Deux trois billets pour autant de flâneries entre les tombes de San Michele, l'occasion d'exhumer quelques personnages dont les noms ont été effacés de la pierre de toute mémoire.
Près de
leur lieu d’origine, mais visiblement dérangées, quelques pierres tombales ont
été adossées ou enchatonnées sur la brique sanguine de l’enceinte de
Fornicelli. En face d’un peintre belge, à côté d’un ange aux lauriers couronnant un Carlo bien trop empesé,
non loin d’un temple grec et de la colonne brisée de Giovanna, la stèle de
Ermance-Catherine et Bartholomée. Les époux Stürmer décédés à dix jours
d’intervalle. Parfum léger d’Istanboul. Emanation plus lourde de l’île de Saint
Hélène.
Juin 1815.
Les plaines de Waterloo forcent Napoléon à abdiquer. L’empereur déchu confie son
destin à l’Angleterre. Le Northumberland le déporte sur l’île de Sainte Hélène.
La convention du 2 août demande aux cours impériales de Russie et d’Autriche, à
la cour royale de Prusse et à la France de mander des commissaires chargés de
s’assurer de la présence du désormais Général Bonaparte. La Prusse décline
l’offre.
Metternich
propose Stürmer pour représenter l’Autriche.*
Le couple
Stürmer débarque à Sainte Hélène le 17 juin 1816 et quitte l’île le 11
juillet 1818. Le commissaire autrichien ainsi que ses collègues russe et
français ne rencontreront jamais Napoléon. Leur présence gènent les Anglais. On
les considèrent comme des espions. De son côté, Napoléon proteste contre la
convention du 2 août et renonce à les rencontrer. “... Il irait même à tirer un
coup de pistolet à qui franchirait la porte…”
La mission
des commissaires est un échec. Ils ne peuvent que transmettre les bulletins de
santé de l’illustre prisonnier: “Bonaparte mange beaucoup, engraisse à vue
d’oeil et ne fait pas d’exercice…On ne l’aperçoit que trop rarement, se
promenant à pied devant sa maison…Nous savons si peu sur ce qui se passe à
Longwood, que je n’ai même pas la satisfaction de mander à Votre Altesse une
seule anecdote… Cette mission est ingrate et pénible… tous les dégoûts que j’y
éprouve… Le rôle qu’on nous fait jouer devient humiliant.”
Heureusement
la présence de son épouse française Ermance-Catherine “... embellit mon existence.
Sans une pareille compagne, la mélancolie m’aurait déjà accablé de tout son
poids et je n’aurais pu arriver au terme prescrit pour mon séjour ici sans
succomber.”
Au soir du
11 juillet 1818, au plus grand plaisir des autorités anglaises, le couple Stürmer quitte Sainte Hélène salué par les treize
coups de canon des batteries de l’île et autant de celles du Northumberland, le même navire qui amena Napoléon.
Les années passent et après une
existence dévouée à la cour d’Autriche, les Stürmer portent leurs pas à
Venise. Bartholomée achète en 1852 à Valentino Cornello le palazzo Coccina Tiepolo où
il demeure jusqu’à sa mort, le 8 juillet 1863. Bartholomée s’éteint dix jours à peine
après la disparition de son aimable et spirituelle** épouse. Leur demeure devient
alors le palazzo Coccina Tiepolo Papadopoli.
“Nous
étions faits l’un pour l’autre, et jamais union ne fut plus heureuse…”
* Pour en
savoir plus, voici rassemblés les rapports officiels du Commissaire du
Gouvernement autrichien, le Baron Stürmer: Napoléon à Sainte Hélène.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61384538
**Duc de Raguse
le Conte Bartholomée de Stürmer