Comment donner une forme aussi logique que passionnelle à un ensemble riche et
complexe ? Comment mettre en relation et combiner des unités critiques
diverses où les mêmes éléments sont repris, disjoints, redistribués proposant
des clés de lecture pour peindre une même personne ?
Cet ouvrage se déclare, d’entrée de jeu, comme reconnaissance au triple sens du
terme :
Reconnaissance d’une œuvre et de sa place éminente dans la poésie actuelle.
Reconnaissance envers une œuvre au sein de laquelle le secret des êtres et des
choses, le dialogue de la vie et de la mort commandent le mouvement de
l’écriture et son dynamisme interne.
Reconnaissances enfin au sens d’itinéraires, d’explorations, de propulsions
menées dans l’opulence de cet univers poétique.
Il serait vain de prétendre rendre compte en quelques minutes de la qualité
exceptionnelle des études. L’intérêt nous semble plutôt de retrouver les pistes
à parcourir à partir du chemin tracé par le poète. La structure de base qui
assure à l’ouvrage son ordre et son orientation est celle d’une continuité,
d’une progression, et d’un approfondissement dans la découverte d’une identité.
Les séquences soigneusement élaborées, avec un style différent et un rythme
renouvelé, ont été disposées en vue d’obtenir un autre système, en écho à
l’œuvre et à l’artiste étudiés ; le passage de l’une à l’autre se faisant
comme par un fondu-enchaîné dans une
poursuite qui affine, affouille
et affermit l’approche critique.
La première partie, grâce aux textes inédits de Béatrice Bonhomme, renvoie
d’emblée à l’écriture du poète : nous sommes à même la matière et la chair
vivante du Verbe !
Succède une partie biographique : aucun bavardage anecdotique, mais un
dialogue fécond qui plonge dans ce nœud d’où partent, mûrissent et fusionnent
les multiples façons d’être, de sentir et de créer.
La lumière étoilée illustre les rapports entre formes artistiques et artistes
variés faisant ressortir le rôle prépondérant tenu par l’art, dans une œuvre
qui ouvre dans la photographie, la peinture et le théâtre, des lignes et des
perspectives qui se croisent, s’entrelacent et convergent.
Le vide essentiel désigne l’autre côté de la vie : Béatrice Bonhomme capte
les frissons du manque ressenti en creux et en cri. Elle suggère à vertige les
cicatrices de l’inexistence, ce lieu de tension absolue où fermente
l’insoutenable, et traduit le passage inouï de l’absence à l’étreinte, de la
carence à la caresse.
Mais Béatrice Bonhomme connaît autant l’art d’aviver et d’exalter l’éclat de la
vie, l’élan de l’amour, l’épaisseur savoureuse et charnelle du monde, ce que
révèlent le corps glorieux et les splendeurs du sentir, celles des aubes et des
couleurs, des arbres et des fleurs, des rires d’enfants, des pulsations
sensorielles et des émois sensuels.
Cette poésie porte néanmoins les marques d’une conscience inquiète devant le
problème du destin de l’être et la difficulté à dire l’indicible et l’infini.
Chaque lecture fait vibrer l’intensité de ce qui fut un désir, une émotion, la
perception de la beauté ou de la douleur, aboutissant logiquement à une
interrogation sur les fonctions de la poésie.
Nous avons cherché à engendrer, par l’agencement de tous les textes, la trame
de l’ensemble poétique de Béatrice Bonhomme, sa teneur, en contrepoint duquel
se sont déployées toutes nos voix. Les combinaisons par lesquelles les
matériaux s’organisent effacent sans doute les conditions difficiles qui
mettent la création critique en mouvement et la font s’ouvrir, se déployer et
s’émouvoir comme une respiration, un souffle, une palpitation : manière de
dominer et de recréer ce battement de vie singulier.
Cet ouvrage fut une fête à des degrés divers. Il est d’abord le centième de la
collection de Peter Collier sur la Littérature Française Moderne. Il est
élaboration d’un ensemble chanté dans une combinatoire signifiante, dans une
démarche effectuée davantage sous forme cinétique que statique, qui privilégie
les sources émotives dans une organisation conceptuelle.
D’autre part, pour comprendre un poète, il faut répondre à ses vibrations. Par
moments, cet ouvrage a des airs de méditation lyrique, ensemble de science et
de ferveur, de concentration et d’effusion, conçue sur le lyrisme de Béatrice
Bonhomme, prolongeant indéfiniment le retentissement des poèmes dans une
ardente communication qui nous porte et nous inclut tous.
[Ilda Tomas]
Sous la direction de Peter Collier
& Ilda Tomas, Béatrice Bonhomme, le mot, la mort, l’amour,
Editions Peter Lang, 2013. Contenu du
recueil
Lire aussi un entretien de Béatrice Bonhomme avec Claude Ber