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Alain Cabantous, Le dimanche, une histoire. Europe occidentale (1600-1830), Seuil, 2013, 363 p.,
L'institution du dimanche est centrale dans la vie sociale des populations des sociétés occidentales ; elle rythme la vie économique et sociale et, bien sûr, la vie des médias : en témoignent les "Sunday Times", "Welt am Sonntag", "presse du septième jour", "Huma Dimanche" et autres "Télé Dimanche". Il n'est pas de média qui ne distingue son audience du dimanche, qui ne s'adapte au dimanche (quitte à s'abstenir de paraître, comme le font les "quotidiens" gratuits).
Cet ouvrage couvre deux siècles de l'histoire européenne du dimanche, deux siècles qui précèdent et annoncent l'entrée dans une ère de plus en plus industrielle et laïque. Cet ouvrage d'historien est méticuleusement documenté (80 p. de notes et une quinzaine de tableaux statistiques). Les pages consacrées à la culture matérielle de l'endimanchement (vêtements, cuisine. cf. p. 212 sq) sont malheuseusement trop brêves.
Le dimanche s'est institué en Europe au cours des siècles d'hégémonie chrétienne. Cette institutionalisation ne fut pas aisée.
Elle s'effectua contre la tradition juive du Shabbat que souhaitent suivre certains chrétiens. L'institutionalisation du dimanche s'est faite aussi contre ceux qui revendiquaient l'égalité des jours de la semaine et notamment le droit de travailler à sa guise.
La Révolution française instaurera le "décadi" (1793-1805) à l'occasion d'une réflexion générale sur les mesures et sur le calendrier (il s'agissait alors de moderniser, rationaliser et laïciser le calendrier grégorien et la mesure de la durée).
Paradoxalement, les régimes républicains, dont la séparation des institutions religieuses et de l'Etat est constitutive, ont maintenu l'existence du dimanche. En revanche, la "civilisation" du commerce et des loisirs en a estompé la référence religieuse pour n'y laisser qu'un élément du "week-end".
Les législations ultérieures accorderont une place croissante à l'activité marchande dominicale (ouverture des magasins) et l'on peut aisément imaginer que rien ne stoppera l'érosion du dimanche, conformément à l'idée que l'activité économique et l'activité médiatique ne doivent jamais s'interrompre.
Après un premier chapitre rappelant les luttes politiques, syndicales dont le "repos dominical" a été l'enjeu récemment, l'ouvrage d'Alain Cabantous est centré sur l'évolution du dimanche dans la vie sociale et religieuse chrétienne, catholique et protestante.
Alors que les autorités chrétiennes voulaient faire du dimanche le coeur de la vie religieuse, elles ont dû faire face à une forte inertie réduisant le dimanche à un jour de repos et de loisirs ; elles mèneront une bataille incessante contre l'absentéisme et les retards à la messe, les bavardages, les comportements irrespectueux à l'église et au temple. La concurrence des loisirs a toujours été forte, le premier de ces loisirs menaçant le dimanche pieux étant le cabaret, l'estaminet où les hommes vont "prostituer leur raison", viennent ensuite la socialisation et les discussions entre femmes (discussions toujours traitées avec condescendance, cf. p. 230), puis la danse pour les jeunes, voire même le besoin de travailler, le plaisir de bricoler, jardiner, etc.
Ainsi, l'enjeu du débat sur le dimanche, qui commença comme une question religieuse, s'élargira au cours du XIXème siècle, pour concerner finalement la vie familiale, la cité et la santé. Proudhon signe en 1839 un texte au titre emblématique, répondant à une question mise au concours par l'académie de Besançon : "De la célébration du dimanche considérée sous les rapports de l'hygiène publique, de la morale, des relations de famille et de cité". Laïcisé, le dimanche modifie son statut : jour de repos, de loisir, de vie familiale, il est d'abord le seul jour de la semaine qui ne soit pas "donné" au seigneur, au patron". C'est le début d'une revendication : "Versons // Le dimanche sur la semaine // Est-il sage de s'ennuyer six jours sur sept ?", disait Victor Hugo. Le "jour du Seigneur" (du latin d'église dies dominicus, d'où vient le mot "dimanche") donnera son nom, dès la fin des années 1940, à une émission de télévision qui retransmet la messe catholique en direct, le dimanche matin. L'émission est toujours diffusée par France 2 (10h30-12h).