Les "progressistes" dénoncent l'austérité et appellent à ne rien changer : relancer, contrôler, réguler.
Par Baptiste Créteur.
À cause de l'austérité, l'Europe va moins bien. Donc, il faut relancer. Les "progressistes" réunis à Paris le 15 juin ont au moins le mérite de la simplicité. Ils se révèlent en revanche incapables de comprendre le monde qui les entoure. C'est dommage, parce qu'ils veulent le façonner à grands coups de progrès derrière la tête.
«Il faut mettre un terme à la politique d’austérité qui n’a rien réglé. Aucun pays au monde n’a pu réduire ses dettes en s’appauvrissant», a lancé Antonio José Seguro, le secrétaire général du PS portugais, en soulignant, avec des représentants italien, espagnol, grec, les «grands sacrifices» déployés par les pays pour réduire les déficits publics sans que la situation, ont-ils accusé, ne s’améliore pour autant.
Aucun pays au monde n'a pu réduire ses dettes en s'appauvrissant. Mais les pays qui s'endettent s'appauvrissent, à partir du moment où ils dépassent le raisonnable. L'histoire le montre, la logique le démontre : lorsque l’État s'endette, il ponctionne pour financer les intérêts des sommes qui ne sont plus utilisables par les individus et les entreprises.
Les grands sacrifices ont été déployés par les pays, plus exactement subis par les citoyens et pas par les États. Quand il s'agit d'endettement, les progressistes évoquent la dette des pays, assimilant l’État et les citoyens ; mais quand des efforts sont à faire, c'est au peuple de les subir, pas à ceux qui les gouvernent.
Il est donc normal que la situation ne s'améliore pas, parce que les "progressistes" font preuve d'un conservatisme de mauvais aloi : ils persévèrent dans leur volonté de s'endetter et de faire subir les sacrifices aux citoyens. Pire : ils veulent relancer.
Pour [Jacques Delors], «il faut mettre en œuvre le plan de relance européen de 120 milliards d’euros convenu en juin 2012, ainsi que la récente initiative franco-allemande sur la jeunesse. Quant au projet de budget européen pour les années à venir, le premier en baisse dans l’histoire de la construction européenne, je compte sur le parlement pour lui redonner une autre allure», a-t-il ajouté. Très applaudi, Jacques Delors a lancé quelques flèches contre la Commission européenne présidée par José Manuel Barroso et contre les «idées néo-libérales».
C'est évidemment la faute aux idées néo-libérales, inconnues au bataillon depuis des décennies, si l’État est endetté et doit aujourd'hui envisager quelques efforts pour réduire la dépense. Ce n'est pas simple ; on parle ici en milliards d'euros, puisque c'est l'unité qu'utilisent nos dirigeants pour dépenser l'argent des citoyens.
«Les déficits, il faut les réduire. Mais toute l’intelligence politique, et c’est là le choix des socialistes, des sociaux-démocrates et des progressistes, c’est de bien doser les choses. Faire reculer à la fois la dette et les déficits, ça serait absurde de ne pas regarder les choses en face, et en même temps tout faire pour l’investissement et la croissance», a commenté pour sa part devant la presse le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault.
Toute l'intelligence politique, c'est donc de réduire la dette et les déficits - comprendre "réduire la dépense", mais il ne faut pas le dire trop fort - tout en investissant - comprendre "augmenter la dépense", mais il ne faut pas le dire trop fort non plus. Toute l'intelligence politique est dans la contradiction permanente, l'absence de ligne directrice offrant aux citoyens le minimum de lisibilité dont ils ont besoin pour faire leurs projets, créer, échanger.
Ça serait absurde de ne pas regarder les choses en face : les citoyens subissent la dépense publique plus qu'ils subissent l'austérité, mais ils sont si dépendant à la première que la seconde leur est insupportable avant même d'avoir eu lieu. Ils sentent bien que la manne d'argent gratuit prélevé dans leur poche ou celle du voisin est amenée à se tarir, mais sentent aussi qu'il manque toujours plus au fond de leur poche à la fin du mois.
L'occasion pour les dirigeants européens de rappeler que le méchant dans l'histoire n'est pas celui qui dépense sans compter l'argent des autres, mais cet autre qui tente tant bien que mal de protéger ce qui est à lui. Peu importe si le dirigeant européen faut lui-même partie de la seconde catégorie ; l'essentiel est de rappeler que nul ne doit se soustraire à l'impôt, et que nul ne le peut impunément à moins d'être homme politique.
Souvent, les confusions relèvent avant tout d'un problème de syntaxe ; désigner une idée de façon inappropriée est le meilleur moyen d'en proposer de mauvaises. Les progressistes ont commencé très tôt, en se targuant d'être les représentants du progrès alors qu'ils sont les tenants du conservatisme économique. Et politique ; car ce qu'ils veulent conserver avant tout, c'est le pouvoir.