“Mesdames et Messieurs, le Thalys arrivera quai 15a dans quelques minutes. Les voitures de première classe s’arrêteront face aux lettres A et B”. Et les autres n’auront qu’à se démerder, pensais-je amusé. Le train s’ébranlât, nos yeux, sans larmes, regardèrent s’éloigner les tristes rives du XXX. Ainsi s’achevât trois jours en amoureux en la capitale des Oranges, trois jours de surprises et de découvertes.
“Il n’est pas question que tu partes sans moi. Et puis combien de temps va durer ce rendez-vous ? Deux heures ? Soit, j’attendrai à l’hôtel. Je m’occupe de tout”. Ainsi fut décidé de prolonger un déplacement professionnel en un week-end amoureux. Gare du Nord, 7h30 vendredi matin, un mauvais chocolat avalé face à des visages creusés, le sourire de Florence, mon soleil de Provence, éclaire cette fraiche matinée de ce froid mois de Juin. La banlieue s’étire, les paysages verdissent, nos yeux regardent s’éloigner Paris quand, soudain, une annonce au ton désolée nous rappelle à la réalité française : “A la suite d’un arrêt de travail des personnels de la société en charge de l’approvisionnement du train, nous ne serons pas en mesure de servir le petit-déjeuner”. Privilège de la 1ère classe, les stewards, indignés qu’on leur joua un tel tour, n’hésitèrent pas à servir, avec distinction, un verre d’eau à chaque passager.
Quelques degrés de moins et quelques méchants nuages gris en plus nous accueillirent à la sortie de la gare centrale d’Amsterdam montées sur ses milliers de pilotis. Curieux tout de même
cette gare tournant le dos au large dans une ville portuaire. Dix minutes de marche, plans en main, 5 arrêts pour tempête de cerveau et 2 disputes plus tard, apparût l’hôtel Die Port van Cleve, magnifique dans sa robe d’acajou. Un rapide déjeuner, une discussion professionnelle et une sieste plus tard, nous sortîmes prendre l’air.
Des quatre heures de marche à pied le long des canaux, des cafés et de quelques vieilles bâtisses, nous sortirons quelque peu déçus. L’eau des canaux est marron, les fleurs rares, le gris règne.
Revenant sur le Dam, le cœur battant d’Amsterdam, le ventre criant famine, nous avisâmes un restaurant. Il est 19 heures, nous en sortirons deux heures plus tard après avoir dévoré pour l’un des tagliatelles au saumon, pour l’autre des magrets de canards suivis respectivement d’un assortiment de desserts et de glaces. S’il nous arriva d’être servis plus rapidement, un fait restât constant. Les restaurateurs, contrairement aux français si épris de la leur, font la cuisine sur place. L’on nous dira avec raison que leur gastronomie n’existe pas, que leurs plats sont simples avec des épices fort présentes et leurs frites admirables. Les Hollandais en France s’étonneront à bon droit devant les gardiens du temple de la gastronomie tenant pour cuisiner le fait de réchauffer aux micro-ondes des plats travaillés par d’autres.
Samedi, nos 6 heures de promenade commencèrent sous la pluie. Que voulez-vous que l’on fît ? Nous fîmes quelques emplettes à l’abri dans la Magna Plazza, galerie commerciale sise dans le prétentieux bâtiment de 1896 de l’ancienne poste. Râlant contre les prix élevés pratiqués par l’industrie du disque française, nous profitâmes des tarifs très attractifs pour compléter ma collection de musiques reggae et soul. “Do you sell over internet ? Can you deliver the products in France ? Your prices are so amazing ! ” Le regard triste, le caissier regarde ses deux ovni français venus acheter de la musique au lieu de graines de chanvre dans le quartier rouge. “No Sir. We are bankrupt. End of June, all will be over.” No comment.
Avec apparition du soleil, en trois étapes dignes du tour de France, nous usâmes nos semelles le long des canaux et de l’Amstel. Nous revînmes midi et soir nous réfugier à la brasserie
de l’hôtel. “May I have a bier, an Amstel if you don’t mind ? ” D’un sourire en coin, Gregg se refuse à me servir une Amstel, produit du cru s’il en fût ! “Sorry Sir. We only serve Heineken here”. Dans un anglais parfais, il me fait valoir que cette vieille maison est la première brasserie d’Amsterdam, ouverte par Heinken en 1864. Fier de ses rois, Gregg nous vante le couronnement, qui a eu lieu quelques semaines plus tôt juste de l’autre coté de la rue, dans l’église Nieuwe Kerk. Saisissant le moment, Florence lui fait remarquer justement que le Palais royal mitoyen gagnerait à être ravalé. Le visage de Gregg marque sa surprise. “Maudits français, peuple arrogant toujours à critiquer les autres.” semblons-nous lire sur ses traits figés. Un sourire détend l’atmosphère, l’œil se fait rieur.“We just did it five years ago” lance-t-il en rigolant à nos dépends. Les larmes au bord des yeux marquèrent ce moment de rire partagé. Des mes voyages, je retiens une constante. Le rire est l’émotion la plus partagée. Le sourire et le rire vous tirerons de bien des embarras pourvu qu’ils viennent directement du cœur.
Qu’avons nous retenu de nos longues promenades au hasard des canaux ?
Entourée dès le XVIIème de trois canaux de Herengracht, Keizersgracht et Prinsengracht, séparés chacun d’une centaine de mètres, la vieille ville se fréquente en vélo, en canot et à pied. La froideur calviniste subsiste transformée par un parfum de liberté autorisé à ceux qui en accepte les valeurs. La ville, gagnée sur la mer, n’est que rues étroites et maisons aux faibles surfaces, accolées, montant vers les nuages. Amsterdam et ses cafés. Le repas est vite avalé. Le peuple se retrouve après dîner dans les cafés. Souvent étroit, quel meilleur endroit pour se réchauffer face au temps incertain fait de pluie et de vent et à la petitesse de appartements. De ces crises du logement, l’on remarquera en haut du Singel et sur le canal des brasseurs, Brouwersgracht, les house-boat. Parfois fleuris, souvent charmants, ils sont à Amsterdam ce que le soleil est à Rome. A deux pas Jordan, le quartier hors les murs, enfin hors le troisième canal, montre ses atours. S’il fût le quartier des portefaix, aujourd’hui ses rues étroites, ses commerces et cafés et surement le prix du mètre carré l’ont embourgeoisé. Les canaux irriguent la vie d’Amsterdam. Hors les bateaux-Bus et les bateaux à touristes, ses voies sont vivantes. A bord de barques ou bateau, les particuliers s’y promènent en fin de journées ; les amoureux profitent de la chaleur du soir un châle sur les épaules et un parapluie dans la main ; conduit par un sobre camarade, une dizaine de jeunes gens chantent à leurs vies éternelles une Amstel et une Heineken dans chaque main ; un vieux couple fait son petit tour la barre en main, le sourire au vent laissant passer les bateaux-mouches et leur flots de touristes.
L’étonnant, Bloemenmarket, le marché aux fleurs sans fleurs mais avec bulbes et des graines. Nous en reviendrons sans photos, déçus et avec une vingtaine de tulipes.
Surprenant aussi, le quartier chinois reconnaissable à ses plaques de rues bilingues et ses commerces ethniques.
Le vélo. Cité du vélo. Cité du vélo Roi. Ils roulent, ils déboulent, ils écrasent. Nul n’a la priorité. Voiture, bus ou piétons, chacun s’écarte devant le roi de la ville. Amusant au début, surprenant
souvent, nous finirons agacés par les libertés octroyés aux aveugles deux roues. Evidemment il est des vélos de toutes tailles et de tout type. Le vélo-fête-de-la-bière reste le plus typique. Une dizaine de jeunes gens transforment la bière en énergie musculaire faisant avancer leur vélo improbable aux rythmes des coups de pédales et des chants des mâles avinés. Des bateaux de jeunes gens useront des mêmes chants et de la même bière avec la même énergie. Dans le centre historique d’Amsterdam, le soir, la fête est partout. Dans les cafés et dans la rue, sur l’eau et sur les vélos.
Dans le centre de la capitale hollandaise, point de dépaysement. La langue anglaise est partout. Nous fûmes étonnés de ne voir que des petits blancs. Alors que 25% de la population est d’origine extra-européenne, ici comme à Munich d’ailleurs, le centre ville reste propriété des touristes et d’une certaine jeunesse. On s’aime tous et un peu mieux entre soi…
Avec le vent de liberté souffle un air de Sodome.
Dans ce joli écran je ne peux m’empêcher de voir et de penser. Tout d’abord cette place Dam square, le cœur battant d’Amsterdam. Fermons les yeux et effectuons un 360°. Le Koninklijk Paleis, ancien Hôtel de Ville devenu résidence royale sous Louis Bonaparte n’ouvre qu’occasionnellement pour quelques réceptions officielles. Sa couleur sombre alourdit la place. A sa droite, devenue un vulgaire musée, la glorieuse église de Nieuwe Kerk vit le couronnement de tous les rois du pays. Les symboles de la royauté et de l’Eglise sont morts et ne survivent que pour les instants people d’une monarchie hochet des foules. Des restaurants et cafés brassent la bière et la monnaie, le commerce fait florès. Dans un magnifique hôtel particulier, die industrieel Groot Club, the right place to meet the right people in a personal approach veille avec son voisin de palier Gassan, les diamants. Le vrai pouvoir d’Amsterdam, face au Palais Royal abandonné, veille à ce que les libertés octroyées n’entravent pas les affaires.
Le monument aux morts, immense phallus de pierre dressé sur Dam Square donne le ton. Amsterdam est la ville des libertés individuelles. Le commerce de la drogue et des corps est florissant. Marchant au hasard, nous traversâmes le quartier rouge. Comment le manquer ? Très grand et très agressif à l’œil. La prostitution et les offres de services multiples s’étalent en plein centre ville. Il en ira de même pour les fameux Coffee shop et ses vigiles triant les étrangers venus faire leur petit commerce.
Tout de même ce vent de liberté défendu par la Hollande se transforme en un commerce bien douteux.
Nous arrivons à Paris. Grand beau temps. Fermons le portable. La balade est terminée. Rentrons dans notre écrin de verdure à Versailles.