Une fois n'est pas coutume, voici un billet d'humeur sur une petite phrase bien banale: "il faut être de son temps!" Au départ, c'est une bonne formule, au XIXème siècle, Baudelaire, Zola et bien d'autres l'utilisaient pour faire admettre leur modernité dans une société particulièrement frileuse au niveau artistique. On les comprend, le conservatisme et l'expression artistique n'ont jamais fait bon ménage.
"Il faut être de son temps!" c'est le suivisme érigé en mode de pensée irréfutable. Un impératif qui permet de s'épargner de réfléchir (comme le scandaient de jeunes manifestants de droite, suite à l'élection présidentielle de l'année dernière: "la culture, ça fait mal à la tête!")
Et pourtant, quand on considère tout ce qu'on peut ou a pu légitimer de cette manière! L'esclavage, le tout-bagnole (à Lyon, on a décidé dans les années 60 que l'autoroute passerait dans la ville: "il faut être de son temps!"), le matérialisme le plus excessif (Boris Vian a fait une malicieuse chanson dans les années 50, "la complainte du progrès") dont l'avatar-tendance est aujourd'hui la machine à café expresso (une aberration écologique et économique à laquelle il est presque impossible d'échapper), etc.
Non, il ne faut pas nécessairement être de son temps! Réfléchissons sur notre temps plutôt que de bêtement se conformer - ce qui est n'est pas forcément bien et bon. Les grands artistes, les grands inventeurs n'ont souvent pas été de leur temps, justement, mais en avance sur leur temps.
D'ailleurs, "il faut être de son temps", vous ne trouvez pas l'expression un brin ringarde?