Mon ami Dahmer – Derf Blackderf

Par Theoma

Derf Backderf a passé son enfance à Richfield, petite ville de l’Ohio située non loin de Cleveland. En 1972, il entre au collège, où il fait la connaissance de Jeffrey Dahmer, un enfant solitaire au comportement un peu étrange. Les deux ados se lient d’amitié et font leur scolarité ensemble jusqu’à la fin du lycée. Jeffrey Dahmer deviendra par la suite l’un des pires serial killers de l’histoire des États-Unis. Son premier crime a lieu à l’été 1978, tout juste deux mois après la fin de leur année de terminale. Il sera suivi d’une série de seize meurtres commis entre 1987 et 1991. Arrêté en 1991, puis condamné à 957 ans de prison, Dahmer finira assassiné dans sa cellule en 1994.

Non, ne zappez pas ! Votre premier réflexe passé, « encore l'histoire d'un tueur en série », lisez-moi jusqu'au bout. Mon ami Dahmer est à découvrir absolument parce que même si nous n'avons pas - heureusement ! - tous connu un tueur en série, nous sommes nombreux à avoir côtoyé des camarades de classes « limites », borderline ou à la situation familiale cruellement dysfonctionnante.

Derf Blackderf nous parle, avec justesse et humilité, de ces petits détails du quotidien d'adolescents. Des bêtises, celles qui ont le but de rire ou de provoquer, de la fascination parfois morbide pour l'un des leurs. Il revient sur ses années de collège durant lesquelles Jeffrey Dahmer était un ado en souffrance parmi d'autres. Avec quelques camarades, Blackderf ira jusqu'à créer le fan-club de Dahmer. Pourtant, aucun d'entre eux n'entretiendra avec lui de véritable amitié.

Le dessin, underground, transpire le malaise, les routes sont toujours droites, pas de retour ou de bifurcation possibles. Cependant, Blackderf s'interroge. La question est lancinante : et si et si et si ? Les adultes ont-il été défaillants ? Qui aurait pu, aurait dû, faire quelque chose ?

La force de Derf est d'éviter tout manichéisme et de réaliser une genèse passionnante sans aucune complaisance ni voyeurisme - la dernière page se tourne après le premier meurtre commis par Dahmer. L'auteur essaie de comprendre, de mettre un sens à l'incompréhensible. Il y parvient sans donner pour autant d'explication au lecteur. Rien n'est simple et la culpabilité hante les pages.

Glaçant, terrifiant, triste, remuant et nécessaire. Un uppercut !

Ça et Là, 222 pages, 2013, préface inspirée de Stéphane Bourguoin,

traduit le l'anglais par Fanny Soubiran

Extraits

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