Au cas présent, le Conseil d'Etat était saisi d'un recours de la fédération des entreprises du recyclage tendant à l'annulation de l'article 7 du décret du 2 mai 2012 relatif à la gestion des déchets de piles et d'accumulateurs et d'équipements électriques et électroniques.
Comme le précise l'arrêt, cet article ajoute au code de l'environnement un article R. 543-194-1, qui prévoit notamment que
"Les opérateurs de traitement de déchets ne peuvent traiter des déchets d'équipements électriques et électroniques ménagers collectés séparément ou repris gratuitement par les distributeurs conformément à l'article R. 543-180 que s'ils disposent de contrats passés en vue du traitement de ces déchets avec les éco-organismes agréés dans les conditions définies aux articles R. 543-189 et R. 543-190 ou avec les producteurs ayant mis en place des systèmes individuels approuvés dans les conditions définies aux articles R. 543-191 et R. 543-192".
Pour la fédération requérante et selon l'arrêt, ces dispositions :
"imposent aux opérateurs de traitement des déchets électriques et électroniques (DEEE) ménagers de réaliser le traitement de ces déchets dans le cadre de contrats passés avec les éco-organismes agréés ou avec les systèmes individuels approuvés de la filière des déchets électriques et électroniques ménagers"
Le Conseil d'Etat rejette le recours de la requérante. Recours utile en ce qu'il a permet au Conseil d'Eatt de clarifier l'interprétation du droit. L'analyse de certains retient plus particulièrement l'attention.
En premier lieu, le Conseil d'Etat juge que le décret attaqué ne porte pas atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie :
"7. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du décret attaqué n'ont par elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de limiter l'accès des opérateurs de traitement aux déchets des équipements électriques et électroniques ou d'imposer des prix de reprise déterminés pour cette catégorie de déchets ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué porterait par lui-même atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ne peut qu'être écarté ;"
En second lieu, le Conseil d'Etat juge que le dispositif d'éco organismes mis en place ne permet pas d'entente anticoncurrentielle :
"8. Considérant, en troisième lieu, que le décret attaqué ne saurait être regardé comme ayant pour effet de placer les éco-organismes, qui ne poursuivent d'ailleurs, en vertu de l'article L. 510-1 du code de l'environnement, aucun but lucratif et qui sont tenus, dans l'exercice de leurs missions, d'observer une stricte égalité entre tous les opérateurs, en situation d'abuser automatiquement d'une position dominante ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la FEDEREC, le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet d'instaurer un organisme coordinateur regroupant les éco-organismes agréés en matière de traitement des DEEE ménagers ni de contribuer, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce, à la mise en place d'une entente anticoncurrentielle ; qu'ainsi les moyens tirés de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le droit de la concurrence doivent être écartés ;"
En troisième lieu, l'arrêt précise - point trés important - que le décret attaqué ne porte pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales :
"9. Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que les dispositions du décret attaqué porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ne peut qu'être écarté, dès lors que ces dispositions n'imposent par elles-mêmes aucune obligation aux collectivités territoriales, qui n'interviennent d'ailleurs qu'au stade de la collecte, et non du traitement des DEEE ménagers ;"
Le Conseil d'Etat retient ici que le décret n'impose aucune obligation aux collectivités territoriales (qui ne sont pas obligées de recourir à un éco organisme) et que ces dernières interviennent en matière de collecte, non de traitement
Enfin, soulignons qu'aux termes de cet arrêt, le décret attaqué n'a pas pour effet de créer une procédure d'autorisation systématique contraire à l'objectif de traitement des DEEE ménagers :
"10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 2003 relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques : " La présente directive a pour objectif prioritaire la prévention en ce qui concerne les déchets électriques et électroniques et, en outre, leur réutilisation, leur recyclage et les autres formes de valorisation de ces déchets, de manière à réduire la quantité de déchets à éliminer. Elle vise aussi à améliorer les performances environnementales de tous les opérateurs concernés au cours du cycle de vie des équipements électriques et électroniques, tels que les producteurs, les distributeurs et les consommateurs, et en particulier les opérateurs qui sont directement concernés par le traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques " ; qu'aux termes de son article 6 : " Les États membres veillent à ce que tout établissement ou entreprise procédant à des opérations de traitement obtienne une autorisation des autorités compétentes, conformément aux articles 9 et 10 de la directive 75/442/CEE " ; que, d'une part, le décret attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre l'activité de traitement des DEEE ménagers que la directive entend encourager, mais d'en organiser les modalités pratiques ; que, d'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions précitées de la directive n'ont nullement pour objet ou pour effet de prévoir, pour les Etats membres, une obligation, que le décret attaqué méconnaîtrait, d'autoriser toutes les opérations de traitement des DEEE ménagers"
Arnaud Gossement
Avocat associé - Selarl Gossement avocats