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La France est le pays des aides. Chacun peut trouver son aide, son allocation, sa niche. Les entreprises n’y échappent pas. Le problème : ce sont les contribuables qui paient car tout argent public vient de leur poche. Et la note de l’aide aux entreprises est salée : 110 milliards d’euros.
Un rapport sur les aides aux entreprises a été remis, le 18 juin 2013, à Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif. Les auteurs, Jean-Philippe Demaël, directeur général de Somfy, Philippe Jurgensen, inspecteur des finances et Jean-Jack Queyranne, président de la Région Rhône-Alpes, ont souligné trois chiffres essentiels : 6.000 aides sont fournies par une administration comptant 15.000 fonctionnaires des collectivités locales pour distribuer 110 milliards d’euros. Les contribuables apprécieront l’information.
A la recherche des économies
A la demande du gouvernement, les auteurs du rapport ne se sont penchés que sur un peu moins de la moitié de ces aides : 46,5 milliards d’euros étaient dans la ligne de mire. Alors tout y passe avec entre autres les suggestions suivantes :
- réduire le nombre de chambres de commerce et d’industrie jugées trop nombreuses et trop cher : 336 millions d’euros d’économie.
- en finir avec l’exonération des cotisations sociales pour les juges et arbitres sportifs : 32 millions d’euros d’économie.
- en finir avec l’exonération de 20% de taxe foncière pour les terres agricoles : 178 millions d’euros d’économie.
- soutenir les biocarburants de deuxième génération plutôt que les biocarburants de première génération : 250 millions d’euros d’économie.
- plafonner l’avantage fiscal des livrets de développement durable : 180 millions d’euros d’économie.
- faire disparaître les exonérations sociales des entreprises d’outremer ainsi que le remboursement de la TVA non perçue : 330 millions d’euros d’économie.
- réduire l’impôt lié aux dons aux associations de 75% à 60% : 150 millions d’euros d’économie.
- soumettre à l’impôt sur les sociétés toutes les sociétés immobilières d’investissement cotées qui y échappaient jusque-là : 180 millions d’euros d’économie.
-orienter vers le budget de l’Etat une partie des recettes du Centre national du cinéma : 150 millions d’euros d’économie.
- mettre fin à la fiscalité avantageuse sur le gazole qui touche les secteurs du BTP, des transports et les agriculteurs : 485 millions d’euros d’économie.
- réduire les aides aux buralistes : 210 millions d’économie.
Impressionnant ? Tout est relatif. Les économies proposées ne représentent que 3 milliards d’euros, soit 2,7% des aides distribuées.
C’est-à-dire qu’on ne touche pas à 97% des aides. En outre, l’Etat ne rendra pas l’argent aux contribuables, mais le gardera pour lui. Et puis réduire des avantages, c’est augmenter de fait des taxes. On ne peut pas dire que l’on taille dans le sujet et les contribuables n’en ressortiront pas satisfaits.
Car ce sont les contribuables qui financent toutes les aides. Rappelons cette vérité trop oubliée : l’argent public est l’argent des contribuables.
A travers ces 6.000 aides, ce sont bien les contribuables qui subventionnent l’industrie française à hauteur de 2 milliards d’euros, qui aident l’agriculture à hauteur de 4 milliards d’euros et distribuent des soutiens sous toutes leurs formes aux commerçants, artisans, à la culture, au cinéma…
Sans compter le financement l’administration qui gère ces aides : 700 millions d’euros pour 15.000 fonctionnaires.
Les deux fautes des entreprises aidées
Quant aux entreprises qui acceptent des aides, ce sont des entreprises qui renoncent. Quand un entrepreneur sollicite une aide de l’Etat ou une aide d’une collectivité territoriale, il commet deux fautes.
Première faute : il prend l’argent des contribuables sans qu’ils soient explicitement d’accord ou conscient que le fruit de leur travail va aider une entreprise.
Bien plus : les contribuables sont floués. En effet, ils se retrouvent de fait dans le rôle d’investisseurs.
Si leur argent sert à aider, autrement dit à apporter un concours financier à des entreprises, cela s’appelle bien un investissement. Mais qui dit investissement, dit retour sur investissement. Où est-il ? On le cherche, on ne le trouve pas.
Si on parle de participation financière des salariés soit aux bénéfices, soit au capital d’une entreprise, si on parle d’actionnariat ouvrier ou d’actionnariat salarié, on ne parle pas du tout de la participation des contribuables.
Or l’argent des contribuables donné aux entreprises est en soi une participation financière qui mériterait un retour comme tout actionnaire est en droit d’en attendre un. A ce jour, cet « investissement contribuable » est perdu.
Deuxième faute : l’entrepreneur aidé abandonne de fait une partie de sa propriété et de sa liberté.
L’aide aux entreprises est permise par la loi, et même voulue par les législateurs. Mais accepter une aide, c’est se rendre débiteur et dépendant de celui qui aide. C’est d’autant plus vrai et définitif que l’aide vient de l’Etat.
Inévitablement, l’Etat va s’immiscer dans les affaires de l’entreprise et puisque l’argent public vient en aide, alors l’Etat décide des investissements privés, des secteurs à aider en priorité, définit les priorités.
C’est bien ce que font François Hollande et Jean-Marc Ayrault en voulant relancer la compétitivité de l’économie, en établissant une banque publique d’investissement, en créant un crédit d’impôt compétitivité emploi.
Frédéric Bastiat avait souligné, pour les entrepreneurs, le danger de ce processus « qui substitue la volonté du législateur à leur propre volonté, l’initiative du législateur à leur propre initiative. »
C’est ainsi qu’ils finissent dans des Assises de l’entrepreneuriat, sagement assis au Palais de l’Elysée, à écouter François Hollande qui n’a jamais fait de commerce, jamais travaillé en entreprise, leur dire ce qu’il faut faire.
Alors se produit ce que Bastiat a décrit : « Ils n’ont plus à se consulter, à comparer, à prévoir ; la Loi fait tout cela pour eux. L’intelligence leur devient un meuble inutile ; ils cessent d’être hommes ; ils perdent leur Personnalité, leur Liberté, leur Propriété. »
La loi du marché est dure. D’autant plus dure qu’en France nous avons perdu la culture de l’investissement et de la levée de fonds pour attendre l’aide de l’Etat. Et recevoir de l’argent public, de l’argent des contribuables, n’a rien à voir avec l’esprit d’entreprise.
Mais au fait, au lieu de distribuer des aides par un système complexe, coûteux et inefficace vu les mauvaises performances de notre économie, l’Etat ferait mieux de baisser les impôts et les taxes.
Car ça ne fait aucun sens de matraquer d’impôt une entreprise pour ensuite lui redonner un peu d’argent pour l’aider et la soutenir. La schizophrénie fiscale ne fait aucun sens. Autant laisser son argent à l’entrepreneur et le laisser faire.
Clément Droynat