Nouvelle "déculottée" électorale pour le PS à la dernière élection
législative partielle, parallèlement à une montée en flèche du FN.
Une circonscription symbolique puisqu’elle fut celle de l’ancien Ministre du Budget Jérôme Cahuzac qui avait renoncé à briguer une nouvelle fois sa circonscription le 18 mai 2013, convaincu par les premiers sondages qui indiquaient
qu’avec sa candidature, le candidat officiel du PS, Bernard Barral, ne serait pas qualifié pour le second tour.
Finalement, même sans candidature Cahuzac, le PS n’a pas été capable de franchir le premier tour. Il le doit
en particulier à une abstention massive qui provient de son incapacité, depuis treize mois, à donner une vision nationale et un espoir d’avenir au peuple français. Le PS n’a pas gagné une seule
élection législative partielle depuis son retour aux affaires, et pour plusieurs d’entre elles, il n’a même pas été capable de se retrouver au second tour. Au total, huit échecs désastreux et il
ne reste au PS que trois sièges d'avance pour garder la majorité absolue au Palais-Bourbon.
Pourtant, cette circonscription autour de Villeneuve-sur-Lot était traditionnellement à gauche et malgré deux
intermèdes centristes, son siège fut occupé par des socialistes depuis un quart de siècle.
Résultats du premier tour du 16 juin 2013
Les résultats du premier tour sont sans ambiguïté. Dix-sept candidats s’étaient présentés au premier tour.
Sur les 75 163 électeurs inscrits, seulement 45,9% se sont déplacés, soit près de 17% de moins qu’il y a un an, le 10 juin 2012.
Le candidat de l’UMP, Jean-Louis Costes (49 ans), conseiller général et maire de Fumel, est arrivé en tête
avec 28,7% (27,0% en 2012). Le candidat du FN, Étienne Bousquet-Cassagne (23 ans), étudiant, est arrivé en deuxième avec 26,0% (Catherine Martin, FN, avait eu 15,7% en 2012), et le candidat du
PS, Bernard Barral (66 ans), chef d’entreprise à la retraite, n’a obtenu que 23,7% (Jérôme Cahuzac avait eu 46,9% en 2012), soit moins que 12,5% des inscrits, le seuil pour se maintenir au second
tour.
Quant aux "petits" candidats, entre autres, Marie-Hélène Loiseau (FG) a fait 5,1% (4,5% en 2012), Lionel
Feuillas (EELV) a rassemblé 2,8% (2,0% en 2012) et Yamina Kichi (MoDem) 2,3%. Les trois partis qu’ils représentent ont fait du surplace alors que chacun a eu son heure de gloire nationale, mais
de façon très éphémère (le futur MoDem en avril 2007, les futurs EELV en juin 2009 et le FG en avril 2012).
Pour l’anecdote, parmi quelques candidats farfelus, on peut citer Anne Carpentier, du "Pari d’en rire" (sic),
avec 3,3% (mieux que les écologistes ou le MoDem) ainsi que trois prétendants permanents et velléitaires à une candidature à l’élection présidentielle, qui n’avaient jamais mis les pieds dans
cette circonscription, François Asselineau (0,6%), Nicolas Miguet (0,4%) et Rachid Nekkaz (0 voix !).
Analyse du scrutin
Les explications sur ce total désaveu total par les hiérarques du PS (un perte de près de 15 000
électeurs !) sont assez pitoyables. La première explication, reprises en boucle, et énoncée notamment par le Président François Hollande sur
M6 le soir même (« Lorsqu’il y a des scandales, en l’occurrence, c’en était un, il y a toujours la tentation de l’extrême droite. ») ou par
sa ministre Marisol Touraine, c’est que c’est la réponse à l’affaire Cahuzac, une réaction contre une affaire de fraude fiscale.
Pourtant, c’est aller un peu vite en besogne et c’est laisser penser que les électeurs sont incapables de
faire la différence entre une responsabilité individuelle (celle de l’homme Cahuzac qui ne se présentait pas) et une responsabilité collective (celle du candidat du PS pour cette élection et
celle du gouvernement socialiste plus généralement puisque son parti est au pouvoir). Une explication qui irait contre le propre principe de l’élection de François Hollande : avec un tel
raisonnement, les électeurs auraient alors refusé leur confiance en 2012 à François Hollande en raison du scandale invraisemblable de son ami socialiste Dominique Strauss-Kahn (or, il n’en a rien été)…
Le candidat du PS, sans doute pas le plus adapté aux circonstances, a même eu le toupet d’accuser le beau
temps comme cause de son infortune électorale. Le terrain était lourd !
Mais ce qu’il ressort aussi souvent des responsables socialistes, c’est la division de la gauche, en
particulier la présence des candidats écologistes et du Front de gauche. Pour le Front de gauche, c’est assez étonnant puisque ce dernier n’est pas au gouvernement. En revanche, le PS a raison de
signaler qu’une candidature EELV n’a pas beaucoup de raison lorsqu’il y a un accord au plus haut niveau entre PS et EELV.
Pourtant, comme lors de la débâcle de Lionel Jospin le 21 avril 2002, cela semble assez évident que si le PS n’est pas au
second tour dans cette partielle, c’est simplement par défaut d’électeurs …du PS : la forte abstention montre une absence de mobilisation essentiellement de l’électorat du PS (mais pas
seulement), et un PS incapable de convaincre son électorat traditionnel à venir se déplacer pour le soutenir.
Mais comme on peut voir aussi que, si c’est une catastrophe pour le PS, ce n’est pas un triomphe pour l’UMP
qui n’a même pas obtenu 30%. Certes, il a gardé son niveau du 10 juin 2012, mais il a quand même perdu en route plus de 3 500 électeurs. En ce sens, il faut saluer l’humilité de Jean-Louis
Costes qui a été, lui aussi, estomaqué par le niveau actuel du FN : « Jamais le Front national n’a fait un score aussi élevé dans ce territoire,
dans cette circonscription, dans cette Aquitaine qui est un territoire de migration, d’immigration depuis plusieurs siècles ; d’avoir aujourd’hui un Front national, c’est
dramatique. ».
Le grand vainqueur du premier tour est évidemment le Front national qui, avec son très jeune candidat, a
gagné près de 1 000 électeurs par rapport à 2012 avec un gain de plus de 10%. Le FN avait d’ailleurs présenté le candidat qui avait obtenu le meilleur score dans la région Aquitaine (17,9%),
à savoir Étienne Bousquet-Cassagne, "parachuté" puisque candidat le 10 juin 2012 dans la deuxième circonscription du Lot-et-Garonne (celle de Marmande).
Petite satisfaction personnelle pour l’étudiant du FN : il est même en tête à Villeneuve-sur-Lot, avec
27,64%, dépassant nettement ses autres concurrents, Bernard Barral (25,04%) et Jean-Louis Costes (24,99%).
Le gouvernement socialiste dans le collimateur
La vraie explication du désastre de la gauche n’a donc rien à voir avec Jérôme Cahuzac puisque dans
les sept autres circonscriptions que le PS a perdues (comme les 17 mars, 2 et 9 juin 2013), l’ancien ministre n’était pas en cause. La seule explication, évidente, c’est l’absence de vision
et l’absence d’espoir d’avenir du gouvernement actuel.
Le PS aurait mieux fait d’encourager discrètement Jérôme Cahuzac à ne pas abandonner son siège, quitte à s’y
opposer en public, cela lui aurait évité de laisser une possibilité au FN d’obtenir un député supplémentaire.
Car c’est bien là l’un des deux enseignements de ce premier round de partielle. Depuis septembre 2012, le
pouvoir socialiste s’est effondré dans l’opinion publique et sa politique n’apporte aucune vision : voulant à la fois redresser les comptes publics mais refusant de le dire clairement pour
garder une aile gauche qui, de toute façon, lui fait désormais défaut, elle n’est pas capable de faire face à la crise car le PS ne s’y était jamais préparé (faisant en 2012 la danse de la
croissance selon la méthode Coué) et n’offre qu’une dérisoire « boîte à outils » qui fait très "Bob le bricoleur" mais certainement pas
capitaine d’industrie.
François Hollande n’a pourtant pas manqué de lucidité quand, sur M6 ce dimanche, il a remarqué :
« C’est quand il n’y a plus d’espérance qu’il y a des votes extrêmes. ». On pourrait presque croire qu’il était le chef de
l’opposition ; Jean-François Copé, François Fillon
et Jean-Louis Borloo n’ont pas dit autre chose. Le premier a parlé de « nouveau désaveu cinglant
pour François Hollande et sa politique », le deuxième : « C’est la sanction d’une majorité sans cap ni autorité (…) élue sur des
promesses intenables. » et le troisième a vu les électeurs « sanctionner à nouveau l’absence de cap de François Hollande ».
Le FN à son niveau le plus fort
Ce qui est inquiétant, c’est que c’est toujours sous un gouvernement de gauche que le FN réussit ses
meilleures percées électorales. C’est le second enseignement.
La première percée eut lieu au cours du dernier gouvernement de Pierre Mauroy, à Dreux en septembre 1983 puis aux européennes de juin 1984 où, venant de nulle part, le FN réussit à conquérir plus d’un électeur sur dix, allant jusqu’à gagner en
mars 1986, après près de deux ans de gouvernement dirigé par Laurent Fabius, un groupe à l’Assemblée
Nationale, grâce à la proportionnelle mise en place sournoisement par François Mitterrand.
Après avoir lentement progressé jusqu’aux alentours de 14-15%, Jean-Marie Le Pen a réussi une nouvelle percée
à l’issue du (long) gouvernement de Lionel Jospin en se qualifiant au second tour de l’élection présidentielle en 2002 et en gagnant la confiance d’environ 18% des électeurs.
C’est justement ce socle électoral qu’a retrouvé Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2012, malgré un baisse en 2007 provenant de la stratégie électorale
de Nicolas Sarkozy qui a fonctionné une fois mais pas deux.
Les sondages actuellement sont très élogieux pour le FN puisque pour les élections européennes de 2014, avec
un mode de scrutin proportionnel, le FN se hisse aux premières places et dépassent dans tous les cas les intentions de vote en faveur du PS.
Depuis 2013, les scores qu’atteignent les candidats du FN aux législatives partielles sont nettement plus
hauts qu’en 2012, gagnant parfois 10% au premier tour et surtout, c’est là le sujet essentiel, capable de rassembler sur leur nom au second tour, comme dans la deuxième circonscription de l’Oise,
près d’un électeur sur deux.
Incertitude pour le second tour
Cela signifie, évidemment, que rien n’est joué pour le 23 juin 2013 à Villeneuve-sur-Lot et les cent seize
autres communes de la circonscription. Le candidat de l’UMP n’est absolument pas assuré de remporter la seconde manche malgré le rassemblement des républicains dont il bénéficie actuellement,
celui du PS notamment.
Ce "front
républicain" est aujourd’hui une arme à double tranchant puisque Étienne Bousquet-Cassagne l’utilise aussi pour fustiger "l’UMPS", décelant une collusion entre l’UMP et le PS. Pourtant, c’est
loin d’être une collusion, vu tous les sujets de divergences économiques entre les deux grands partis de gouvernement (sans parler du mariage pour les
couples homosexuels). Il s’agit juste d’un choix électoral par défaut et s’il y avait eu vraiment collusion, pourquoi y aurait-il eu deux candidats, un UMP et un PS au premier tour ?
Le FN devrait remercier les responsables du PS…
Il reste que le PS a toujours été maladroit dans sa tentative d’utiliser le FN comme boulet ingérable pour le
centre droit. Que ce soit François Mitterrand, Lionel Jospin ou François Hollande, avec des sujets "chiffon rouge" classiques tels que le droit de vote pour les étrangers, lorsqu’il est au pouvoir, le PS favorise tellement le FN qu’il en perd le droit
d’être présent lui-même au second tour.
La nouveauté depuis les cantonales de mars 2011 et le processus de dédiabolisation mis en œuvre par Marine Le
Pen, c’est qu’il n’existe plus de cordon sanitaire au sein de l’électorat de base, quel qu’il soit, de droite comme de gauche, et que de plus en plus de personnes considèrent que le FN propose
une véritable politique d’alternance.
Il ne s’agit plus de dire, avec impuissance, la main sur le cœur, comme Bernard Barral : « Ce soir, j’ai mal à mon cœur, et surtout à la France ! », mais plutôt de s’occuper des vrais problèmes des Français, à savoir, du chômage, de
la compétitivité des entreprises, de l’encouragement à toutes les initiatives économiques (avec le projet de Sylvia Pinel qui dénature complètement le statut d’auto-entrepreneur, on est vraiment mal parti), d’amplifier l’aide aux jeunes en difficultés (c’est aussi mal parti en décidant de supprimer les internats d’excellence) etc.
Mais le PS est toujours resté en vase clos, François Hollande se croit toujours premier secrétaire du PS,
confond gouvernement de la République et comité directeur du PS, et pense qu’en favorisant le vote FN, par sa politique gouvernementale, par ses tentatives de récupération (comme lors de cette tragédie) ou par ses combines (comme ce fut le cas dans la circonscription de la jeune Marion Maréchal-Le Pen en juin 2012), il pourrait toujours
l’emporter sur l’UMP.
C’est une erreur stratégique de trop jouer avec le feu : on s’y brûle toujours les bulletins de vote,
sinon les doigts. Et 2017 n’est plus si loin…
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (17 juin
2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L’affaire Cahuzac.
Un an de pouvoir socialiste.
Les électeurs du PS aussi votent FN.
La
2e circonscription de l’Oise.
Un front républicain face au FN ?
Analyse du programme du
FN.
Scrutin des futures élections locales.
Et le Front de gauche dans tout cela ?
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-gouvernements-socialistes-137460