. Ses tempes légèrement grisonnantes donnaient une certaine distinction à ses traits durs mais réguliers et plutôt beaux. Ses lèvres fines se fendirent d’un sourire forcé lorsqu’il arriva à ma hauteur. Mon retard l’avait sans doute agacé. Il était on ne peut plus volontaire. Il était toujours intéressant de voir la réaction des gens dans ces cas-là, elle était souvent révélatrice. La sienne me hérissa aussitôt.
— J’étais persuadé que nous avions dit 17 heures. J’ai dû me tromper, feignit-il de s’excuser en me serrant fermement la main.
Il la garda dans la sienne quelques secondes en plantant son regard gris dans le mien. Il attendait apparemment que je m’en excuse ou peut-être tentait-il de me déterminer à qui il avait à faire comme je le faisais moi-même. Toujours est-il que notre entretien n’avait pas commencé que je regrettais déjà d’être venue sans être accompagnée de Derek.
— Si nous pouvions régler cela rapidement, je suis assez pressée.
Son sourire de façade disparut et ses yeux se plissèrent.
— Par ici, m’invita-t-il en m’indiquant le couloir par lequel il était apparu.
Il me fit bientôt entrer dans un bureau sombre éclairé par une unique fenêtre haute et encombré de cartons. Certains étaient largement ouverts et leurs contenus déposés sans ordre apparent sur des étagères encore vides pour la plupart. Des piles de dossiers trônaient également sur le bureau recouvert d’un hideux revêtement en formica qui semblait dater des années 70.
— Pardonnez le désordre, je viens tout juste de prendre mes fonctions ici, c’est un bureau provisoire, s’excusa-t-il en me désignant un siège alors qu’il s’installait derrière son bureau dans un fauteuil pivotant qui grinça sous poids.
— Vous venez du sud ? demandai-je histoire de le mettre aussi mal à l’aise que je l’étais en posant des questions indiscrètes.
Cela eut l’effet escompté. Il haussa un sourcil et se força à nouveau à sourire.
— Je présume qu’il va me falloir un peu de temps pour perdre mon accent de Louisiane et me fondre dans la masse new-yorkaise.
Il farfouilla dans la pile de dossiers et en sortit un pour le consulter en silence pendant d’un temps qui me parut interminable.
— Vous avez revu Tom Sanders depuis votre agression ? me demanda-t-il à brûle pourpoint en levant à peine les yeux des documents étalés devant lui.
Je hochai simplement la tête en signe de dénégation de peur d’être trahie par le tremblement de ma voix que je n’étais pas certaine de pouvoir maîtriser.
— Les gardes du corps postés devant chez vous ont dû sans doute le dissuader de s’approcher de trop près.
Je tâchai de garder une attitude impassible malgré la panique qui m’envahissait d’un coup. Mais je n’avais pu réprimer une brève expression de surprise qui ne lui échappa pas.
— Je suis allé chez vous et j’en ai profité pour discuter avec vos voisins. Ils m’ont fait part de ces hommes qui se sont relayés pendant des semaines en bas de l’immeuble. J’ai aussi appris un élément très intéressant d’une certaine Mademoiselle …
Il s’interrompit pour feuilleter les documents à la recherche du nom qui lui échappait. Ou alors était-ce un moyen de me déstabiliser davantage. C’était plus que probable. Pourquoi étais-je venue me mettre dans un guêpier pareil ? Il était plus qu’évident qu’il ne m’avait pas fait venir pour une simple question de papiers à compléter.
— Lewis, continua-t-il en reportant à nouveau son attention sur moi. Mademoiselle Lewis a entendu des bruits de bagarre provenant de votre appartement le soir du réveillon de Noël. Elle était souffrante ce soir-là mais s’est tout de même levée pour aller voir de quoi il en retournait. Par le judas de sa porte, elle a vu un homme correspondant au signalement de Monsieur Sanders dévaler les escaliers à toute allure. Elle le connaissait pour l’avoir souvent croisé avec vous. Elle n’a eu aucun mal à le reconnaître sur cette photo.
Il déposa devant moi le cliché en question qui n’était autre que celui pris par les services de polices au cours de l’une de ses arrestations.
— Bien sûr si je lui avais montré celle que l’on a prise de lui hier, je doute qu’elle l’eut reconnu, poursuivit-il d’une voix égale en déposant un autre cliché qui me souleva le cœur.
Je fermai les yeux et tentai de contenir la nausée qui était en train de me gagner.
— Le haut du corps est entièrement carbonisé mais il ne fait aucun doute qu’il s’agit bien de Tom Sanders. Sa main droite a été épargnée par les flammes et le froid de ces derniers jours a conservé ses empruntes intactes. D’après les premières analyses, il serait mort il y a un peu plus d’une semaine, soit grossièrement à Noël… peut-être juste après être parti de chez vous…
— Je ne dirai plus rien sans la présence de mon avocat, répondis-je brusquement.
Il s’adossa à son fauteuil et croisa les mains devant lui, le visage impassible.
— Ce n’est pas un interrogatoire officiel Mademoiselle Clarkson. Je voulais simplement vous mettre au courant de la mort de M. Sanders et de l’enquête qui vient d’être ouverte. Vous pouvez partir mais restez à disposition de la police, m’annonça-t-il en dépliant son grand corps du fauteuil qui paraissait trop petit pour lui.
Je me levai également alors qu’il avait franchi les quelques mètres qui séparaient son bureau de la porte pour me l’ouvrir.
— N’oubliez pas de signer les papiers que j’ai laissés à l’accueil de laisser l’adresse précise de M. Mikaelson. D’après ce que j’ai compris, c’est chez lui que vous habitez dorénavant, non ?
Je tressaillis. Cet homme savait beaucoup trop de choses à mon goût.
— Au revoir Lieutenant, le saluai-je pour toute réponse en m’efforçant de soutenir son regard clair et perçant.
J’ignorai comment mes jambes flageolantes avaient pu me conduire jusqu’à l’extérieur sans me lâcher au beau milieu du couloir. Une fois les papiers signés, je sortis et inspirai profondément l’air glacial pour retrouver mon calme. En vain. Je hélai le premier taxi qui passait et m’engouffrai à l’intérieur.
En attendant de pouvoir enfin joindre Derek, je passais des heures à ressasser cet entretien et à me demander si je n’avais pas commis à un moment une bourde quelconque. Je n’arrivais pas à calmer cette angoisse latente qui me comprimait la poitrine, ni à chasser l’image du corps calciné de Tom. C’était une chose de savoir qu’il était mort, c’en était une autre de voir le sort qu’Elijah lui avait réservé. Si j’avais eu tendance à occulter cette partie de lui, là, pour le coup, elle venait de me sauter en pleine figure. Rien dans son appartement ne permettait de soupçonner sa véritable nature. Il avait l’air si normal. Les premiers jours, je m’étais même interrogée sur la manière dont il se nourrissait tant il était discret à ce sujet. Il avait pourtant des habitudes immuables. Une nuit, j’avais été réveillée par le bruit pourtant discret de la porte. Il était près de deux heures et l’appartement était vide. Il n’était revenu qu’au petit matin. Et ce fut la même chose chaque nuit. Inconsciemment, j’avais calé mon sommeil sur ses allers et venues. Je me réveillais quelques minutes avant son départ et ne parvenais à me rendormir que lorsqu’il rentrait.
J’ignorais s’il tuait ses victimes ou s’il se contentait de se nourrir en les laissant en vie. Je n’avais pas eu le cran de lui poser la question. Je m’étais alors figurée qu’il était sans doute comme ces vampires de films ou séries pour ados qui s’en vont courser les écureuils la nuit dans les bois pour épargner les humains. Accolée à lui, cette image me paraissait complètement saugrenue mais elle contentait ma conscience. Il était plus facile de ne voir en lui qu’un homme tendre et attentionné plutôt que le prédateur qu’il était également. Je voulais croire naïvement qu’il ne tuait que lorsqu’aucun autre choix ne se présentait à lui. C’était moins dérangeant que d’admettre qu’il était un vampire de plus de mille ans et qu’il avait tué Tom par pur désir de vengeance. Il lui aurait suffi d’user de l’hypnose pour qu’il ne s’avise plus de m’approcher, il avait pourtant choisi de le tuer. La question était maintenant de savoir si j’étais prête à assumer ou simplement capable de porter le poids d’un secret aussi lourd.
L’arrivée de Derek m’extirpa à mon grand soulagement de mes pensées. Il n’avait pas perdu de temps et était visiblement inquiet lui-aussi. Le fait qu’il ne tente même pas de le dissimuler ne me rassura pas vraiment. Nous nous installâmes dans le living et je lui relatai mot pour mot l’entretien avec Delanay.
— Il sait que tu habites ici ? me demanda-t-il lorsque j’arrivai à la fin de mon récit.
J’opinai du chef. Derek se leva brusquement et fourragea ses cheveux bruns de ses deux mains.
— Je n’aime pas ça ! Ce n’est sûrement pas un hasard s’il t’a convoquée alors que tu étais seule.
— Il me surveille ?
— Ou il LE surveille …, me corrigea-t-il.
— Tu crois que Delanay sait quelque chose à son sujet ?
— Tu m’as dit qu’il venait de Louisiane ?
Je répondis par l’affirmative.
— Elijah vient de la Nouvelle-Orléans. Toute sa famille est là-bas. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence mais il vaut mieux vérifier. Je vais me renseigner sur ce type.
Derek s’affala à nouveau sur le canapé, le visage fermé.
— Je n’arrive pas à croire qu’il ne soit pas débarrassé du corps de manière plus radicale. Je ne sais pas, moi, en le balançant à la flotte ou Dieu sait comment il s’y prend d’habitude ! Cela ne lui ressemble pas d’agir de manière aussi stupide et bâclée. Je me demande ce qu’il a dans le crâne en ce moment ! s’énerva-t-il.
Son attention se posa un instant sur moi avant qu’il ne rejette la tête en arrière contre le dossier. Ce fut bref mais suffisamment explicite pour que je me sente aussitôt coupable.
— En tout cas, j’espère qu’il n’est pas parti commettre une autre connerie. On n’a pas vraiment besoin de ça en ce moment, ajouta-t-il en fixant le plafond.
Je me levai de mon siège pour venir m’asseoir à ses côtés, la jambe repliée sous moi pour me trouver face à lui.
— Derek… où est-il allé ?
Il soupira et hocha la tête de dépit sans la décoller du dossier du canapé.
— Je ne suis sûr de rien : il ne m’a pas mis dans le coup parce qu’il savait très bien ce que je pense tout cela. En tout cas, j’espère que je me trompe ou qu’il fera preuve de beaucoup plus de prudence…