Les moyens modernes de communication font rages jusqu’au fond des campagnes, même si l’ADSL et le téléphone portable ont parfois du mal à arriver. D’année en année, le bureau de poste de mon village devenait de moins en moins fréquenté. Salon de rencontre hier entre jabotes de hameaux éloignés, il n’était plus guère recherché que par quelques rares nostalgiques du timbre poste. Attacher une jeune femme 35 heures par semaine à un guichet de plus en plus désert relevait de la torture morale… et financière. Les responsables, soucieux de l’équilibre de leur personnel et de leur gestion, prirent la courageuse décision de confier les derniers services encore sollicités aux bons soins de la municipalité. Les locaux du tri devenant ainsi disponibles, le Conseil Municipal a alors décidé, dans sa grande sagesse électorale, de les affecter à un Point Lecture dépendant de la médi@thèque de la Sous-préfecture. Des livres dans le lieu de l’ivresse épistolaire, l’image est chatoyante ! La proximité de la correspondance de Madame de Sévigné à Madame de Grignan avec les romans de Guillaume Musso, de Marc Lévy ou de Philipe Sollers devient hardie. Quoi qu’il en soit, après plusieurs mois de travaux intensifs, une cérémonie d’inauguration s’est déroulée samedi dernier en grande pompe et petits fours en présence des sommités locales et départementales. Et chacun de se congratuler de la clarté des lieux sentant encore la peinture fraîche, de l’aménagement douillet d’un coin lecture pour accueillir les dames âgées les jours de pluie et du sourire chaleureux de la préposée envoyée tout exprès depuis la capitale de l’arrondissement pour gérer les flux en professionnelle avertie. Et dansent dans l’air saturé de belles phrases des sentences définitives telles que les livres se mettent au vert ou la culture pénètre au cœur même des campagnes. Étrange liturgie pourtant ! Non seulement je suis convié à célébrer la réalisation au titre de vieux bougon et auteur-citoyen de la commune, mais j’en suis aussi désigné le parrain ! Une (petite) étagère est même entièrement réservée à mes ouvrages. Mon égo, déjà fort bien dimensionné, frôle alors l’implosion. Ma modestie naturelle tente bien de s’offusquer de la chose mais les compliments achèvent facilement de l’étouffer. C’est donc avec gourmandise que je savoure l’hommage posthume qui m’est ainsi rendu ! En contrepartie, je promets de faire désormais des efforts pour m’en montrer digne. C’est pourquoi, dés mon retour dans mon courtil, je prends la ferme décision de consacrer au moins deux soirées de plus à une énième relecture des épreuves de mon prochain opus avant de les retourner à l’imprimeur. On voit par là que les honneurs les plus doux peuvent se révéler plaisants … et parfois tout aussi pesants. Mais comme dit le proverbe bantou : la paresse ne donne pas de miel. Dont acte ! Et puis, j’ai promis !
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