Abomination, horreur, sang et tripes ! Le Service Public de Culture Distribuée subit actuellement des attaques insoutenables. Tout ce que la France contient d’artistes et de politiciens conscientisés à la question culturelle se dresse comme un seul homme pour crier, dans un choeur unanime : « No Pasaran ». C’est beau, c’est grand, et ça commence à agacer furieusement ceux qui payent.
Tout a commencé il y a quelques jours, à la stupéfaction générale : dans un réflexe glutéal de puissance maximale, on apprenait que la télévision publique grecque fermait ses portes et renvoyait chez eux les quelques 2700 personnes qui s’agglutinaient chaque jour au robinet subventionnel qui la faisait vivre. Du côté du gouvernement grec, l’excuse facile avait été construite avant même l’acte scélérat : c’est pas nous, c’est la fotaleurop. Comprenez : la Commission / la Troïka nous impose à l’évidence cette douloureuse décision qui nous permet de tenir nos engagements de réduction des déficits (par ailleurs très mal tenus).
Immédiatement, tous ceux qui vivent, de près ou de loin, du sprinkler à pognon public se sont écrié d’une seule voix que cette décision, au demeurant lamentable, était économiquement scandaleuse. Notons au passage qu’à peu près aucune de ces belles âmes outrées n’a lancé une large souscription pour renflouer les caisses de la télévision publique. De même qu’il n’aura pas été constaté la moindre vague de paiement en avance de la redevance grecque, par ailleurs assez mal collectée et très largement fraudée par le Grec moyen. En France, tout ce qui forme la fine fleur du journalisme d’investigation aura rapidement fait son travail pour mobiliser l’électeur / citoyen / contribuable pour lui faire comprendre que cette décision (à l’évidence bruxelloise) montrait à quel point le pays méditerranéen était saigné par l’austérité et comment l’économie écrabouillait la culture sans le moindre remord. Ici : insérez un ou deux adagios lent et pompeux, quelques mentons qui frémissent de rage ou de tristesse, et l’affaire est pliée : il faut se mobiliser pour empêcher une telle abomination.
Mobilisation assez molle, même en Grèce, mais qui suffit : le corps journalistique fait bloc et ne manque pas de relayer largement la petite manifestation. Partis quelques milliers, ils se virent des millions en arrivant au port (exactement à l’inverse d’autres manifestations récentes en France, ce qui n’est en rien fortuit). Bilan : le gouvernement grec commence déjà à faire, prudemment, marche arrière.
Tout comme Chypre indiquait sans doute possible ce qui va se passer prochainement en France sur nos comptes en banque, l’affaire de la télévision grecque présage assez bien de ce qui peut aussi se passer en France. Cela n’a, évidemment, pas du tout échappé aux fines équipes culturistiques et journaleuses françaises. Elles avaient déjà bondi à la nouvelle que Taratata, l’émission chic de musiques banales, était supprimée. Elles s’agitèrent donc deux fois plus encore lorsque la tragédie grecque s’est jouée.
Surtout qu’à ce moment précis est tombé le chiffre de la redevance télé pour 2013 : 131 euros. Les plus aguerris d’entre vous auront noté que cette taxe n’a toujours pas diminué, parce que le changement, c’est maintenant, mais ce n’est pas vers le bas. Désolé.
Rassurez-vous : Pflimlin, l’excuse qui sert de patron à Pravda Télévision, explique que la suppression de Taratata est normale, et que pour compenser cette baisse subite des dépenses lié à cette disparition tragique, il faudra « moderniser » la redevance, c’est-à-dire, en langage normal, l’augmenter un bon coup, parce que le coup de pelle de cette année n’est pas encore suffisant pour assommer correctement le moutontribuable téléspectateur.
On pourrait croire qu’une augmentation serait tout ce qui traverserait l’esprit de nos télécrates merdodiffuseurs, concentrés qu’ils sont sur l’impossible adéquation entre un auditorat qui s’enfuit, une qualité qui dégringole parce que massivement subventionnée, et des budgets en déficit chronique qui alimentent l’envie furieuse de beaucoup de couper le courant au sévices publiques. Il n’en est rien : puisque l’augmentation ne pourra être que modeste, pour des raisons évidentes de diplomatie, on cherchera plutôt a augmenter l’assiette.
Et en fait d’assiette, ce sera une belle tablette, comme celles, justement, qui permettent de nos jours de regarder films, séries et émissions de son choix sans passer par un récepteur hertzien (fut-il numérique, terrestre et à la mode). Et le projet de David Assouline, aussi sénateur que socialiste, toute honte bue, consiste donc à asseoir la redevance sur tout récepteur de merdasse d’audiovisuel public et non plus sur la seule télé, objet du passé dont les classes moyennes, assommées d’impôts, se départissent progressivement pour ne plus payer la redevance.
En parfait hontectomisé de la première heure, le sénateur n’hésite d’ailleurs même pas à rebaptiser sa ponction télévisuelle :
C’est un actionnariat populaire qui donne droit à l’audiovisuel public.
Oui, il faudra continuer à raquer pour que France 2 puisse copier TF1, pourtant déjà nulle, et relève le défi de faire encore moins bien. Oui, il faudra continuer pour que certains puissent sortir l’exemple improbable d’Arte, regardée par 1 million de personnes (en tout, pas en même temps, malheureux), afin qu’elle leur serve d’excuse culturelle et psychologique sur le mode « Je paye ma redevance, ça me fait mal au fondement vu la qualité déplorable du produit, mais au moins, on a Arte, les enfants. Exception cultureuse ! »
Ah ! L’exception cultureuse ! Que n’a-t-on commis de vols, de rapines, de mensonges et de malversations en ton nom ! Combien d’artiste réel, combien de talents précieux aura-t-on fait fuir par ce ridicule concept ? Combien de profiteur moisi et de destructureur du néant spatiophile aura-t-on grassement subventionnés grâce à cette exception culturelle bidon ? À combien de cacas thermomoulés, de bandes sons improbables, d’émissions ridicules, de starlettes abrutissantes aurons-nous offert un avenir doré, gracieusement et sans nous demander notre avis ?
C’est tellement grotesque, cette excuse, c’est tellement absurde vu les dégâts qu’elle a causés que même un ancien maoïste, un socialiste pur sucre, pur beurre, pur collectivisme avec de vrais morceaux d’interventionnisme débridé dedans ne peut pas s’empêcher de le faire remarquer : Barroso, le président de la Commission européenne, trouve ainsi que le gouvernement socialiste français est purement réactionnaire.
“It’s part of this anti-globalization agenda that I consider completely reactionary. I believe in protecting cultural diversity but not in sealing off Europe. Some say they [France socialist's government] belong to the left, but in fact they are culturally extremely reactionary.”
Et ce faisant, on réalisera deux choses : on aura enfin une créativité à la hauteur de ce qu’on paye, et on assainira grandement les finances d’un pays maintenant exsangue. Comme moi, demandez la suppression de France Télévision.
Delenda Est France Television !