Simon Hantaï, les yeux fermés

Publié le 17 juin 2013 par Pantalaskas @chapeau_noir

L’importance de l’exposition Hantaï au Centre Pompidou à Paris ne peut échapper à personne. Il a fallu attendre près de quarante ans pour voir une rétrospective aussi fournie décrire l’itinéraire du peintre.

Exposition Simon Hantaï au Centre Pompidou Paris 2013

Rétrospective

Ce regroupement d’œuvres sur un demi-siècle de création retrace de façon remarquable l’itinéraire de l’artiste. Dans la ville où il fit ses études d’art, Budapest, l’œuvre d’Hantaï est paradoxalement absente. Au grand centre d’art contemporain de la capitale hongroise, le musée Ludwig, une seule œuvre d’Hantaï fait partie des collections permanentes. Même si quelques galeries disposent d’œuvres plus modestes, on peut mesure combien l’artiste hongrois est sous-représenté dans son pays. Il est vrai que le peintre, arrivé à Paris en 1948, avait laissé derrière lui son pays, portant peut-être douloureusement les séquelles de la seconde guerre mondiale (il fut arrêté par les Croix fléchées pour une harangue anti-allemande qu'il tint à l'École des Beaux-Arts en 1944, et contraint de séjourner dans un camp pour artistes).

Peindre à l'aveugle

On peut mesurer, également, combien le circuit d’une exposition aussi vaste et complète met le spectateur dans une situation privilégiée : revisiter en un temps très court cinquante ans d’un parcours si divers. Ce pouvoir du visiteur sur le temps ne prend pas en compte toutes les hésitations vécues d’une œuvre à faire, d’un avenir inconnu, d’une création incertaine. Ce visiteur voit se dérouler sous ses yeux comme si elle allait de soi cette interrogation sur l’art, issue du surréalisme, influencée par la peinture gestuelle avant d’ouvrir sa véritable identité.
Dès 1958, les « Petites touches et écriture » posent les premières questions, fixe les premières attitudes d’une œuvre en devenir. En 1960, les « Mariales » font entrer l’œuvre d’Hantaï dans un univers à défricher : les « Mariales » font appel à la pliure de la toile avant de la peindre.
«Voir, c’est se boucher les yeux avec ses poings pour ignorer toutes les séductions ou l’école...» expliquait Hantaï; Après le passage « à l’aveugle » de la peinture, la toile est dépliée et les parties non touchées par le première passage de la peinture sont a leur tour peintes. Cette fois nous y sommes. Hantaï a créé sa méthode personnelle pour mieux s’interroger sur la nature de cet acte singulier : qu’est-ce que peindre ?

"Blanc" 1974 Simon Hantaï

Suivront les développements de ce positionnement dans l’art : « Catamurons » et « Panses », puis « Meuns » , « Etudes » et « Blancs », « Tabulas ».
Hantaï aurait-il alors fait le tour de ce questionnement ? Après la biennale de Venise de 1982, il décide de se retirer du monde de l’art. Peint-il encore ? Certes en 1994 il décide de découper dans les « Tabulas », de grands fragments qui peuvent donner l’illusion de peintures nouvelles. Ces œuvres « Laissées », issues de la destruction d’autres œuvres, donnent le ton de ce retrait.
L’ayant rencontré dans son atelier parisien en 1996, c'est un homme assurément en retrait, économe de paroles, peu enclin aux compromis et donnant le sentiment d’être quelque peu désabusé qui vivait presque caché dans cette rue tranquille du quatorzième arrondissement. On pourrait croire que l’histoire de cet itinéraire s’arrête là.

"Supports-Surfaces"

Pourtant cette histoire en a marqué d'autres. Avec le groupe "Supports-Surfaces", qui a partir du milieu des années soixante, s'attaque à une démarche élémentaire, sorte de retour aux origines de la peinture, un degré zéro de la peinture, recouvrant une grande diversité des pratiques; la toile se prête au pliage, au froissage, à l’enroulement, au collage, à la couture. Les membres de ce groupe reconnaissent Simon Hantaï comme un défricheur dans cette recherche. Le peintre Jean-Michel Meurice, proche de Supports-Surfaces, réalise des films avec Hantaï, films présentés dans l'exposition du Centre Pompidou.Pierre Buraglio, également associé au mouvement Supports/Surfaces, a introduit dans certaines de ses œuvres des « chutes » d’œuvres qu’Hantaï lui a données.
L'exposition du Centre Pompidou témoigne de la place éminente d'Hantaï dans l'art de la seconde moitié du vingtième siècle. A voir les yeux grands ouverts.

Simon Hantaï
22 mai- 2 septembre 2013
Centre Pompidou Paris

Commissaires de l'exposition :
Dominque Fourcade, Isabelle Monod-Fontaine, Alfred Pacquement