Ulysse Malassagne est un jeune auteur de vingt-quatre ans qui effectue une entrée très remarquée au sein du neuvième art. Après la sortie récente de « Kairos », il sort dans la foulée ce superbe one-shot qui se déroule à la fin des années 50, au cœur d’une province tibétaine occupée par l’armée chinoise.
L’histoire de ce jeune britannique parti à la recherche de Jade afin d’en apprendre plus sur son père disparu au Tibet, ne déborde certes pas d’originalité, mais le contraste entre les deux personnages principaux fonctionne à merveille. Il y a d’une part cet anglais débordant d’énergie et d’ignorance et de l’autre ce guide autochtone rempli de sagesse, qui balaie un à un les clichés de son compagnon d’infortune. À l’aide de dialogues exquis, qui allient humour et profondeur, l’auteur développe une relation très humaine entre ces deux personnages, contribuant ainsi à les rendre extrêmement attachants.
De plus, à travers cette aventure riche en rebondissements, il aborde la question de la répression tibétaine, ainsi que les clichés occidentaux de l’époque. Au détour de quelques cadavres abandonnés dans un monastère, il laisse entrevoir toute la violence de ce conflit qui oppose Tibétains et Chinois. L’album se conclut d’ailleurs par un dossier de quelques pages qui permet de mieux comprendre le contexte historique de l’époque.
Mais ce qui surprend finalement le plus dans cet album, c’est la maîtrise narrative et visuelle de ce jeune artiste. Choisissant de ne pas s’encombrer de l’habituelle mise en place du décor et des personnages, il démarre son récit au quart de tour dès la première case, pour ensuite alterner avec brio scènes d’action et passages plus calmes pourvu de dialogues judicieux et de flash-backs subtilement dosés qui permettent au lecteur de reprendre son souffle, tout en lui permettant de saisir les tenants et aboutissants de cette histoire.
Outre ces changements de rythme d’une fluidité exemplaire et une mise en scène dynamique, vive et précise, l’auteur propose également une mise en images tout à fait alléchante. Alternant cases muettes qui se passent volontiers de texte et pleines pages sublimes, il propose un travail visuel remarquable, dans un style particulièrement expressif qui fait inévitablement penser à l’animation et aux manga. La légèreté dégagée par cette représentation visuelle contraste d’ailleurs à merveille avec la dureté de certaines scènes, faisant souvent passer la pilule avec humour et intelligence… chose que l’on se doit d’applaudir dans un monde qui s’obstine de plus en plus à accentuer le gore, les scènes chocs et la violence.
Un jeune auteur à suivre de très très près et un album coup de coeur que vous pouvez retrouver dans mon Top de l’année et dans mon Top du mois !
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