[parution] Sous la direction de Peter Collier & Ilda Tomas, "Béatrice Bonhomme, le mot, la mort, l’amour"

Par Florence Trocmé

 
Comment donner une forme aussi logique que passionnelle à un ensemble riche et complexe ? Comment mettre en relation et combiner des unités critiques diverses où les mêmes éléments sont repris, disjoints, redistribués proposant des clés de lecture pour peindre une même personne ? 
Cet ouvrage se déclare, d’entrée de jeu, comme reconnaissance au triple sens du terme : 
Reconnaissance d’une œuvre et de sa place éminente dans la poésie actuelle. 
Reconnaissance envers une œuvre au sein de laquelle le secret des êtres et des choses, le dialogue de la vie et de la mort commandent le mouvement de l’écriture et son dynamisme interne. 
Reconnaissances enfin au sens d’itinéraires, d’explorations, de propulsions menées dans l’opulence de cet univers poétique. 
Il serait vain de prétendre rendre compte en quelques minutes de la qualité exceptionnelle des études. L’intérêt nous semble plutôt de retrouver les pistes à parcourir à partir du chemin tracé par le poète. La structure de base qui assure à l’ouvrage son ordre et son orientation est celle d’une continuité, d’une progression, et d’un approfondissement dans la découverte d’une identité. Les séquences soigneusement élaborées, avec un style différent et un rythme renouvelé, ont été disposées en vue d’obtenir un autre système, en écho à l’œuvre et à l’artiste étudiés ; le passage de l’une à l’autre se faisant comme par un fondu-enchaîné dans une  poursuite  qui affine, affouille et affermit l’approche critique. 
La première partie, grâce aux textes inédits de Béatrice Bonhomme, renvoie d’emblée à l’écriture du poète : nous sommes à même la matière et la chair vivante du Verbe ! 
Succède une partie biographique : aucun bavardage anecdotique, mais un dialogue fécond qui plonge dans ce nœud d’où partent, mûrissent et fusionnent les multiples façons d’être, de sentir et de créer. 
La lumière étoilée illustre les rapports entre formes artistiques et artistes variés faisant ressortir le rôle prépondérant tenu par l’art, dans une œuvre qui ouvre dans la photographie, la peinture et le théâtre, des lignes et des perspectives qui se croisent, s’entrelacent et convergent. 
Le vide essentiel désigne l’autre côté de la vie : Béatrice Bonhomme capte les frissons du manque ressenti en creux et en cri. Elle suggère à vertige les cicatrices de l’inexistence, ce lieu de tension absolue où fermente l’insoutenable, et traduit le passage inouï de l’absence à l’étreinte, de la carence à la caresse. 
Mais Béatrice Bonhomme connaît autant l’art d’aviver et d’exalter l’éclat de la vie, l’élan de l’amour, l’épaisseur savoureuse et charnelle du monde, ce que révèlent le corps glorieux et les splendeurs du sentir, celles des aubes et des couleurs, des arbres et des fleurs, des rires d’enfants, des pulsations sensorielles et des émois sensuels. 
Cette poésie porte néanmoins les marques d’une conscience inquiète devant le problème du destin de l’être et la difficulté à dire l’indicible et l’infini. Chaque lecture fait vibrer l’intensité de ce qui fut un désir, une émotion, la perception de la beauté ou de la douleur, aboutissant logiquement à une interrogation sur les fonctions de la poésie. 
Nous avons cherché à engendrer, par l’agencement de tous les textes, la trame de l’ensemble poétique de Béatrice Bonhomme, sa teneur, en contrepoint duquel se sont déployées toutes nos voix. Les combinaisons par lesquelles les matériaux s’organisent effacent sans doute les conditions difficiles qui mettent la création critique en mouvement et la font s’ouvrir, se déployer et s’émouvoir comme une respiration, un souffle, une palpitation : manière de dominer et de recréer ce battement de vie singulier. 
Cet ouvrage fut une fête à des degrés divers. Il est d’abord le centième de la collection de Peter Collier sur la Littérature Française Moderne. Il est élaboration d’un ensemble chanté dans une combinatoire signifiante, dans une démarche effectuée davantage sous forme cinétique que statique, qui privilégie les sources émotives dans une organisation conceptuelle.  
D’autre part, pour comprendre un poète, il faut répondre à ses vibrations. Par moments, cet ouvrage a des airs de méditation lyrique, ensemble de science et de ferveur, de concentration et d’effusion, conçue sur le lyrisme de Béatrice Bonhomme, prolongeant indéfiniment le retentissement des poèmes dans une ardente communication qui nous porte et nous inclut tous.  
[Ilda Tomas] 
 
Sous la direction de Peter Collier & Ilda Tomas,  Béatrice Bonhomme, le mot, la mort, l’amour, Editions Peter Lang, 2013.  Contenu du recueil
 
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