François Hollande vient de le confirmer en se donnant Schröder pour référence. Soit celui-là même qui a préparé le terrain à Mme Merkel par une politique agressive de l’offre consistant à baisser les revenus du travail. François Hollande veut imiter cette politique de compétitivité : c’est stupide et irréaliste. Le modèle allemand est basé sur un canevas qui, s’il était reproduit dans les autres pays européens, les entraînerait tous dans une récession toujours plus dramatique. Il s’appuie sur un excédent de balance commerciale sans équivalent en Europe. Or l’Allemagne exporte davantage parce que sa politique de déflation sociale lui permet de produire à des coûts de revient inférieurs. Son haut niveau d’exportation contrebalance ainsi la by Text-Enhance"> by Text-Enhance"> by Text-Enhance">réduction de la demande sur le marché intérieur provoquée par cette politique de l’offre. Si chaque pays l’imitait, ces effets s’annuleraient. Il y aurait bien un autre moyen pour limiter ces exportations allemandes : dévaluer mais la monnaie unique l’empêche. L’euro fort joue là pleinement son rôle en garantissant les revenus par capitalisation des rentiers allemands d’une part et en plaçant la plupart des autres pays européens dans une situation intenable.
Voilà pourquoi François Hollande nous vend un miroir aux alouettes. Même s’il est touché par la crise, le patronat allemand et ses zélés représentants, CDU ou SPD, ne changeront pas de politique : ils n’ont aucun intérêt à une harmonisation sociale et fiscale et se satisfont pleinement d’une BCE indépendante gardienne du temple monétariste. Il faut refuser cette nouvelle dérive fédéralo-libérale et compter sur le rapport de forces pour modifier les règles. Affirmer l’objectif d’une Europe sociale, démocratique et écologique est certes louable mais l’heure n’est plus à des déclarations de principe que les peuples, confrontés à la réalité, prennent au mieux pour des illusions.
Pour repartir sur un bon pied, celui de la coopération entre les peuples, affirmons que la construction européenne n’est pas une fin en soi mais un moyen permettant plus de progrès humain. Il ne faut pas craindre une crise, de toute manière déjà là, et des ruptures pour tenter de la faire bifurquer. Plaçons-nous dans la situation d’un gouvernement de Front de gauche. Il faudrait se donner des objectifs concrets de négociation avec les autres pays : une BCE européenne dépendante des pouvoirs politiques, prêtant aux États et tournée vers une relance de l’activité écologiquement soutenable ; le principe de non-régression sociale qui garantira aux Européens que le droit national supplantera les directives européennes tant qu’il leur sera plus avantageux ; l’arrêt de l’ouverture obligatoire des marchés à la concurrence, à commencer par l’énergie et le transport ; un protectionnisme solidaire sur des critères sociaux et écologiques. Quel poids mettrons-nous dans la balance pour imposer ces vues ? Tout d’abord une certitude : l’UE ne se fera pas sans la France, deuxième puissance économique et bientôt le pays le plus peuplé. Ensuite le pari sur l’intelligence des peuples : qui peut douter que nous ne trouverions pas des alliés, à commencer par les pays du Sud, atteints de plein fouet par l’austérité. Mais on ne peut exclure que ce rapport de forces ne fasse pas bouger Mme Merkel. Alors ? La France désobéira et appliquera à son échelle ce qu’il ne sera pas encore possible au niveau européen. À commencer par rendre à la Banque de France ses capacités d’émission de flux monétaire pour nous redonner des marges de manœuvre. Cette rupture solidaire mise sur la contagion vis-à-vis des autres États européens. À ce stade, nous privilégions cette solution à la sortie de la monnaie unique. Cela ne nous empêche pas d’échanger les arguments avec ceux qui, à gauche, prônent une monnaie commune, ou même, tel Oskar Lafontaine, défendent le retour au système monétaire européen. Rien n’est tabou : l’euro Merkel ne résistera pas à ses contradictions et nous ne lui sacrifierons en aucun cas la souveraineté populaire. L’euro des peuples est d’une certaine manière sa dernière chance. Voilà pourquoi la désobéissance aux traités européens doit être au cœur de notre programme et constitue le seul levier d’une convergence par le haut en Europe.
Par Éric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche, membre de la coordination nationale du Front de gauche.